L’Orchestre philharmonique royal de Liège poursuivait sa (courte) tournée française, à Lyon, lundi 29 novembre, dans le cadre du Bicentenaire César Franck (1822-2022). Les compositeurs Franck, Martinů, et Tchaïkovski figuraient au programme de cette soirée éclectique convaincante.
Comme évoqué précédemment sur Classicagenda, en 2021-2022, l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège célèbre l’enfant du pays avec un programme copieux. Concerts en Belgique, en France et en Amérique du Sud, coffrets discographiques, intégrale de l’oeuvre d’orgue, opéra Hulda, oratorio Les Béatitudes… la phalange n’a pas fait les choses à moitié pour cet anniversaire !
Ô brises flottantes des cieux,
Du beau Printemps douces haleines,
Qui de baisers capricieux
Caressez les monts et les plaines !
Charles-Marie-René Leconte de Lisle
Ce concert, dirigé par le jeune chef hongrois Gergely Madaras, directeur musical de l’OPRL, prend son envol avec le Poème symphonique Les Eolides. César Franck s’est inspiré du poème éponyme de Leconte de Lisle, extrait des Poèmes antiques, pour composer une partition rafraîchissante portée par sa grande liberté formelle. Le souffle qui traverse ces pages, entretenu par les cordes, est revigorant dès le début de ce programme.
Pour aller plus loin, il est à noter qu’un coffret à paraître en janvier 2022, nous donnera à entendre la version enregistrée en 2011 sous la direction de François-Xavier Roth.
Le violoncelle de Victor Julien-Laferrière – vainqueur du premier prix au Concours Reine Elisabeth de 2017 – rejoint l’orchestre pour le Concerto n°1 de Bohuslav Martinů dans la version remaniée de 1955, 25 ans après sa création. Les artistes livrent un concerto traversé par une grisante et ardente agitation. Le violoncelle se montre tour à tour dense et rugueux mais peut aussi se révéler incroyablement frêle et diaphane. Après un premier mouvement, tout en contrastes rythmiques, le second, Andante moderato, dont le thème principal passe d’instrument en instrument, est empli de poésie (comment oublier la cadence centrale, d’une grande éloquence !). Le talent du violoncelliste culminera dans un dernier mouvement mené sur les chapeaux de roue.
Soliste et orchestre ont su faire corps pour restituer cet univers qui mêle tonalité, folklore tchèque et modernité. Un album avec les mêmes protagonistes est paru cette année chez Alpha Classics aux côtés du second Concerto pour violoncelle d’Antonín Dvořák.

Pour clore la soirée, rien de moins que la magistrale Symphonie n°6 de Tchaïkovski, sous-titrée “pathétique”. Le lyrisme contenu et sensible des cordes dans l’Adagio du premier mouvement introduit par le basson, laissera ensuite la part belle à la vigueur des cuivres dans l’Allegro non troppo. La valse à cinq temps du second mouvement est sublimée par la verve des musiciens qui progressent sans jamais s’enfermer dans un épanchement inutile. L’espièglerie de l’orchestre, son énergie roborative, donnent à la marche du Scherzo toute sa carrure. Tandis que le dernier mouvement est un déchirement qui atteindra son acmé grâce à l’ostinato distillé par les contrebasses.
Le chef Gergely Madaras fait corps avec son orchestre, ses gestes souples mais toujours précis ont su galvaniser les pupitres. Même si l’assistance de l’Auditorium de Lyon aurait pu être plus nombreuse ce soir-là, la prestation de l’orchestre belge a remporté l’engouement du public, c’est certain. Après le concert, le chef a fait lever chaque pupitre, déclenchant une pluie d’applaudissements nourris et mérités !