Le Salon Idéal © Martin Sarrazac
Le Salon Idéal © Martin Sarrazac

Arièle Butaux nous parle de son Salon Idéal

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Arièle Butaux nous parle de son nouveau projet musical : le Salon Idéal.

 

Du Mardi Idéal au Salon Idéal. Quelle est la genèse de ce projet ?

Depuis plusieurs années, j’anime des émissions à la radio où j’ai reçu des artistes de différents horizons : musique classique, jazz, musique du monde, chanson, etc.
Dans mes émissions, j’essaie de favoriser les rencontres car souvent ces différents mondes ne se croisent pas.

J’ai donc eu envie de créer un salon comme au XIXe mais avec l’esprit du XXIe siècle.

L’idée est de proposer une manière différente de faire de la musique, dans une ambiance de convivialité et d’amitié entre les artistes.
Ça devient aussi une autre manière pour le public d’écouter la musique, car le Salon Idéal est avant tout une aventure musicale et humaine, où le public est complice.
Souvent, au concert, il y a une nette séparation entre les musiciens sur scène, dans la lumière, et le public dans l’ombre. Ici les musiciens parlent avec le public, leur expliquent les morceaux et leur donnent des clés d’écoute, car il s’agit bien d’un salon et non d’un concert.
Le lieu étant très intime, il y a une grande proximité avec la scène et, comme il n’y a pas la pression d’une grande salle, les artistes peuvent s’exprimer librement, tout comme le public, qui peut se laisser aller à l’émotion.

 

Combien de musiciens participent au projet ?

Il y a un fond roulant de quarante musiciens et, à chaque fois, sur scène, il y en a de douze à quinze.

 

Comment avez-vous choisi les musiciens?

Plusieurs critères sont entrés en jeu : j’ai évidemment choisi d’excellents musiciens, mais j’ai aussi évalué leurs qualités humaines et leur potentiel par rapport aux autres, car la musique est d’abord une rencontre, un échange et un partage. Le plus court chemin d’un être humain à l’autre est la musique : je pense notamment aux personnes qui ne parlent pas la même langue mais qui peuvent tout de suite jouer ensemble et donc communiquer…

 

Comment concoctez-vous les programmes ?

Nous faisons une conversation sur les réseaux sociaux : des idées sont lancées, on s’envoie des partitions et on fait le tri. Comme je connais bien tous les musiciens, je peux suggérer des idées, mais je ne choisis pas : je suis là seulement pour cadrer.
Une fois que le programme a été décidé, nous faisons une répétition générale chez moi. La répétition est très importante car il n’y a pas de coulisses au Sunside et donc pas de changements de plateau.

La première répétition a été une très belle surprise : personne ne se connaissait mais, à la fin de la soirée, nous n’avions pas envie de nous séparer. C’était un de ces vrais moments de fête où la spontanéité prime : deux personnes qui jouent un morceau, un autre musicien, inspiré, s’y ajoute..

Le Salon Idéal © Marine Pierrot
Le Salon Idéal © Marine Pierrot

Vous vous inspirez donc des salons du XIXe siècle, tout en enlevant le côté élitiste…

J’ai été très inspirée par les salons de Pauline Viardot, chanteuse et compositrice qui a su rassembler autour d’elle des personnes libres d’esprit : des musiciens, des compositeurs, mais aussi des écrivains, des artistes et des intellectuels.
C’était un lieu d’échange très fort, les gens se rencontraient et réfléchissaient ensemble. Il se peut, par exemple, que Berlioz ait eu l’idée des Troyens à cette occasion.

 

Quel est le but du Salon Idéal ?

Avec Internet, je trouve que nous avons accès à tout, mais pas vraiment aux gens, à l’humain.
J’ai envie de favoriser les rencontres : ces moments de partage créent une sorte d’esprit de troupe où personne ne se met en avant. Des liens se tissent et les musiciens ont envie d’aller plus loin. Pour moi le Salon Idéal est une usine à idées ; par exemple : des programmes mêlant plusieurs genres de musique peuvent se créer ici et être présentés ailleurs, dans des contextes beaucoup plus larges.
Nous sommes tous bénévoles, on nous reverse la moitié de la recette et le reste va à l’association Esperanz’arts.

 

Vous en êtes donc à votre troisième Salon. Comment se sont passés les deux premiers épisodes ?

Avec le premier Salon, nous nous sommes jetés à l’eau. A la fin, nous étions très heureux, nous nous sommes dit : on a réussi !
La deuxième fois, on était déjà plus en confiance. Le public avait tellement adhéré que, malheureusement, il n’y avait pas assez de place pour tout le monde.

 

Pourquoi avez-vous choisi le Sunside ?

C’est Marine Pierrot (chargée de diffusion, ndlr) qui l’a choisi. On voulait un lieu décalé pour enlever la barrière entre les genres, entre ce qui s’improvise ou pas. Le Sunset à adhéré au projet, en prenant un risque. Aujourd’hui ils sont très contents.

 

Quel type de public assiste au Salon ?

Il y a des gens qui assistent à mes émissions, des habitués du Sunside, des amis des musiciens, des curieux et surtout : il y a tous les âges. Le public du Sunside n’est donc pas le typique public de la musique classique, mais je suis sûre que cette expérience lui donnera envie d’aller écouter ces musiciens dans un cadre plus « classique » justement. Quand je pense au problème de renouvellement des publics de la musique classique, je sens que le Salon Idéal est ma petite contribution.

 

Quels sont les programmes des prochains salons ?

Le prochain programme sera autour de Bach et de l’Italie. Nous les avons associés car Bach a transcrit beaucoup d’oeuvres italiennes, et aussi parce que Raphaël Imbert (saxophoniste et chef d’orchestre, ndlr), qui avait fait projet autour de Bach et de Coltrane, est à Paris en ce moment, et ça nous semblait donc une belle occasion.

Il y a des liens qui se créent. Les musiciens sont en train d’anticiper. En avril, par exemple, on fera un cabaret qui permettra à Noëmi Waysfeld et Anne Queffelec de se rencontrer.

Comment aimeriez-vous que le Salon Idéal évolue ?

Aujourd’hui, le salon a lieu une fois par mois jusqu’à juin, mais j’aimerais que ça prenne une autre tournure, que ce soit quelque chose qui se pérennise.
L’idéal serait d’avoir un lieu où ce rendez-vous extrêmement libre s’alternerait avec une programmation sur l’année : avec des concerts de type plus « classiques » avec les mêmes musiciens, et des projets construits par les artistes qui se sont rencontrés ici.

Les musiciens ont conscience que c’est quelque chose d’important et qu’il y aura un avant et après pour eux. Ils apprennent à prendre le pouvoir avec le choix des programmes et à se sentir libres.

 

Quelque chose à rajouter ?

Je trouve que Thomas Enhco a bien résumé l’esprit du Salon Idéal : « Des artistes de très haut niveau, chacun dans son domaine, aucun ne se prenant au sérieux, mais tous prenant l’art et la qualité très au sérieux, tous prêts à essayer des choses nouvelles, se laisser inspirer par les univers et idées des autres, et se mettre en danger pour le fun, tous animés par des valeurs communes de partage, de beauté et d’humanisme, et tous jouant bénévolement, – tous ayant envie de faire la fête, de rire, pleurer et s’émerveiller, tous étant des combattants anti-crise, anti-morosité, anti-égocentrisme, anti-grisaille ! »

Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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