Inlets 2 © Charlotte Audureau
Inlets 2 © Charlotte Audureau

Merce Cunningham, le hasard déterminé au Théâtre de Chaillot

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Le Théâtre national de la danse de Chaillot présentait jusqu’au 2 juin trois pièces de Merce Cunningham reconstruites par le Centre national de danse contemporaine (CNDC) d’Angers : Inlets 2, Beach Birds et How to pass, Kick, Fall and Run.

Robert Swinston, directeur du Centre national de danse contemporaine – Angers, ancien danseur puis assistant de Merce Cunningham propose trois pièces représentatives de l’héritage laissé par le célèbre chorégraphe américain décédé en 2009. La musique et les textes sont de John Cage.

Inlets 2 et Beach Birds se rejoignent dans les études sur la nature et la présence fusionnelle de l’homme. Inlets 2 pour sept danseurs est une reconstruction de la version de 1983 qui est elle-même une variation de Inlets initialement créée en 1977. Merce Cunningham précise : « la même gamme de soixante-quatre mouvements a été soumise à des opérations de hasard, (…), afin de produire une continuité différente ». Le fond sonore mêle le flot d’une rivière et la résonance d’une pluie calme.

Beach Birds est une des pièces les plus emblématiques de Merce Cunningham. Conçue en 1991 pour onze danseurs mi-oiseaux, mi-humains, la gestuelle est évocatrice. Tremblements frénétiques des jambes, mouvements de tête saccadés, immobilité, déploiement des bras… Le geste « expressif en lui-même » cependant sans démonstration d’affect, manifeste de l’humanité du chorégraphe dans son regard et de la grande confiance qu’il accorde aux interprètes. L’atmosphère sonore de l’océan lointain accorde des instants de silence d’une troublante intensité.

Les concepts « Cunningham » sont lisibles. L’autonomie de la musique et de la danse, l’aléatoire comme mode de composition avec le jeu d’agencement de phrases orchestrées par le hasard, la rupture radicale avec les codes de la danse classique et de la modern dance, l’organisation de l’espace scénique exempt de frontalité, « sans centre » ou plutôt un centre démultiplié. Du point de vue du spectateur, le centre se trouve là où son regard choisit de se poser. Autant de centres que de regards. Il est alors acteur de sa propre représentation de l’espace pictural. La tension de son observation méticuleuse rejoint l’attention des danseurs pour leur espace corporel tout en spirales. Leur immobilité dans les pauses n’est qu’apparente.
Dissocié de tout appui musical ni comptage et cependant en dialogue constant, en passage du temps, le geste s’accueille, l’état présent s’écoute dans l’acceptation de l’engagement suivant. Le timing est contenu dans chaque corps qui évolue en autonomie dans son espace et son rythme pour être là au moment où il doit être dans l’espace et le temps collectifs. Le corps est faiseur de son temps propre.

How to Pass, Kick, Fall and Run @ CNDC
How to Pass, Kick, Fall and Run @ CNDC

How to pass, Kick, Fall and Run, une pièce de 1965 construite à partir d’histoires écrites par John Cage, compositeur complice du chorégraphe à l’occasion de sa conférence d’Indeterminacy en 1958. Celles-ci sont lues en français et d’une durée d’une minute chacune. L’ordre des sections de danse est déterminé suivant un tirage au sort.
Sur un ton ludique, la chorégraphie s’organise sur des grandes traversées, un vocabulaire de sauts et de suspension, une succession de rassemblement et éclatement. La dynamique enlevée réclame davantage de vélocité, servie avec conviction par un corps cunninghamien construit en spirales et en liberté de mouvements autour de la colonne.

 


Merce Cunningham / CNDC d’Angers

Du 30/05/18 au 02/06/18

au Théâtre national de la danse de Chaillot, 1 place du Trocadéro 75116 PARIS 16

La danse dans tous ses champs d’expression est sa fabrique de vie. Sa poésie l’accompagne, imbriquée intimement dans ses domaines d’activités mêlant architecture, expertise en assurance et immobilier, écriture. La passion raisonnée la nourrit dans la sueur des ateliers et de la scène et la façonne en danseuse lucide, pédagogue, notatrice Laban et essayiste. Au-delà de sa vocation patrimoniale, l’écriture est un fabuleux médium de partage d’émotions à savourer et à vivre. Chroniqueuse pour Classicagenda, elle s’ingénie à délivrer au lecteur les stimuli sensoriels tels qu’ils transpirent de l’oeuvre chorégraphique et tente de l’impliquer émotionnellement en le connectant aux perceptions corporelles telles qu’elles jaillissent dans l’expérience visuelle.

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