À l’occasion des trois rendez-vous costumés au Château de Versailles dans le cadre de Versailles Festival 2015, nous avons rencontré la chorégraphe Marie-Geneviève Massé, fondatrice de la Compagnie l’Eventail, qui animera Les Fêtes Galantes : une soirée baroque à La Galerie des Glaces.
Vous êtes, avec Bernard Delattre, la fondatrice de la Compagnie de Danse L’Éventail. Comment avez-vous eu l’idée de fonder cette compagnie ?
Tout cela s’est fait un peu par hasard, pour des aspects plus pratiques qu’artistiques : j’ai reçu une première commande de la part d’un metteur en scène et d’un chef d’orchestre pour chorégraphier une oeuvre de Haendel et j’ai crée la compagnie pour facturer leur travail, tout simplement.
Pendant huit ans, j’ai été interprète pour d’autres compagnies et j’ai répondu à différentes commandes chorégraphiques, mais c’était toujours dans le cadre d’opéras ou d’autres productions où la danse n’était qu’une partie du spectacle. C’est en 1993 que tout a changé avec la demande d’une création de spectacle de danse pour un festival. J’ai cherché des fonds et nous sommes devenus également producteurs. Depuis, j’ai eu envie de continuer à créer des spectacles et, en 1994, j’ai cherché un lieu d’implantation, car même si nous avions à disposition un studio de danse à Courbevoie, l’envie était de nous développer davantage et de trouver des soutiens conséquents. L’occasion s’est présentée lors de notre participation au festival de Sablé dans la Sarthe. A l’issue du spectacle, le directeur et le maire de la ville, François Fillon, nous ont proposé de nous installer à Sablé. Nous avons donc préparé un projet artistique qui a été validé et cela fait maintenant quinze ans que nous sommes ici. Depuis janvier, nous avons également un lieu de travail, que nous inaugurons aujourd’hui (le 29 mai 2015). C’est un événement très important, car il s’agit du premier lieu en France dédié à la danse baroque.



Pour la création et la reprise de vos chorégraphies vous vous inspirez de la danse des XVIIe et XVIIIe siècles. Comment et où vous documentez-vous ?
Comme les « beaux-arts », et les « belles lettres », il existe également la « belle danse ». L’écriture de la danse a été inventée au XVIIe siècle. Nous pouvons retrouver les parutions chorégraphiques des maîtres à danser ainsi que les traités qui les expliquent. Mais écrire le mouvement est bien plus difficile qu’écrire de la musique : il est donc forcément impossible aujourd’hui de faire de vraies reconstructions, d’autant plus qu’à la révolution française il y a eu une coupure complète avec la danse baroque. Il y a donc un manque de continuité qu’on ne retrouve pas dans la musique. La danse baroque d’aujourd’hui est donc cette « belle danse » revue au XXIe siècle : une nouvelle interprétation qui essaye de s’en rapprocher tout en utilisant ce qui est pertinent aujourd’hui et à laquelle j’apporte mon ressenti, mon intimité, mon histoire, tout comme les interprètes.
Je me documente dans des bibliothèques et des archives, qui sont bien plus faciles d’accès qu’autrefois, et une fois par mois nous allons au Centre National de la Danse pour déchiffrer de manière chronologique des partitions d’époque. Cela permet de continuer à chercher et de se nourrir des témoignages de l’époque, en en étudiant la grammaire et le vocabulaire et en créant, au fil du temps, nos propres archives. On travaille sur trois axes : poursuivre la recherche historique, répondre aux commandes selon le parti pris du lieu ou du metteur en scène et créer de nouveaux spectacles. Autour de ces axes, nous faisons beaucoup d’actions culturelles, avec tous les publics et en particulier avec les scolaires : on sensibilise, on partage nos connaissances et on montre la danse baroque comme une source de créativité. On essaie également de créer des liens entre la vie quotidienne des gens et la richesse de notre culture, qui est le patrimoine de nous tous.



