A l’auditorium de Radio France, la date du 24 septembre marquait le concert inaugural du nouveau chef roumain Cristian Măcelaru, nommé à la tête de l’Orchestre National de France (ONF) suite à la démission surprise d’Emmanuel Krivine. Le pianiste Benjamin Grosvenor y donnait une prestation remarquable dans le Concerto pour piano et orchestre n°2 de Rachmaninov.
Le nouveau chef a pris ses fonctions dans des conditions peu ordinaires, masqué durant l’intégralité du concert, tout comme la majeure partie des musiciens. Ôtant quasiment toute expression provenant du faciès, hormis le regard, ce filtre pourrait constituer une barrière non négligeable entre les musiciens et leur directeur. Heureusement, Măcelaru – qui a déjà dirigé à 3 reprises l’ONF – a réussi à galvaniser l’orchestre au-delà des contraintes sanitaires. Comme son prédécesseur Krivine, le chef roumain de 40 ans a étudié le violon. D’ailleurs, ses débuts de violon solo le propulsèrent sur la scène du Carnegie Hall de New York avec le Miami Symphony Orchestra à seulement 19 ans ! Aujourd’hui, en parallèle à ses nouvelles fonctions, Cristian Măcelaru dirige le WDR Sinfonieorchester de Cologne.
Ce soir, on croisera des compositeurs tels que Debussy, Rachmaninov et Saint-Saëns, et on peut regretter toutefois qu’il ne soit pas donné à l’orchestre d’explorer des répertoires plus confidentiels (hormis la rare deuxième symphonie de Saint-Saëns), voire plus contemporains. Le « monde d’après » n’est-il pas l’occasion de remettre en question les programmes de concert et de donner à (re)découvrir des partitions restées dans l’ombre ?
“Valeur sûre”, le Prélude à l’Après-midi d’un faune de Debussy sonne d’une manière très transparente, élégante, assurément fidèle à la pâte sonore française recherchée par celui qui avoue être “tombé amoureux de l’Orchestre National de France”. Du beau son, en somme.

Benjamin Grosvenor, magistral dans Rachmaninov
Le pianiste Benjamin Grosvenor, artiste en résidence à Radio France cette saison, défend ensuite avec passion le fiévreux Concerto pour piano et orchestre n°2 de Rachmaninov. Attentif à la cohérence d’ensemble, n’hésitant pas à se tourner fréquemment vers les musiciens, et faisant montre d’une vélocité à toute épreuve, le pianiste britannique marque ce concert de son empreinte. L’effusion lyrique de l’Adagio ne bascule jamais dans la caricature car le chef Măcelaru entretient un juste équilibre entre les pupitres, et porte le souffle musical d’un bout à l’autre. Il propose une direction sans grandiloquence mais avec munificence, et véhicule les nuances avec sensibilité.
Le troisième mouvement confirme cette impression de synergie entre les protagonistes, Grosvenor faisant corps avec l’Orchestre National de France jusqu’à la coda finale, triomphale. Le pianiste reviendra en bis avec une légère Danza de la moza donosa de Ginastera.
Des symphonies de Saint-Saëns, on connaît notamment sa Symphonie n°3 avec orgue, très (trop?) souvent inscrite au programme lorsque l’orchestre a rendez-vous avec l’instrument à tuyaux. C’est donc une oeuvre de jeunesse, sa deuxième symphonie, que nous allons entendre en conclusion. La formation musicale est réduite à deux cors et à deux trompettes et, côté percussions, aux seules timbales. Cette symphonie se démarque surtout par cette étonnante fugue à 3 voix en guise d’ouverture, tandis que le final laisse apparaître des cordes au mieux de leur forme où la précision des attaques le dispute à une lumineuse homogénéité.
En bis, Rêverie, de Debussy, arrangé pour orchestre. De quoi songer au chemin – déjà prometteur – que devra tracer Măcelaru aux côtés de l’Orchestre National de France…