Le Quatuor Modigliani
Le Quatuor Modigliani, à l'initiative des Concerts au Potager du Roi © ALMC Photo Luc Braquet

Concerts au Potager du Roi : le “pari fou” du Quatuor Modigliani et de David Fray

4 minutes de lecture

Bonne surprise pour les mélomanes ! Le magnifique Potager du Roi du Château de Versailles résonnera comme jamais pendant quatre week-ends de concerts, du 11 juillet au 2 août, grâce à une pléiade d’artistes de haut vol. Ce nouveau festival réjouissant est mené par le Quatuor Modigliani et le pianiste David Fray. Nous avons rencontré Amaury Coeytaux.

Le Quatuor Modigliani, composé d’Amaury Coeytaux et Loïc Rio aux violons, Laurent Marfaing à l’alto et François Kieffer au violoncelle, est depuis sa création en 2003, devenu l’un des quatuors majeurs de la scène internationale. Loin de se décourager face à une année musicale violemment chahutée, le Quatuor Modigliani s’est révélé ces derniers mois, particulièrement engagé dans la défense et la promotion de la musique et des musiciens indépendants. Amaury Coeytaux, premier violon du Quatuor Modigliani, revient pour Classicagenda sur la création de ces Concerts au Potager du Roi et les séquences d’actualité qui l’ont précédée.

 

Amaury Coeytaux, vous venez, avec le Quatuor Modigliani, de reprendre la scène, comment s’est passé votre confinement ?

Nous sommes passés brusquement d’une centaine de concerts par an, à l’arrêt complet… avec quelques effets bénéfiques inattendus. Cela nous a permis de nous régénérer, aussi bien émotionnellement, physiquement que psychiquement. Avec le quatuor, on ne s’était jamais séparé aussi longtemps. Nous travaillons de façon très pointilleuse et cet arrêt forcé nous a apporté une nouvelle fraîcheur, une envie de nous retrouver et de retourner à l’essentiel dans la musique.

 

Votre très bel album consacré à l’Octuor de Schubert chez Mirare, avec Sabine Meyer à la clarinette, Bruno Schneider au cor, Dag Jensen au basson et Knut Erik Sundquist à la contrebasse, est sorti en plein confinement, exclusivement sur plateforme numérique. Pourquoi ce choix ?

La date de sortie de l’album était prévue depuis longtemps. Elle se couplait avec une importante tournée, dont beaucoup de concerts en Allemagne et en point d’orgue, notre passage au Konzerthaus de Vienne. C’était un programme qui nous tenait particulièrement à cœur, avec nos amis solistes de l’orchestre de Lucerne. Quand tout s’est annulé, la question se posait de reporter la sortie de l’enregistrement. En même temps, du côté du public, une attente se faisait sentir. Il y avait un appétit pour de nouvelles publications, alors même que tout était bloqué et très peu de nouveautés sortaient. La décision d’une sortie de l’album sur plateforme numérique pendant le confinement s’est imposée d’elle-même. La version CD est sortie plus tard.

 

En avril le Quatuor Modigliani a co-rédigé une lettre ouverte au gouvernement, pour signaler la situation particulière des artistes indépendants face à la crise du confinement. Avez-vous obtenu des réponses ?

Oui ! C’est une initiative commune avec d’autres artistes indépendants comme le Quatuor Diotima, David Fray, Gerard Caussé… Certains interprètes rencontrent des difficultés économiques alarmantes suite à la crise sanitaire et d’autres n’entrent dans aucune case. Pendant le confinement, de nombreux musiciens indépendants se sont retrouvés sans indemnités et complètement ignorés, d’où notre lettre, qu’Aurore Bergé a présentée à l’assemblée. Pour les plus impactés d’entre eux, un fonds de soutien par Audiens devrait se concrétiser rapidement.

On nous a dit que nous étions les enfants de l’Europe, mais on constate qu’au premier vent mauvais, l’Europe n’est pas là pour ses enfants…

Nous espérons que le nouveau gouvernement poursuivra cette action. Cette situation sur le statut des artistes indépendants donne à réfléchir… On nous a dit que nous étions les enfants de l’Europe, mais on constate qu’au premier vent mauvais, l’Europe n’est pas là pour ses enfants…

 

Amaury Coeytaux © DR
Amaury Coeytaux © DR

Vous avez été dans les premiers à rouvrir avec les Rencontres Musicales d’Evian dont vous assurez la direction artistique, qu’en est-il ?

Nous avons rarement vécu une entrée en scène aussi intense ! Grâce à nos partenaires Medici TV, Radio Classique et Mezzo, nous avons pu maintenir le festival. (Lire notre interview du danseur et chorégraphe Florent Mélac au sujet du spectacle d’ouverture). Nous avons même pu ouvrir partiellement au public, dans le respect des mesures sanitaires. La Grange au Lac compte plus de 1000 sièges, nous avons limité les entrées à 300 personnes. Quand nous sommes arrivés sur scène, après quatre mois de silence, une émotion palpable a traversé la salle. Je n’imaginais pas à quel point cela pouvait nous manquer !

 

Sur une initiative du Quatuor Modigliani et du pianiste David Fray, vous venez de créer les Concerts au Potager du Roi, de quoi s’agit-il ?

C’est un pari fou qui s’est monté en un mois, avec 70 musiciens, répartis en deux concerts par soir, quatre week-ends de suite, du 11 juillet au 2 août. C’est grâce à l’aide et la réactivité de la Région Île-de-France et de notre ami Jean-Paul Scarpitta que ce projet peut se réaliser dans de si brefs délais !

C’est un pari fou qui s’est monté en un mois, avec 70 musiciens, répartis en deux concerts par soir, quatre week-ends de suite, du 11 juillet au 2 août.

Les concerts auront lieu en plein air, dans ces admirables potagers de La Quintinie sous des arbres fruitiers centenaires, qui ont déjà connu des concerts en leur temps glorieux. C’est un endroit merveilleux pour écouter, respirer. Il y aura une scène couverte et suffisamment d’espace pour respecter les consignes de distanciation.

Côté artistes, l’idée est encore une fois de soutenir les musiciens indépendants. Nous avons tâché d’équilibrer entre artistes de renommée internationale, les parrains si vous voulez, et de jeunes artistes.

 

Quels sont vos perspectives pour l’avenir ?

C’est la question la plus difficile. Il y a encore trop d’incertitudes pour faire des pronostiques. Y aura-t-il une deuxième vague ? Quelle sera la situation économique ici et ailleurs ? En tout cas, nous ferons toujours tout notre possible pour nous adapter et aller à la rencontre du public. C’est notre essence même…. Il y a dans les concerts, quelque chose d’éphémère, une vibration particulière qui ne se remplace pas par l’enregistrement… Nous n’y renoncerons pas et pour le temps présent, s’il est difficile de nous projeter dans l’avenir, nous « cueillons le jour » et nous réjouissons de retrouver le public au Potager du Roi.

 

Programme complet des Concerts au Potager du Roi

 

Derniers articles de Interview