Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta © Jean-Philippe Raibaud / le LAAC
Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta © Jean-Philippe Raibaud / le LAAC

La création artistique à l’œuvre au LAAC : rencontre avec Clairemarie Osta

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Nous avons rencontré Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta, danseurs étoiles de l’Opéra de Paris et directeurs de L’Atelier d’Art Chorégraphique- LAAC, à l’issue du spectacle LAAC en Cygnes (que nous avons choniqué ici) qui signe la 3ème édition de LAAC en Scène(s) présenté le 24 juin 2018 au Théâtre des Champs-Elysées. Notre entretien avec Clairemarie Osta permet d’en savoir plus quant à la vocation originale du LAAC.

 

Avec Nicolas Le Riche, vous avez créé le LAAC en 2015. Quelle a été la motivation première?

La vocation initiale du LAAC est d’évoluer. Nous avions eu envie de créer un atelier, véritable projection dans un espace où la création artistique a une place majeure. Bien évidemment, nous adressant à des jeunes, nous leur proposons une formation qui les implique entièrement dès les premiers jours dans leur recherche et l’exploration de leur fibre artistique personnelle. Les premiers spectacles ont d’ailleurs montré qu’ils étaient déjà portés et porteurs de qualités propres que nous essayons d’approfondir. Nous les amenons à se questionner sur des sujets à explorer, à travailler sur la qualité de leur danse, en groupe etc… Également, la transmission inhérente à la culture chorégraphique est largement abordée. Il est nécessaire de s’en nourrir pour savoir d’où son art est issu et même s’il s’agit de la création contemporaine, de savoir où on se situe dans l’histoire chorégraphique et de s’en nourrir.

 

Le LAAC atteint sa troisième année d’existence. Aujourd’hui, la valeur ajoutée serait liée à son ouverture à l’Europe?

En effet, aujourd’hui se rajoute la dimension internationale, supplémentaire et très marquée dans cette première édition par l’invitation d’écoles européennes. Cette ouverture correspond aussi à notre actualité. Nicolas ayant pris la direction du Ballet royal de Suède en parallèle de la direction partagée du LAAC, il nous est clairement apparu que nous allions partager en double sens ce qui nous arrive avec nos élèves et ceux de l’Ecole royale de Suède. C’est une réalité qui a fait son chemin et nous a conduits à mener cette démarche d’enrichissement mutuel. Le fait de se déplacer à Stockholm trouve aussi sa cohérence au sein du LAAC, véritable espace d’accueil d’un projet qui fait sens. Dès lors, cette dimension internationale nous est apparue évidente.

 

Le spectacle “LAAC en cygnes” que vous avez présenté est étoffé. Le résultat est-il à la hauteur de l’énergie investie ?

Le travail a en effet été d’ampleur du fait du nombre important d’intervenants au projet, de danseurs, comme vous avez pu le voir, de la distance géographique, du projet à mener avec des professionnels, tout cela dans un partage au maxima. La fabrication des pièces s’est fait en plusieurs temps, d’abord travaillées séparément pour être mélangées et ré agencées.

Une énergie qui porte plus loin et résonne. Partant de toute genèse, ces jeunes vont se retrouver toute leur vie sur le terrain. A l’exemple également du parcours de Nicholas Albert Khan qui pilote avec nous le LAAC d’une manière régulière ici à Paris ; nous l’avions rencontré dans ce type d’événement alors qu’il était en fin d’année à l’école du Canada et nous (Ndr : C. Osta et N. Le Riche) à l’Opéra de Paris. Qui pouvait se douter que quelques étapes plus loin, nous nous retrouverions dans ce contexte ?

 

Comment envisagez-vous la pérennité de votre entreprise ? Un objectif à long terme ?

Notre objectif se concrétise au moment où nous sommes mis en présence, face à nos élèves. Nous savons que nous nous engageons avec eux à les amener quelque part. C’est ce court moyen terme qui à chaque fois rythme nos promotions. Par ailleurs, notre résidence à moyen terme ici, au Théâtre des Champs Elysées, est rediscutée régulièrement comme l’importance de partager cet espace dédiée à cette aventure au visage bien particulier.

 

Comment s’opère le recrutement s’il y en a un au sein du LAAC ?

