Le Château d'Hardelot accueille le Midsummer Festival chaque année
Le Château d'Hardelot accueille le Midsummer Festival chaque année

Midsummer Festival 2019 : du “mask” à la plume

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Depuis 10 ans, le Midsummer Festival à Condette dresse un pont vers l’Angleterre par lequel transite l’excellence musicale. Retour sur la journée du 22 juin.

Le château d’Hardelot se fiche bien du Brexit ! Flanqué sur une colline dominant le lac des miroirs, le polygone néo-Tudor arbore à son sommet un drapeau franco-anglais. Propriété du Conseil départemental du Pas-de-Calais, le château des Comtes de Boulogne peut s’enorgueillir d’abriter un “Centre culturel de l’Entente cordiale” favorisant les rapprochements avec nos voisins britanniques.

A deux pas du château, le cœur du Midsummer Festival bat au sein d’un incroyable théâtre élisabéthain, totalement en bois, et signé en 2016 du cabinet d’architecte Andrew Todd. Au coeur du domaine, des transats accueillent les visiteurs venus déambuler dans les jardins ou découvrir les pièces intérieures du château.

La folie, for a while

Le premier concert “Un thé avec Lucile” (Lucile Richardot) nous invite dans la chapelle située à proximité du château. Thé à la main, nous pénétrons dans une cave voûtée de petite jauge. La mezzo-soprano et l’Ensemble Tictatus nous embarquent avec bonne humeur et dérision sur le thème de la folie. Viole de gambe, luth et archiluth sont les compagnons de route de cette balade aux côtés de Le Bailly, Blow, Coperario, Eccles, D’India et Purcell. On retrouve à plusieurs reprises l’évocation du Bedlam, un nom inspiré du “Bethlem Hospital” près de Londres, un des premiers établissements de soins psychiatriques. Cet hôpital était aussi un objet de curiosité. « On faisait payer les visites aux personnes qui venaient voir les patients derrière les grilles » note Lucile Richardot avant d’entonner Tom o’Bedlam de John Coperario. La voix ductile de la mezzo-soprano fait des merveilles dans le tourmenté Not all my torments can your pity move ou le passionné From Silent Shades and the Elysian Groves tiré de Bess of Bedlam de Purcell. Du même compositeur, From Rosy Bow’rs, son ultime Mad song tirée de The comical history of Don Quixote, traverse l’éventail des sentiments grâce à l’ardeur et la fantaisie de la chanteuse : amour, agitation folle, lente mélancolie, passion, frénésie soudaine. Soulignons aussi la partition colorée du Lamento di Didone de Sigismondo D’India que Lucile Richardot habite avec conviction. Sur scène, à la fois chanteuse et comédienne, la mezzo-soprano capte l’attention du public avec un charisme redoutable. Le programme ne fera pas l’impasse sur l’envoûtante Music for a while de Purcell, donnée en bis, pour un dernier instant de douce folie…

The King’s Consort sur la scène du théâtre élisabéthain
The King’s Consort sur la scène du théâtre élisabéthain © Pascal Brunet

Un concert en demi-teinte

Au lendemain du solstice d’été, la nuit tarde à tomber sur le trésor de la Côte d’Opale. Le programme intitulé The musical night’s dream va débuter au sein du théâtre élisabéthain encore baigné par la lumière du jour grâce à ses fenêtres supérieures. Ce soir, The King’s Consort met à l’honneur les compositeurs liés à l’oeuvre de Shakespeare au cours de deux périodes : la fertile fin de règne d’Elizabeth 1ère et la Restauration de la Monarchie.
Également à la direction, le chef Robert King tient la partie de clavecin, entouré par deux violons, un alto, un violoncelle et un théorbe. La soprano Lorna Anderson assure le chant avec délicatesse et précision. La musique instrumentale de Music to The Tempest de Matthew Locke – tout en contrastes – côtoie Robert Johnson, John Wilson, Thomas Morley ou des anonymes (Lawn as white as driven snow extrait de The Winter’s Tale dévoile un hiver au paysage ensoleillé), sans omettre Purcell et sa très enjouée Suite from Timon of Athens. L’espace en arc de cercle et l’acoustique chaleureuse du théâtre offrent une intimité rarement possible en salle, de sorte que la soprano semble s’adresser à chaque spectateur. Lorna Anderson est absolument convaincante dans ce type de répertoire, et capable de donner le relief nécessaire aux inventivités de la partition (on pense à son timbre feutré dans Sing while we trip ou au magnifique If love’s a sweet passion). Malheureusement, l’ensemble instrumental peine à convaincre. Des problèmes de justesse et un démarrage raté dans l’une des pièces du semi-opéra The Fairy Queen de Purcell révèlent des problèmes de cohésion que la voix de la soprano ne suffit pas à compenser.

Saluons le travail remarquable de Sébastien Mahieuxe, le directeur artistique du Midsummer, qui connaît l’histoire des lieux comme sa poche. Les formats de concerts sont variés, et donnés à toute heure afin de surprendre le public, à l’instar de cette “Balade des oiseaux” autour du lac des miroirs avec l’Ensemble Artifices proposée le lendemain matin. A Condette, l’été débute sous les meilleurs auspices…

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