Cyrielle Golin avec Antoine Mourlas
Cyrielle Golin avec Antoine Mourlas © Théo Delienne

Trois Schumann et un Brahms chez Klarthe

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Pour la soirée de lancement de disques “Moment musical chez les Schumann” et “Brahms Trio et Quintette avec clarinette”, le label Klarthe accueillait vendredi 31 janvier à la salle Colonne, la jeune violoncelliste Cyrielle Golin avec Antoine Mourlas au piano, et trois ténors de la musique de chambre, Florent Héau à la clarinette, Jérôme Pernoo au violoncelle et Jérôme Ducros au piano. Au programme non pas un mais trois Schumann différents : Robert, Camillo et Georg… et l’auguste Brahms. Quelques pages de grand romantisme, mise en bouche prometteuse de deux albums à savourer chez soi !

Maison de disque classique et jazz, mais aussi manager d’artiste et éditeur, Klarthe se montre toujours très pointu sur ses publications, misant sur des projets artistiques originaux et de grande qualité. L’album “Moment musical chez les Schumann” par Cyrielle Golin et Antoine Mourlas est de ceux-là.

 

Un triptyque romantique original

Le duo Golin-Mourlas réunit de célèbres pièces populaires pour violoncelle et piano de Robert Schumann avec deux  sonates injustement méconnues composées par les frères Camillo et Georg Schumann. Si ces derniers n’ont pas de lien de parenté avec Robert Schumann, ces trois compositeurs partagent cependant de nombreux points communs : ils sont tous trois originaires de Saxe en Allemagne et s’ils emploient des formes classiques, leur inspiration et leur expression est très romantique.
Golin et Mourlas interprètent pour l’occasion les premier et troisième mouvements de la sonate n°1 opus 59 de Camillo Schumann (composée en 1905) puis les deux derniers mouvements de la sonate opus 19 de Georg Schumann (de 1897) qui développe un somptueux chant au violoncelle, dans lequel s’épanouit la verve et la sensibilité de Cyrielle Golin. Rarement a-t-on vu une musicienne incarner si parfaitement la musique qu’elle interprète ! Avec sa longue chevelure châtain et ses traits fins à la Cléo de Mérode, elle fait penser aux beautés de la Belle Epoque et semble, dans sa longue robe en velours rouge, tout droit sortie d’une page de Proust. À ses côtés, le pianiste Antoine Mourlas à la vivacité faunesque, agit comme un rappel au jour présent, aussi brillant dans les passages virtuoses qu’attentif au chant du violoncelle. Les contrastes des deux musiciens fusionnent parfaitement et ils donnent une interprétation animée et profonde de ces sonates au lyrisme romantique, pleins d’élans qui éloignent tout soupir de lassitude.
Le duo termine sur un extrait des Pièces sur un thème populaire opus 102 de Robert Schumann. Ces petites pièces sans prétention portent en elles la fantaisie incomparable de Schumann, avec un thème mélodique immédiatement identifiable d’une grande fraîcheur, et que Golin et Mourlas interprètent avec pétillance, offrant, sans démentir le titre de leur album, un très beau moment musical chez les Schumann !

Florent Héau
Florent Héau © DR

Envolée brahmsienne

La clarinette est une source d’inspiration majeure pour Brahms dans ses dernières oeuvres, dont ce trio opus 114, qu’il compose pendant l’été 1891 suite à sa rencontre avec le clarinettiste Richard Mühlfeld. Néanmoins les trois instruments, clarinette, violoncelle et piano sont très équilibrés et c’est même souvent au violoncelle que Brahms confie le rôle directeur. Ainsi les deux thèmes au tout début et à l’extrême fin, sont conférés au violoncelle, ici servi par la puissance voluptueuse de Jérôme Pernoo. Souvent, la clarinette semble agir comme la voix de la réminiscence, ici portée par Florent Héau dont la technique impeccable efface tout “point de couture” pour ne laisser paraître qu’un superbe tissu sonore, souple et nuancé.

Jérôme Pernoo et Jérôme Ducros
Jérôme Pernoo et Jérôme Ducros © Alix Laveau

Florent Héau, Jérôme Ducros et Jérôme Pernoo nous offrent le plaisir de ce superbe trio dans une communion exceptionnelle. Ces trois fortes personnalités vibrent au même diapason, un lien invisible semblant les relier tant chaque phrase, chaque nuance se développe et aboutit dans une merveilleuse coïncidence. Les dialogues brahmsiens – notamment dans cette valse d’une grâce infinie de l’intermezzo – sont une invitation à l’évasion, mais c’est bien dans une envolée musicale puissante et harmonieuse, que le trio emporte le public dans un final quasi symphonique.

On serait vraiment bien resté encore, mais  – c’est le principe d’une présentation – le concert est volontairement court : pour entendre la suite, rendez-vous sur l’album !

 

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