Le LAAC compte une quinzaine de préprofessionnels. Le recrutement se fait selon plusieurs critères, la motivation restant celui qui est mis en avant. Différents profils sont complètement accueillis. En réponse à ce cadre, nous privilégions la constitution partagée d’individualités différentes de manière à éviter le déséquilibre par une trop grande ressemblance qui pourrait compromettre le travail de groupe. Également, le critère du potentiel du candidat à trouver sa voie dans l’art chorégraphique, sous plusieurs formes: danseur, chorégraphe, le passionné chez qui l’épanouissement et la réalisation par la danse sont pressentis. Le premier contact ne promet pas le débouché professionnel qui se dessine petit à petit au fil des échanges. En revanche avoir l’espace pour pratiquer la danse à un niveau exigeant et engagé, c’est vraiment ce qui nous motive. Disons qu’il s’agit d’une rencontre plutôt qu’une audition des candidats qui souhaitent nous rejoindre. Il faut qu’il y ait envie d’engagement des deux côtés, écoute, plébiscite de notre existence, propositions.

 

L’exigence du bagage classique est–elle requise ?

Un minimum de pratique du vocabulaire classique est demandé. Mais un bon bagage contemporain est déterminant, comme c’est le cas pour nos nouvelles recrues de l’année prochaine. L’exigence se situe sur un niveau de danse général sachant que la formation organise un temps partagé commun au niveau de certains cours – même si la promotion comporte plusieurs âges – notamment d’études autour du répertoire, culture chorégraphique, création, ateliers… Les individualités se révèlent suivant leur propre chemin et parcours. Cependant pour les cours de danse un niveau exigeant est requis.

 

Vous avez conçu la pièce “Swan 18.1”. “18.1” a une signification particulière ?

Il était important pour moi de lancer ce concept et de le dater. Le “18” pour 2018. Le “.1” marque notre première ébauche à Stockholm et avec l’Ecole royale de Suède que nous avions appelé “.0”. En clin d’œil à la modernité !

 

Comment avez-vous orchestré les émergences d’idées et les propositions ?

Ils ont eu pour tâche de réfléchir intellectuellement et littérairement sur le thème puis d’exposer leurs idées et réflexions. Qu’est pour eux le Lac des cygnes, ce que cela leur inspire. Sur le questionnement chorégraphique ; quel sujet choisissent-ils de traiter, la rythmique? L’espace ? Qu’est-ce qu’une écriture chorégraphique ?

La phase d’improvisations se construit suivant des consignes précises. Chacun a été invité à proposer une courte phrase qu’ils ont appris aux autres, puis en le reproduisant, ré affirmé leur choix suivant un processus de composition – re décomposition. Par exemple, le Ballet Junior de Genève a intégré dans leurs propositions une partie planante spécifique de leur identité tout en respectant le cadre donné qui s’enrichit d’autres couleurs.

 

“Swan 18.1” mixe avec franchise l’écriture académique et celle définitivement contemporaine, tel a été votre choix ?

En effet, dans quel monde est-on ? Nous sommes dans le monde de la fantaisie. Il est important que le répertoire soit présent parce que c’est justement un des thèmes qu’on veut aborder. C’est ce qui nous construit, c’est cette culture-là, aussi bien le fait de la questionner, de la bousculer avec leur parole à eux. Toutes les parties composant la pièce et qui ne ressortent pas du répertoire sont les leurs. J’ai pour ma part contribué à l’arbitrage quant au choix à faire et réalisé l’assemblage du puzzle avec le recul nécessaire pour trouver un fil conducteur dans toutes ces propositions. Mais véritablement, le passage de l’un à l’autre est né, est issu de leur propre actualité. Ils sont jeunes, ils sont contemporains.

 


Relisez aussi notre chronique du spectacle “LAAC en Cygnes” lors de la 3ème édition de LAAC en Scène(s), le 24 juin 2018 au Théâtre des Champs-Elysées.

 

La danse dans tous ses champs d’expression est sa fabrique de vie. Sa poésie l’accompagne, imbriquée intimement dans ses domaines d’activités mêlant architecture, expertise en assurance et immobilier, écriture. La passion raisonnée la nourrit dans la sueur des ateliers et de la scène et la façonne en danseuse lucide, pédagogue, notatrice Laban et essayiste. Au-delà de sa vocation patrimoniale, l’écriture est un fabuleux médium de partage d’émotions à savourer et à vivre. Chroniqueuse pour Classicagenda, elle s’ingénie à délivrer au lecteur les stimuli sensoriels tels qu’ils transpirent de l’oeuvre chorégraphique et tente de l’impliquer émotionnellement en le connectant aux perceptions corporelles telles qu’elles jaillissent dans l’expérience visuelle.

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