Pour ce qui concerne les costumes, il s’agit de créations, de prêts ?
Comme nous sommes également producteurs, nous avons pu créer notre réserve de costumes. Je travaille beaucoup avec l’atelier Caraco d’Olivier Bériot, un costumier qui travaille beaucoup dans le cinéma, notamment avec Luc Besson et nous travaillons également avec les stagiaires d’écoles de costumes, toujours dans une volonté de transmission.
Le 1er juin vous serez à Versailles pour animer une soirée baroque en costumes d’époque. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consistent les démonstrations que vous avez organisées et comment se déroulent les cours danse baroque ?
Nous célébrons cette année le tricentenaire de la mort de Louis XIV. J’ai donc imaginé, pour ces démonstrations qui se déroulent dans le Salon d’Hercule un spectacle autour du jeune roi, de sa bien aimée Marie Mancini et de son maître à danser Pierre Beauchamps. Dans ce quart d’heure de démonstration, j’essaye de recréer l’intimité entre ces trois personnes, à travers une allégorie du soleil et de la nuit.
Pour les cours de danse baroque, qui ont lieu dans la Galerie des Glaces, quatre danseurs habillés en maîtres à danser vont apprendre une contredanse au public, accompagnés par les Folies Françoises et Patrick Cohen-Akenine. Le public va donc pouvoir danser une bussecotte de la fin du XVIe siècle écrite par Jacques Dezais, maître à danser de l’Académie Royale de Musique : il s’agit d’une danse collective qui se faisait à la Cour en fin de bal. Après une demi-heure de répétition, le public sera donc prêt à clôturer la soirée en dansant la bussecotte devant tout le monde.



Comment avez-vous imaginé ce bal de clôture ?
Vers 23h, les danseurs et le public se rejoindront dans la Galerie des Glaces, où les maîtres à danser se livreront à quatre danses et une démonstration rythmique. Les danseurs deviendront ensuite des maîtres d’armes avec des danses d’escrime : pour Louis XIV, la danse était essentielle pour mettre en valeur la noblesse des meilleurs guerriers. L’entraînement quotidien d’un gentilhomme consistait effectivement dans l’équitation, l’escrime et la danse. J’ai donc chorégraphié un entraînement avec des pas d’escrime, puis un véritable combat dansé, car j’avais envie de montrer que les positions de danse étaient liées à l’escrime. Il y a même des thèses qui soutiennent que les positions des bras dans la danse viennent de l’escrime.
Vous avez l’habitude de faire des spectacles de ce genre. Quels sont les retours du public ?
Au Château de Versailles, nous avons déjà fait les « Sérénades royales » qu’on reprendra aussi cette année. Le public est très content : il s’amuse, apprend des choses et voit le château revivre. Cela permet aussi de montrer que la danse baroque n’est pas quelque chose de poussiéreux et pompeux, mais amusant et intéressant. Je suis également ravie de ce succès, car j’ai l’impression d’accomplir une mission de transmission, de tirer un fil entre le passé et le présent, car même si ce qu’on fait n’est pas de la reconstruction, on garde tout de même le sens et l’esprit de ce qu’il aurait pu être.



Que souhaitez-vous dire aux spectateurs qui n’ont pas encore réservé leur place ?
Qu’il faut absolument venir ! Il pourront voir quelque chose qu’ils n’ont jamais vu et réveiller leur âme de danseur.
Les Fêtes Galantes : soirée costumée à la Galerie des Glaces
Château de Versailles, le 1er juin 2015 – 19h30
Démonstrations, cours de danse baroque et bal de clôture :
Compagnie l’Eventail, chorégraphe Marie-Geneviève Massé Les Folies Françoises, Patrick Cohen-Akenine
Aria, concert d’Airs sérieux et à boire dans la Salle des Gardes du Dauphin :
Ensemble Faenza, direction Marco Horvat
Concert de musique sacrée à la Chapelle Royale :
Frédéric Desenclos, organiste de la Chapelle Royale et direction
Démonstrations & Saynètes :
Midnight Première, Jean-Paul Bouron
Visites théâtralisées :
La Compagnie Baroque, Fabrice Conan