Ambiances suggestives et paysages fascinants : retour sur le concert du flûtiste Magic Malik dans le cadre du week-end dédié aux musiques transculturelles au Festival de Royaumont
Notre siècle, plus que jamais, est le siècle des voyages. Les tarifs abordables des compagnies aériennes, la possibilité d’organiser des voyages rapidement via internet et de se loger à bas coût, ont démocratisé les déplacements et rendu la planète plus petite et accessible.
Les différentes cultures se retrouvent ainsi à portée de main : au retour de voyage, on retient le souvenir de lieux magnifiques, d’expériences dépaysantes, mais surtout de rencontres humaines marquantes, parfois à jamais. Ce sont les gens que l’on croise, souvent par hasard, qui enrichissent notre esprit à travers les histoires et les anecdotes dont ils nous font part, et nous offrent de précieux moments d’échange, de partage et de découverte mutuelle.
Le moteur du Programme des musiques transculturelles de Royaumont est en effet cette transformation par la rencontre : rencontre entre langues, cultures et musiques, destinée à briser les frontières et à transformer l’étranger en familier.
Après le succès du projet Le Maroc et Al Andalous de 1999, un département dédié aux musiques orales et improvisées avait été créé à Royaumont en 2000 pour ensuite évoluer en un Programme de musiques transculturelles.
C’est Frédéric Deval, directeur du programme, qui avait imaginé ce week-end de musiques transculturelles au Festival de Royaumont, avant de nous quitter le 27 mars dernier. Les concerts du 17 et 18 septembre lui ont donc été dédiés, dans le but de poursuivre ce chemin de rencontre et de partage qu’il avait initié.
La flûte de Magic Malik, comme une flûte d’Hamelin, nous accompagne dans ce parcours : elle nous prend par la main et nous emmène loin.
Écouter cet extraordinaire musicien est une expérience à part, qui nécessite une approche différente de celle à laquelle on est habitués. Il nous pousse à déplacer nos repères et à nous adapter à des nouvelles sonorités : il suffit de lui faire confiance et de se laisser aller.
Que ce soit en jouant de sa flûte ou en utilisant des objets divers et variés, comme une simple bouteille en verre, Magic Malik a l’étonnante capacité de créer les ambiances les plus disparates et suggestives. Virtuose, il nous surprend par sa maîtrise de la respiration en continu et de la polyphonie avec les harmoniques ; infatigable, il fait des percussions en ostinato, joue la flûte et chante en même temps. Sa musique résonne comme un chant ancestral, elle suggère la présence d’animaux, de groupes d’êtres humains, et/ou d’éléments, comme le feu.
Après une introduction en solo, qu’il appelle “Seul avec vous”, comme pour impliquer le public, le flûtiste est rejoint par Prabhu Édouard, qui nous surprend en alternant chant et percussion avec ses tablas ― instruments indiens composés de deux fûts : le dayan et le bayan, qui produisent respectivement des sons aigus et graves.
Pour cette deuxième partie, nommée “Odes et incantations”, quatre autres musiciens montent sur scène : Pauline Sikirdji et Maya Villanuava ― qui, telles des Sybilles mystérieuses, nous émerveillent avec des chants ancestraux ― et Illya Amar, qui aux percussions (vibraphone, marimba, glockenspiel) suggère des ambiances vibrantes au caractère métallique, évoquant une imagerie de science-fiction.
Avec la complicité de Vincent Mahey, ingénieur du son, les monodies et polyphonies créent des paysages fascinants qui évoluent d’un passé éloigné à un futur lointain et invitent à la contemplation.
Les rythmes, avec leur kaléidoscope de répétitions (les Lahera), d’accélérations et de montées d’intensité jusqu’au paroxysme, invitent à la danse. Tout comme le public qui se laisse entraîner, les musiciens se lâchent à leur tour : le vibraphone et la flûte s’amusent tantôt à citer des sonorités bachiennes, sorte de repéré du passé, tantôt à créer des images nouvelles, parmi lesquelles nous remarquerons une superbe pluie d’étoiles !
Le concert se termine dans une musique qui rassemble celle de tous les continents du monde en nous faisant voyager à la fois en Europe, en Afrique, en Asie, en Océanie, dans les îles du Pacifique et en Amérique centrale, et découvrir ainsi un éventail de couleurs et d’odeurs, éclatants de vie et de joie.
Cette musique universelle, qui rassemble passé et futur, Orient et Occident (en résonance avec l’exposition dans le Jardin des 9 carrés*), nous laisse une sensation de permanence et d’absolu et nous imprègne d’un sentiment d’espoir en l’humanité.