Les Surprises © Festival Bach en Combrailles
Les Surprises © Festival Bach en Combrailles

Conversation avec Juliette Guignard et Louis-Noël Bestion de Camboulas

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Conversation avec Juliette Guignard et Louis-Noël Bestion de Camboulas, fondateurs de l’ensemble “Les Surprises”.

En 2010 vous avez fondé les Surprises, un ensemble spécialisé dans la musique du XVII et XVIII siècles. Comment est née cette idée et comment avez-vous choisi ce type de répertoire ?

Louis-Noël : J’ai commencé ma carrière de musicien en jouant de l’orgue, du piano et du clavecin.
Cela m’a assez naturellement amené vers la musique d’ensemble, dans des petites et des grandes formations et m’a poussé à fonder un groupe.

Juliette : Je joue de la viole de gambe depuis l’âge de six ans, donc je peux dire que j’ai grandi avec la musique baroque.
Le nom de notre ensemble vient de Les surprises de l’amour, opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau, dont nous sommes des grands passionnés. Nous avons fait ce choix pour donner une identité à l’ensemble.

 

Vous ne vous limitez pas cependant à la musique française.

L-N : Nous nous intéressons également à la musique allemande, italienne et espagnole, en particulier aux oeuvres moins connues. La recherche est au coeur de notre démarche, je passe beaucoup de temps à la BNF et à la bibliothèque de l’opéra de Paris et cela me passionne énormément.

J : Il est très important pour nous de nous diversifier : cet été nous nous produisons dans six programmes différents qui vont de la musique hispanique -que nous avons récemment jouée sur un orgue baroque du 1737 à Saint-Savin, dans les Pyrénées- , à la musique sacrée pour 3 voix d’hommes -que nous avons créé à Ambronay- , à l’Allemagne du XVIIe et du XXIe siècle, jusqu’au baroque français (Rameau, Reibel, etc).

Suite à votre résidence à Ambronay, vous avez pu enregistrer votre premier album : “Rebel de père en fils”, sorti en novembre 2013.

J : La sortie de notre disque chez Ambronay éditions, a été une grande opportunité pour nous : ça nous a permis de faire connaître un répertoire auquel nous tenons beaucoup, mais également de nous faire connaître ultérieurement. Suite à cette parution, qui a été très bien accueillie, notre développement a été exponentiel et nous a permis d’avoir certains concerts sans démarcher.

Vous avez choisi d’avoir une formation souple qui varie de l’ensemble de chambre à la formation orchestrale. Quels en sont les avantages ?

J : Notre formation est effectivement très souple, si d’habitude nous sommes 10-12 musiciens, nos effectifs peuvent varier de 4-5 à 30, voire 50 personnes.
Cela nous donne une grande diversité de répertoire et nous a permis de faire 35 concerts en 2014.
Si changer le nombre d’effectifs est intéressant du point de vue musical, il l’est aussi humainement car les dynamiques des relations entre musiciens changent également.

 

Tout en restant fidèles aux partitions vous tâchez de faire des interprétations qui vous sont propres.

L-N : Les trois quarts de la musique de notre premier album étant inédits, le travail de réécriture, de réadaptation et de réorchestration a été indispensable. Ce travail n’est pas anodin, car les compositeurs eux-mêmes remaniaient leurs oeuvres : il existe par exemple plusieurs versions des Indes galantes de Rameau.

Par ailleurs, il est important pour nous d’y apporter une touche du XXIe siècle et de vivifier certains oeuvres, comme par exemple en mêlant la danse et la musique.

Votre souhait de défendre la musique baroque ne vous empêche pas de vous intéresser également au répertoire contemporain et d’être commanditaires.

J : Nous sommes très intéressés au répertoire contemporain, dans lequel nous avons déjà une expérience en tant que solistes.
La création nous est donc parue naturelle et nous avons commandé un triptyque pour un effectif de quatre musiciens à un jeune compositeur allemand : Friedemann Brennecke.
L’idée était de le faire dialoguer avec Bach, Buxtehude, Pachelbel,Reincken et Brade tout en mettant également en lien les oeuvres entre elles. Le retour du public a été tellement positif que nous allons bientôt répéter l’expérience avec de la musique française du XVIII et du XX siècle.
C’est très intéressant pour les musiciens et les compositeurs, car il y a un grand potentiel entre les nouvelles couleurs et les nouvelles approches : pour les effectives baroques c’est tout un répertoire à développer

 

Comment se passe donc ce travail avec les compositeurs ? Quels sont les défis pour les compositeurs et les instrumentistes ?

