Depuis 2010 le Cap Ferret Music Festival rassemble des musiciens à la carrière internationale et des jeunes autour d’une académie d’été et d’un festival valorisant la proximité et l’émotion
Se rendre au festival du Cap Ferret n’est pas quelque chose d’anodin.
Lorsque l’on descend du train à Arcachon, on est tout de suite enivré par cet air typique du bord de mer et reposé par le pas nonchalant des vacanciers se rendant sur la plage.
Je les suis en continuant vers la jetée, où m’attend le bateau qui traversera la baie vers le Nord. Je monte à bord, la mer défile sous mes yeux, le soleil et le vent heurtent ma peau. La presqu’île se rapproche peu à peu, comme un paradis invitant avec sa végétation luxuriante, ses plages calmes et ses poteaux de bois indiquant des élevages d’huîtres.
Finalement, je débarque, un jeune bénévole m’attend sur la terre ferme, un t-shirt du festival sur lui pour m’indiquer que je suis arrivée.
Ma découverte commence en plongeant tout droit dans l’événement clé du festival : son académie. Chaque année le cap Ferret accueille des musiciens du monde entier pour une semaine de formation multidisciplinaire, sous la direction de pédagogues expérimentés.
“L’idée est née après mon expérience d’assistante d’Aquiles Delle Vigne à l’Académie de Leipzig”, nous explique Hélène Berger, fondatrice et directrice artistique du festival, “à cette occasion, j’ai pu voir des musiciens de cultures différentes, se rencontrer, travailler autour d’un projet et tisser des liens profonds et durables. J’ai donc eu l’idée de créer la même chose en France, encouragée par des amis qui s’étaient engagés à y participer et à m’aider, et par le parrainage d’Aquiles Delle Vigne et puis de François-René Duchable”.
L’académie souhaite donc offrir aux artistes des cours avec des professeurs enseignant dans des établissements prestigieux, à des tarifs abordables. L’accessibilité se retrouve également dans le fait que le programme pour le concours est libre et qu’il n’y a aucune limite d’âge.
Pendant 6 jours, les stagiaires peuvent donc se baigner de musique, enrichir leurs compétences, rencontrer et échanger avec d’autres musiciens. Les plus prometteurs parmi eux bénéficieront d’une bourse, leur permettant ensuite de jouer devant le public, ou de produire du matériel de promotion tel que des photos professionnelles, des vidéos ou des sites internet.
Fort de son esprit international, le festival est partenaire de nombreux concours tels que le Concours International de Musique et d’Art Dramatique Léopold Bellan (dirigé également par Hélène Berger) le Tournoi International de Musique de Rome et l’Osaka International Music Competition, ou d’institutions comme le Pôle Enseignement Supérieur Musique et Danse Bordeaux Aquitaine et le Centre Culturel Coréen.
De jeunes lauréats provenant du monde entier, sont donc invités par la directrice artistique, à la fois pianiste concertiste, jury et pédagogue, sur la base de “leur technique irréprochable, mais aussi de leurs qualités humaines, pour qu’ils puissent bien s’intégrer au reste du groupe”.

