Camille Thomas et Julien Brocal ©️Polina Jourdain Kobycheva

Biarritz Piano Festival : Chopin et Franchomme, le piano transposé

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Depuis plus d’une décennie, le Biarritz Piano Festival a durablement inscrit sa singularité dans le paysage musical de l’été. Le concert donné le 6 août par Camille Thomas et Julien Brocal dans le cadre de leur Chopin Project en témoigne, avec l’élargissement au violoncelle du répertoire pour clavier, autour d’un des grands amis du compositeur franco-polonais, Auguste-Joseph Franchomme.

Né deux ans avant Chopin, Auguste-Joseph Franchomme compte parmi les grands violoncellistes du XIXème siècle, et l’un des proches amis de Chopin. L’instrument qu’il acquit en 1869, un Stradivarius de 1730, est celui que Camille Thomas joue depuis quelques années. La soliste française eut alors l’idée de mettre en avant l’amitié qui unit les deux musiciens, traduite entre autres dans les transcriptions que Franchomme fit des œuvres de Chopin. Triptyque discographique sorti en juin dernier chez Deutsche Grammophon, le Chopin Project fait rayonner, à partir d’un corpus réduit, les liens du maître franco-polonais avec le violoncelle, avec, également, des réécritures de Camille Thomas.

Camille Thomas et Julien Brocal ©️Polina Jourdain Kobycheva

C’est d’ailleurs par l’une d’entre elles que s’ouvre la concert qu’elle donne aux côtés de Julien Brocal, dans l’Espace Bellevue baigné par les rougeurs lactées du crépuscule. La version duo avec piano souligne la pudeur mélancolique du Prélude op.28 n°4 en mi mineur, brève introduction au Nocturne op. 14 n°1 en mi mineur de Franchomme, lequel révèle le lyrisme sobre d’un compositeur aujourd’hui oublié. L’adaptation que ce dernier a fait du Prélude op. 28 n°15 en ré bémol majeur met en lumière la fluidité soyeuse des modulations chromatiques, calibrée avec un équilibre complice. Dernière œuvre publiée de son vivant, la Sonate pour violoncelle et piano op. 65 en sol mineur se situe au carrefour de la biographie de Chopin, le Scherzo et le Largo sous les doigts de Franchomme étant sans doute les dernières notes qu’il ait entendues sur son lit de mourant Place Vendôme. Après un Allegro foisonnant et un Scherzo nouant pulsation et sentiment, le mouvement lent condense une expressivité émouvante à laquelle l’auditoire ne peut rester insensible, avant un Finale non moins investi.

Camille Thomas et Julien Brocal ©️Polina Jourdain Kobycheva

Au retour de l’entracte, le duo fait retentir la relecture de Misha Maisky du Nocturne en do dièse mineur, page de jeunesse éditée vingt ans après la mort de Chopin qui ressort ici avec une générosité plus extravertie que les trilles et arpèges de l’original pianistique. La reprise de la Valse op 34 n°2 en la mineur par Franchomme révèle une souplesse du phrasé qui s’épanouit dans l’Air russe varié op.32 de l’ami de Chopin. Cet art de la variation, magnifié par les deux solistes, se retrouve dans la Rhapsodie hongroise op. 68 de David Popper, violoncelliste austro-hongrois contemporain de Dvorak. La pièce reprend des thèmes lisztiens avec la liberté improvisatrice du plus célèbre concertiste du XIXème siècle, l’autre visage majeur du piano romantique. Cette seconde Nuit Chopin du 14e Biarritz Piano Festival confirme l’intelligence de la programmation de Thomas Valverde : au-delà des limites du clavier classique, mais sans jamais renier la cohérence du kaléidoscope esthétique. L’histoire musicale contée par Camille Thomas et Julien Brocal ne dira pas le contraire.

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