Après une répétition publique à l’Hôtel de Galliffet, siège du Centre Culturel Italien à Paris, I Solisti di Pavia ont donné une interprétation très intense d’un répertoire aux frontières de la musique “classique”, dans le cadre intimiste de la Salle Gaveau.
Cet orchestre à cordes italien, fondé par Enrico Dindo, Premier Prix du prestigieux Concours Rostropovitch en 1997, propose un programme original, autour de transcriptions pour cordes des oeuvres de Piazzolla et Kapoustine, qui partagent un grand intérêt pour les autres genres de musique et une envie de rapprocher musique populaire et savante.
Si Astor Piazzolla, après une formation chez Bela Wilda – élève de Rachmaninov – s’intéresse à la musique argentine et devient le père du « tango nuevo », l’ukrainien Nikolaï Kapoustine essaye de combiner la musique russe et le jazz de Gershwin, Ellington et Tsfasman, en passant par le rock et la musique traditionnelle.
Le Grand Tango de Piazzolla ouvre littéralement le bal : le jeu homogène et le son uniforme des cordes autour d’un Enrico Dindo charismatique à la direction comme au violoncelle, soulignent la couleur douce et les nuances lyriques de cette oeuvre, originairement pour violoncelle et piano.
C’est grâce au pianiste Marc-André Hamelin qui jouait son Concerto n° 2 au Lockenhaus Festival en Autriche, que Enrico Dindo a fait la bouleversante découverte de Kapoustine. Décidé à mettre en valeur ce grand compositeur et sa musique débordante d’énergie et lyrique à la fois, il transcrit lui-même le concerto pour son ensemble à cordes. Le résultat est une oeuvre très expressive aux accents jazz et contemporains, qui commence et se termine par un ostinato au violoncelle, quasi hard-rock, et qui porte en soi des réminiscences du Grand Tango de Piazzolla, joué précédemment.
Las Cuatro Estaciones Porteñas, transcrites par Jorge Bosso, plongent les musiciens et le public dans une telle rêverie qu’il ne reste plus qu’à fermer les yeux et se laisser transporter par cette musique envoûtante et touchante… A tel point qu’on se retrouve à imaginer une salle Gaveau où les fauteuils auraient laissé la place à une « milonga »… seulement les applaudissements nous reconduisent à la réalité. On constate avec plaisir une émotion partagée : le public, même si peu nombreux, est enthousiaste et ne veut plus laisser partir les musiciens.
Pour les deux rappels, Astor Piazzolla est à nouveau protagoniste, avec son Ave Maria plein de douceur et un Oblivion qui alterne élan et nostalgie.
Enrico Dindo, désormais à court de rappels, clôt la soirée sur une note intimiste avec le beau prélude de la Suite n°1 pour violoncelle de Bach.