Après une première partie du concert qui a vu sur scène le stagiaires de l’académie, en solo, duo ou en ensemble, la deuxième partie est consacrée aux artistes plus expérimentés, tels que les lauréats, les artistes et les professeurs invités.
Parmi eux, nous retrouvons le duo de pianistes Four Te, 2e prix finaliste du Torneo Internazionale di Musica de Rome, composé par l’Allemande Ana Maria Weinerich et le Japonais Tomohito Nakaishi. Ils nous ont proposé un étonnant programme à deux pianos (Libertango pour deux pianos de Piazzolla et The serpent’s kiss de William Bolcom), comprenant des improvisations, des percussions corporelles ou au piano, dans un jeu précis et percutant à la fois, et une présence scénique remarquable.
De son coté la percussionniste Shuori Ushida, 2e prix du Osaka international compétition, a fait preuve d’inventivité et de grand aise sur scène, seule ou avec des jeunes de l’académie.
Autre protagoniste de la soirée a été la trompette : tout d’abord avec Alexander Rublev, issu du conservatoire de Moscou et boursier du Cap Ferret Music Festival, qui, en dépit de son très jeune âge, a séduit le public par un jeu attentif et précis, accompagné d’un souffle stable et puissant. Puis avec Vladislav Lavrik, trompettiste soliste de l’orchestre National de Russie (dont il est également chef assistant), qui nous a ravis dans le Carnaval de Venise de Jean-Baptiste Arban par son virtuosisme et son élégance, et surpris en jouant un instrument au design original.
Dans le but d’associer la beauté de la musique à celle du patrimoine, les concerts ont lieu dans plusieurs lieux clés de la presqu’île, dont à l’extérieur, comme le traditionnel concert pyrotechnique qui ouvre le festival sur le bord de mer. “Les concerts en plein air”, nous explique Hélène Berger, “sont normalement vus en tant que démonstrations ou divertissements. Pour nous ce sont des concerts à part entière, et c’est pour cela que nous avons exigé les meilleures conditions d’écoute possibles”.
En effet, afin de ne pas perturber la musique, la municipalité offre au festival un vrai support logistique pendant l’événement, en bloquant les routes autour pour éviter le bruit des voitures et en faisant retirer les bateaux.
Le festival propose donc des concerts dans des lieux pittoresques comme la Pointe aux chevaux à Piquay, la chapelle de Piraillan, l’étonnante chapelle mauresque de l’Herbe, dont l’architecture est tellement charmante au point nous faire presque oublier son acoustique désavantageuse, ou encore l’Église Saint-Maurice de Gujan Mestras.

C’est ici, qu’a eu lieu la soirée de clôture du festival, avec l’orchestre Symphonique du Bassin d’Arcachon, dirigé par Yoann Arnaudet. Ce concert était une sorte de résumé de l’esprit d’échange et de partage du festival, avec un orchestre composé de professionnels et d’amateurs, mais aussi de membres de l’orchestre de Bordeaux, et des artistes d’origines différentes. On y retrouvait donc le duo de flûtes traversières Alma, composé de Marie Charlotte Chemin, française, et Alejandra Buitrago Grajales, colombienne, et la guitariste israélienne Liat Cohen, pionnière de la renaissance de la guitare classique.
L’envie de rassembler les personnes autour de la musique s’est reflété aussi dans le caractère éclectique du programme, qui par son accessibilité permettait de toucher des public plus larges, mais qui a également proposé de la musique de nos jours, notamment une composition du chef d’orchestre lui-même (Navanta), car, comme le soutient la fondatrice du festival : “il est important que les musiciens d’aujourd’hui sachent composer et improviser”.

Le public a donc pu profiter d’une promenade musicale allant de l’Italie de Cimarosa avec le Concerto pour 2 flûtes en Sol majeur, à la France de Debussy avec la Petite Suite, à l’Espagne du Concerto d’Aranjuez, des Asturias de Albéniz et de Carmen (avec la Suite arrangée par Orff), jusqu’à abandonner la planète pour aller explorer les sonorités martiennes (Mars de Holst).
En plus de la bonne humeur, générée par l’accueil chaleureux au festival, c’est la grande énergie de cette pièce que j’ai emporté avec moi le lendemain, en marchant vers le bout de la jetée avec ma valise. Derrière moi le soleil faisait briller l’étendue bleu intense, pendant que les poteaux cachaient leurs richesses et que les bateaux attendaient les pêcheurs. Explorer des nouvelles planètes est certes très excitant, mais préserver les beautés naturelles de la nôtre, comme cette presqu’île que la mer pourrait un jour engloutir à cause du réchauffement climatique, reste la priorité.