En août 1914, le Théâtre des Bouffes du Nord, alors appelé Théâtre Molière, ferme ses portes, comme toutes les autres salles de spectacle parisiennes. C’est le début de la guerre. Maurice Ravel, en séjour à Saint-Jean-de-Luz, apporte la touche finale à son Trio avant de se rendre à Bayonne pour servir comme volontaire dans les auxiliaires de santé. Gabriel Fauré, âgé de 70 ans, rentre précipitemment d’Ems, en Allemagne, où il prenait les eaux. Claude Debussy, dans un réflexe patriotique, imagine composer six sonates pour divers instruments, dont le violoncelle, en hommage aux musiciens français du XVIIIème siècle…
Cent ans plus tard, ce même théâtre accueille Jean-François Heisser, président de l’Académie Ravel, Miguel Da Silva, Henri Demarquette et les lauréats 2014 du Prix de l’Académie Ravel pour un concert exceptionnel en hommage à ces trois compositeurs.
Dans ce cadre délicieusement désuet, la soirée a débuté sous le signe de la poésie. Lidy Blijdorp a offert une version à fleur de peau, tantôt espiègle, tantôt mélancolique, de la Sonate pour violoncelle de Debussy, accompagnée avec subtilité par Jean-François Heisser au piano. Puis Vera Lopatina (violon), Jérémy Genet (violoncelle) et Olga Kirpicheva (piano), du Trio Medici, ont interprété le Trio de Ravel avec une fluidité et une cohésion sidérantes. La magie du deuxième mouvement fut telle que le public n’a pu réfréner ses applaudissements avant le début de la Passacaille !
Après l’entracte, l’atmosphère s’est faite plus mystérieuse. Vera Lopatina et Olga Kirpicheva nous ont fait découvrir le Poème de Jean-Frédéric Neuburger, commandé cette année par l’Académie. Une pièce qui explore toutes les textures du violon dans un passionnant dialogue avec le piano.
Pour finir, Vera Lopatina, Miguel Da Silva, Henri Demarquette et Jean-François Heisser se sont réunis autour du Quatuor Opus 15 de Fauré. Leurs différents vécus et leurs personnalités se sont exprimés avec force, tant dans les élans enflammés du premier mouvement que dans la résignation de l’Adagio, sans jamais nuire à l’équilibre de l’ensemble.
Merci à l’Académie Ravel et à l’ensemble des musiciens pour ce grand moment de musique et d’émotions partagées.