Mercredi 16 novembre, l’orchestre philharmonique de la BBC investissait le bel auditorium de la Seine Musicale, avec à sa tête, le chef finlandais John Storgårds et en soliste, la violoniste allemande Arabella Steinbacher. Un concert sans faute malgré un quiproquo en régie.
Le programme de la soirée proposait un tour d’horizon nordique et éclectique, associant un poème symphonique de Sibelius, le 2e concerto pour violon de Prokofiev et la symphonie Rhénane de Schumann.
De Sibelius, c’est un poème symphonique de 1895, « Skogsrået, La Nymphe des Bois ». Vaste ballade romantique à laquelle le compositeur a consacré une riche orchestration, dont le chant est souvent donné aux cuivres tandis que les cordes s’harmonisent tantôt en spiccato, tantôt en pizzicato, donnant l’impression d’un frais ruisseau. La partie centrale est illuminée par le duo violoncelle et cor qui se détache au-dessus de l’orchestre. La beauté de ce duo doit bien au violoncelle solo Peter Dixon, remarquable de chaleur et de tenue du son tandis que le cor solo Ben Hulme s’affirme comme une révélation, un très beau son jusque dans les pianissimi, tout en souplesse et en nuance. La communion est absolue, et bien que placés pratiquement aux antipodes dans l’orchestre, leurs voix s’harmonisent comme s’ils étaient face à face. La merveilleuse intuition de Sibelius de ce duo se déploie ensuite sur tout l’orchestre dans des couleurs chatoyantes et dans un decrescendo final parfaitement maîtrisé.



Subtilité d’Arabella Steinbacher
L’attente a dû être longue pour Arabella Steinbacher en coulisses ! La régie choisit le moment où elle allait entrer en scène pour se tromper en annonçant, une œuvre trop tôt, les 20 minutes d’entre-acte. La moitié de la salle se lève et sort sous le regard ahuri des musiciens sur scène, dont la moitié n’ont pas compris l’annonce et qui eux, du coup, restent assis ! Après un temps de confusion, le public sorti est rapidement reconduit en salle et Arabella Steinbacher entre en scène, tandis que l’auditorium est encore complètement allumé, puis commence le 2e concerto pour violon de Prokofiev sous les efforts de la régie d’ajuster les éclairages. Imperturbables sous les changements de lumière, la soliste comme l’orchestre campent majestueusement le climat sonore de ce deuxième concerto de Prokofiev.
Contemporain des célèbres Pierre et le loup et du ballet Roméo et Juliette (dont on entend des réminiscences dans le deuxième mouvement), l’œuvre est autant marquée par une identité russe affirmée que par une modernité occidentale. C’est une des pièces majeures du style de « nouvelle simplicité » adoptée par Prokofiev dès 1930, avec un langage harmonique relativement simple et des mélodies limpides dans laquelle Arabella Steinbacher fait merveille, avec un jeu intelligent et subtil, alliant précision et tonicité plutôt que puissance. À ses côtés, le chef John Storgårds donne à l’orchestre un lyrisme grave et apaisé qui convient parfaitement à l’oeuvre.
Aux saluts, la soliste revient sur scène avec le chef, lui aussi un violon dans les mains ! Ils offrent alors le mouvement lent du double concerto de Bach en bis, accompagné d’une partie de l’orchestre. Et c’est un moment absolument magique, tant par la beauté de cette page de Bach, que par l’inattendu de la situation, d’autant que Storgårds s’avère un très bon violoniste. Descendu de son podium, se mêlant ainsi aux musiciens, il rappelle à quel point la musique est avant tout, un moment de partage et de joie.



Une traversée Rhénane en première classe
La deuxième partie offre une des plus belles symphonies de Robert Schumann, la 3e symphonie en mi bémol majeur op.97, dite Rhénane. Composée en 1850 à Düsseldorf, Schumann vient d’y être nommé directeur de la musique et la ville lui fait un accueil chaleureux. Touché par cet élan de sympathie, enthousiasmé par son nouveau rôle de chef d’orchestre qui lui laisse le temps de composer, tout son environnement semble l’inspirer, de la majestueuse cathédrale de Cologne à ses promenades au bord du Rhin. Schumann exprime à travers cette œuvre toute sa reconnaissance et sa joie, tandis qu’il envisage alors l’avenir avec confiance. Et c’est un Schumann vigoureux, serein, heureux que dessine le BBC Philharmonic sous la baguette de John Storgårds, avec une impressionnante qualité des tuttis et des équilibres, avec une parfaite cohésion d’ensemble donnant un superbe aperçu de l’expérience et de l’expertise de cette célèbre phalange.