Le Freischütz revisité par la Compagnie 14 :20 a vu le jour à Caen en février 2019. Avant d’arriver au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, il s’est produit sur les scènes françaises, allemandes et luxembourgeoises. Retour sur une production qui, malgré des éclairages réussis, déçoit à quelques égards.
Le Freischutz, singspiel en trois actes du compositeur allemand Carl Maria von Weber, connaît un triomphe lors de sa création en 1821 à Berlin. Considéré comme l’un des opéras fondateurs du romantisme allemand, il souffre pourtant aujourd’hui de n’être que peu représenté. Le livret du poète Johann Friedrich Kind s’inspire d’un conte populaire germanique dans lequel se rencontrent légendes et traditions. L’argument se déroule en Bohême, au milieu du 17e siècle. Max, jeune garde-chasse du Prince, aime Agathe, la fille du garde forestier Kuno. Le prochain concours de tir est l’occasion, pour le prétendant, d’être nommé nouveau garde-chasse et d’obtenir ainsi la main de la jeune fille. Aveuglément résolu de remporter cette distinction, Max accepte les mauvais conseils de son camarade Kaspar et cherche à se procurer des balles magiques qui ne pourront rater leur cible. C’est sans savoir que Kaspar est la proie du terrible Samiel, et que tout deux prévoient de lui jouer un tour. Le jour du concours, Max se fait remarquer par la précision de ses tirs, mais lorsqu’il doit livrer sa dernière balle, celle-ci n’atteint pas la colombe qu’il prenait pour cible. C’est Agathe et Kaspar qui tombent. Samiel a détourné ce tir pour le réserver à Kaspar qui expire, pendant que les deux amants se retrouvent.



Des paradoxes
En accord avec les thématiques de l’œuvre, la compagnie 14.20 choisit de mettre en avant un univers magique. L’expérience sensorielle et l’étrangeté sont au centre de son interprétation scénique. De cette façon, la recherche de détournement du réel et l’instauration d’une perméabilité entre le monde concret et celui de l’imaginaire s’installe comme la ligne d’horizon de cette production. La mise en scène de Clément Debailleul et de Raphaël Navarro déçoit à bien des égards. La rencontre entre les jeux d’obscurité et de lumière ne laisse place qu’à un noir inéluctable et bientôt inexploitable. Ainsi s’enchaînent de nombreux paradoxes. Le « noir profond » si anxieusement recherché perd son aspect évocateur et ferme la porte de l’imaginaire qu’il espérait ouvrir. Sur cette scène où rien n’est véritablement visible, le « surgissement » des êtres ambivalents est une tentative maladroite d’une mise en scène sans chair qui tente de faire peau neuve. Quelques éléments cependant font l’effet de fulgurances consolatrices, comme les ombres verdâtres dont les contours flous se dessinent au passage des chanteurs du chœur Accentus à la fin du premier acte. Quelques réussites, mais beaucoup de superflu, et le public nettement partagé semble l’avoir senti.
Les chanteurs, une respiration apaisante
Les carences de la mise en scène n’auront malheureusement pas été comblées par les interprètes. Insula orchestra, sous la baguette de Laurence Equilbey, ne parvient pas à pallier les écueils de la mise en scène. Leur interprétation sur instruments d’époque est piétinée par des problèmes d’ensemble. Dès les premières mesures, le prélude est incertain, autant dans la mise en place d’un souffle commun des cuivres, que sur des questions d’intonation. Ce sont les chanteurs qui livrent une respiration apaisante. Le duo féminin entre Agathe et sa femme de chambre Annchen, nous ravit de malice, de complicité et de clarté. Johanni Van Oostrum dans le rôle de la future mariée fait preuve d’une puissance vocale résonante et ample, digne et pourtant chétive devant les mauvais pressentiments qui l’assaillent. A ses côtés, la volubile soprano Chiara Skerath est d’un charme rieur et réjouit par les trouvailles scéniques de son personnage qu’elle incarne avec ravissement.
Une production qui laisse donc perplexe, autant par le manque de panache de ses propositions scéniques que par les imperfections de l’interprétation musicale.