Depuis que le cinéma lui a fait les yeux doux en 1998 avec Aprile de Nanni Moretti, le pianiste-compositeur italien Ludovico Einaudi rencontre un incroyable succès sur la scène internationale. En participant à la bande-originale d’Intouchables réalisé par Olivier Nakache et Eric Toldano, du bouleversant Mommy de Xavier Dolan ou plus récemment à celle de Réparer les vivants de Katell Quillévéré, il signe des pièces minimalistes pour piano dont les mélodies élégantes témoignent d’un style personnel et ouvrent les portes d’une introspection méditative qui a fait chavirer le cœur du public de la salle Pleyel où il s’est produit pour deux concerts exceptionnels.
A quelques jours de Noël, c’est un véritable scintillement musical qui a eu lieu à la Salle Pleyel avec la présentation du dernier album de Ludovico Einaudi, Elements, que le pianiste-compositeur a pensé comme une évasion auditive mêlant divers univers. Que ce soit avec des mélodies cosmiques ou plus mélancoliques, avec juste la présence majestueuse du piano ou accompagné par le son du violon ou des percussions, ce nouvel opus nous fascine et nous captive. La douce quiétude qui émane des morceaux est semblable à une chute lente dans un puits sans fond. Le bien-être prédomine en écoutant la succession des pièces, lumineuses et vivifiantes, qui parcourent les gammes avec une aisance déconcertante.
Comment décrire sa musique à qui ne pourrait entendre la beauté virginale de ses mélodies ? Peut-être faudrait-il avoir recours à des tableaux pour nous approcher au mieux de ses créations. Fermons les yeux quelques instants et laissons-nous porter par le talent de Ludovico Einaudi. En effet, son œuvre est idéale pour suggérer les plus beaux paysages de la planète et ouvrir en grand les portes de l’imagination débordante qui sommeille en chacun de nous. De l’air pur au sommet des montagnes en passant par le tonnerre qui gronde, les éléments se déchaînent dans des sons tantôt classiques tantôt plus pop… On peut même y voir des farandoles de flocons de neige tourbillonnant dans l’air frais du petit matin ou des ricochets de gouttelettes d’eau douce. Un peu à la manière de ce que Yann Tiersen a su transmettre avec son dernier album EUSA, l’italien peint des paysages sonores exceptionnels et entêtants, à l’image des ritournelles qui explosent comme des bonbons acidulés au creux de notre oreille.
L’album Elements est inspiré par les mathématiques et les sciences en lien avec l’art comme pouvait le faire Kandinsky ou encore Klee. C’est d’ailleurs ce qui nourrit les animations vidéo qui défilent sur l’écran derrière les musiciens. A l’aide de jeux de lumières extrêmement bien pensés qui soulignent avec délicatesse les mélodies, la rêverie est totale et l’enchantement inévitable. Suspendus de tout notre corps aux notes qui s’échappent du piano, nous atteignons un degré de pureté lorsque le compositeur est seul en scène et nous transperce d’émotions délicates. Il semble avoir le pouvoir de faire ressurgir en nous des souvenirs heureux qui nous émeuvent aux larmes. Nous pensons bien évidemment à Brian Eno ou à Arvo Pärt quand Ludovico Einaudi déploie une large palette d’émotions, allant du mystère à l’espoir, de l’exaltation à la mélancolie.

Il ne pouvait bien évidemment quitter son fidèle public parisien sans exécuter quelques-unes de ses plus belles pièces réorchestrées pour l’occasion en marge de ce dernier album ressourçant. C’est ainsi qu’avec des arrangements plus ténébreux et un métronome accéléré, il a enchanté les auditeurs qui ont sombré dans une atmosphère visuelle légèrement nébuleuse mais vers un imaginaire lumineux comme l’aube qui se lève sur la solitude des montagnes. C’est frais, beau, captivant et nous avons beaucoup de mal à retenir nos larmes dans les derniers dialogues entre le violon et le piano, dans un rapport au temps époustouflant, entre retenue, suspension et étincelle bouleversante. Les spectateurs, conquis, ont su remercier comme il se doit l’artiste italien en lui offrant une standing ovation venue conclure deux rappels palpitants et enthousiastes.