Le Festival de Laon fait partie – et l’on s’en réjouit – de ces rencontres musicales “maintenues”, suivant la terminologie désormais consacrée. Pour rien au monde la capitale du département de l’Aisne n’aurait renoncé à organiser cet événement (32ème du nom) tant attendu, particulièrement en cette période troublée où les concerts font, hélas, figure d’exception. Ce festival a donc bien lieu dans les conditions actuellement requises, du 8 septembre au 10 octobre 2020. Il propose une riche programmation servie par de grands interprètes. Notamment le jeudi 24 septembre avec la venue de l’Orchestre Philharmonique de Radio France. A sa tête, son directeur musical, Mikko Franck et, en soliste, la soprano Jodie Devos.
L’Orchestre Philharmonique de Radio France – dont c’était la première sortie “hors les murs” depuis le confinement – avait inscrit à son programme une pièce du compositeur Einojuhani Rautavaara (1928-2016) Adagio céleste et la Quatrième symphonie de Gustav Mahler (1860-1911).
Programme purement symphonique donc, choisi par le chef – et directeur musical – finlandais de la formation, Mikko Franck, programme intégralement interprété masqué, y compris le chef. Avec, en préambule, une pièce vouée exclusivement aux cordes, d’un compositeur finlandais plutôt méconnu en France, Einojuhani Rautavaara. Ce artiste, disparu en 2016, a toujours témoigné d’une grande liberté créatrice et a assumé, comme plusieurs de ses contemporains, différentes “périodes” : dodécaphonique, néo-classique, musique électronique…
L’Adagio céleste, tonal, d’une durée d’environ un quart d’heure, fait entendre de grandes plages sonores, étales. Cet adagio ne présente pas une grande originalité mais il a le mérite d’introduire en douceur la suite du programme et d’annoncer le climat mahlérien.



La Quatrième symphonie de Gustav Mahler, en sol majeur, composée à Aussee puis à Maiernigg en Carinthie en 1899-1900 et créée à Munich en novembre 1901, est d’une dimension plus réduite que les autres. Elle est comme dépouillée et ramassée sur les obsessions thématiques et sonores du compositeur, entre grimaces et plénitude mystique, même si elle se veut plus légère et insouciante que les autres, presque primesautière par moment.
Tout l’univers de Mahler est contenu dans la première mesure du 1er mouvement, “Bedächtig, Nicht eilen, Recht gemächlich” (circonspect, sans presser...). Avec ses grelots ironiques et joyeux qui laissent rapidement place à des éclats de joies, elle introduit toutefois les interrogations et les sarcasmes qui hantent la musique du compositeur autrichien.
Le deuxième mouvement, ” In gemächtiger Bewegung. Ohne hast” (dans un mouvement modéré, sans hâte) débute par une intervention presque guillerette du cor, aussitôt tempérée par le chant du violon solo. L’inquiétude est palpable, en dépit des sonneries et des danses qui se veulent joyeuses.
Le troisième mouvement indiqué “Ruhevoll” ( tranquille ) tout en intériorité, hésite entre nostalgie douloureuse et apaisement incertain. Il annonce déjà, comme une houle désespérée, le célèbre Adagietto de la 5ème symphonie.
La musique se fait presque silence quand, soudain, l’orchestre explose en une sorte de déflagration, un frisson parcourt la cathédrale… la soprano Jodie Devos est là sur le devant de la scène, immobile et noire, sorte d’Antigone. C’est elle qui va, dans un instant, dès le début du quatrième et dernier mouvement “Sehr behaglich” (très agréable, avec plaisir), dans un quasi murmure, chanter “Das Himmilsche Leben” (“la Vie Céleste”), le lied extrait du “Wunderhorn” ( “Cor Enchanté” ).
Ce lied va ponctuer le final de la symphonie en volutes mystérieuses, interrogatives, puis enfin, heureuses.
La pièce s’achève dans une – presque – belle sérénité. L’Orchestre Philharmonique de Radio France chante ici dans son jardin. Il joue avec sensibilité une pièce qu’il connaît particulièrement bien et qui fait partie de son répertoire naturel, donnant à cette oeuvre de Mahler toute la transparence, la légèreté et l’émotion qu’elle requiert. Il est dirigé par Mikko Franck avec calme, légèreté et presque bonhomie. Le chef transmet à l’orchestre la respiration nécessaire.
Quant à Jodie Devos, grande soprano, son chant s’élève limpide et calme, avec une légèreté d’abord teintée d’inquiétude. Puis, finalement, avec émotion, elle fait sienne un chant serein, d’un bonheur et d’une paix, enfin, retrouvés.
32 ème Festival de Laon
Jeudi 24 septembre 2020, 19h
Cathédrale de Laon.
Einojuhani Rautavaara: “Adagio Céleste”
Gustav Mahler: “4e Symphonie en sol majeur”
Jodie Devos, soprano.
Orchestre Philharmonique de Radio France
Mikko Franck, direction.