L-N : Nous faisons un travail de recherche avec le compositeur, nous lui montrons les instruments que nous utilisons et nous lui expliquons le programme dans lequel son oeuvre sera insérée.
Les défis de ce type de collaboration sont que les musiciens baroques doivent se confronter à des nouveaux langages et que les compositeurs doivent être au courant des limitations des instruments anciens et de la façon dans laquelle on les joue.
Par exemple, comme un violon ancien se tient différemment qu’un violon moderne, il n’est pas possible de faire des notes trop rapides. Cette limite doit être prise en compte au moment de l’écriture.
Cependant, notre philosophie est de savoir où sont les frontières pour les dépasser !

 

Quelles sont les actions que vous menez pour intéresser le public à la musique baroque?

J : On organise nous-mêmes trois ou quatre concerts par an à Bordeaux, où nous sommes basés, et nous avons réussi à créer notre propre public et à le fidéliser.
Nous sommes actifs dans la sensibilisation du public dans les écoles, où nous présentons nos instruments de façon informelle et en organisant des avant-concerts et des conférences, comme notre dernière qui a eu lieu au Goethe Institut avec la présence de Friedemann Brennecke.

 

Qu’est-ce qui vous amèné à Bach en Combrailles ?

L-N : C’est la troisième fois que je viens ici, pour jouer le magnifique orgue de Pontaumur et pour me produire avec des ensembles comme l’orchestre d’Auvergne et les “Inventions” de Patrick Ayrton.
Comme ce dernier suit notre travail depuis longtemps, tout s’est fait assez naturellement : nous lui avons présenté un programme et il a accepté.

Effectivement votre programme nous a offert un beau voyage entre musique baroque et danse contemporaine. Comment est née cette l’idée d’associer ces deux disciplines ?

J : Nous avons créé le spectacle en novembre 2012, sur l’idée de faire dialoguer la danse contemporaine avec la musique ancienne.
Dans le programme nous avons associé de la musique allemande et française, qui ont beaucoup de points communs.
Par exemple même si je Bach a un peu voyagé au cours de sa vie, nous savons que pour sa Suite pour orchestre en si mineur, il s’est certainement inspiré des danses françaises, car dans les cours allemandes il y avait beaucoup de musiciens français comme Lully.

 

Concrètement comment se fait un travail d’intégration de musique et danse ?

J : Notre travail avec la chorégraphe et danseuse Anaïs Replumaz a commencé par des échanges d’idées et a évolué dans une grande souplesse.
Nous sommes très contents de cette collaboration parce que la sensibilité musicale d’Anaïs, qui est également hautboïste, lui a permis de créer une chorégraphie où la danse colle à la musique sans pour autant en être esclave.

 

Il n’y a pas de risque que la danse sur scène puisse catalyser l’attention et distraire de la musique?

J : Ce que nous avons constaté est que ces deux formes d’arts s’intègrent très bien et que la danse permet d’écouter encore mieux la musique.

 

Quels sont vos projets pour le futur?

L-N : Nous avons des idées pour une grande formation, mais surtout le projet d’enregistrer Les élémens d’André Cardinal Destouches et Michel Richard Delalande, un opéra de chambre autour des éléments.
L’opéra commence avec un prologue et dans chaque acte, la musique présente un élément : que ce soit la tempête ou le feu la musique sait être descriptive tout en étant très vivante.

L’effectif d’orchestre de chambre s’enrichit de nouvelles couleurs avec une guitare, un théorbe, un hautbois et trois chanteurs dans les rôles des dieux, des déesses et des éléments. Bien que tout le panel d’un orchestre soit présent, chaque instrument sera aussi soliste, en nous entraînant au-delà de la musique de chambre.

Le disque, qui sortira en 2016 aux éditions Ambronay, est un projet à la fois similaire et différent de notre premier album, car Reibel s’était inspiré de cet opéra pour ses Eléments; mais si le premier disque comptait 12 extraits qui montraient la diversité des différentes oeuvres, cette fois il s’agit d’un unique opéra.

Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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