L'orgue positif Blumenroeder pour la Chapelle royale à Versailles
L'orgue positif Blumenroeder pour la Chapelle royale à Versailles © Lerch Jean-Paul

Chapelle royale de Versailles : un nouvel orgue positif pour “redonner des couleurs au continuo”

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Château de Versailles Spectacles vient de se doter d’un nouvel orgue positif aux possibilités étendues, destiné principalement à la Chapelle royale. Signé du facteur alsacien Quentin Blumenroeder, il s’agit d’une pièce unique en France.

 

Peu audible et visible des spectateurs, réduit à une poignée de jeux (ou sonorités) plutôt transparents, l’orgue positif tel qu’on le connaît fait preuve d’une grande discrétion. A peine l’entend-on parfois lors des concerts… Prévu pour assurer le continuo, c’est-à-dire un accompagnement en basse continue, cet instrument ressemble en général à un orgue coffre transportable. Dans la facture d’orgue, le positif peut désigner à la fois un petit orgue mobile posé sur le sol (d’où son nom), l’un des claviers d’un grand-orgue, ou la partie de l’orgue située dans le dos de l’organiste, appelée aussi “positif de dos”.

Déjà propriétaire d’un instrument de ce type réalisé par la manufacture Blumenroeder, Château de Versailles Spectacles vient d’acquérir un deuxième instrument d’une taille plus importante, un positif “augmenté” en quelque sorte. Sa taille se situe entre un orgue coffre et un grand orgue, permettant ainsi d’élargir la palette sonore.

Il ne faut pas oublier que la Chapelle possède également son grand orgue en tribune. Ce dernier, oeuvre des facteurs Robert Clicquot et Julien Tribuot en 1710, fut plusieurs fois remanié jusqu’à la reconstitution originelle par Jean-Loup Boisseau et Bertrand Cattiaux en 1995. Alors pourquoi un orgue positif s’il existe déjà un orgue de tribune ? “Le grand-orgue de la Chapelle royale n’est pas conçu pour être utilisé lors des concerts avec un ensemble instrumental répond Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles. Il est harmonisé avec un tempérament à la française inégal et est positionné à l’étage, au-dessus de l’autel”.

L'orgue positif Blumenroeder pour la Chapelle royale à Versailles
L’orgue positif Blumenroeder pour la Chapelle royale à Versailles © Lerch Jean-Paul

Outre le fait que la mobilité d’un orgue positif résout les problèmes de proximité vis-à-vis d’un orchestre jouant en bas, l’avantage réside aussi dans la possibilité de l’harmoniser au tempérament souhaité afin de l’adapter aux autres instruments.

En réunissant une équipe de plus de 10 personnes sur ce projet et en s’entourant de spécialistes du continuo pour le réaliser, le facteur Quentin Blumenroeder a conçu un orgue de 8 jeux constitué de 2 claviers et un pédalier de 30 notes (une rareté sur ce type d’orgue). “Cet instrument a nécessité environ 3000 heures de travail, de l’étude à l’harmonisation détaille le facteur. Tuyautier, sculpteur, doreur, peintre, ébéniste et collaborateurs de la manufacture ont été mobilisés”.

Côté musical, ce maître renommé en facture d’orgue s’est inspiré du positif Silbermann du Musée des Arts décoratifs de Strasbourg datant de 1719, le neuvième et dernier positif construit par André Silbermann. Côté buffet, il s’agit d’une imitation du positif de dos de l’orgue Silbermann de l’église strasbourgeoise Sainte-Aurélie de 1718. Deux instruments passés entre les mains de Quentin Blumenroeder.

Le nouvel orgue positif, à gauche, et celui existant, à droite
Le nouvel orgue positif, à gauche, et celui existant, à droite © Michel Roubinet

A la croisée de la facture allemande et française, le choix des jeux montre une volonté d’affirmer la présence du positif en enrichissant les timbres. L’installation d’un jeu d’anche appelé Régale – pouvant être accordé en 16 ou 8 pieds – apporte du grave, la réintroduction d’un jeu de Basson (sur la moitié inférieure du clavier) qui avait disparu du continuo et destiné à accompagner la voix, étoffe la composition. Tandis que la Quinte et la Doublette permettent de rivaliser avec l’orchestre dans un répertoire concertant. L’accouplement des deux claviers donne une aisance sonore à l’instrument. “En utilisant ce positif, il sera possible de jouer des concertos de Haendel ou des cantates de Bach avec orgue obligé” ajoute le facteur.

Jean-Baptiste Robin, l’un des quatre organistes du grand orgue de la Chapelle royale, a pu écouter l’instrument. “Il se marie très bien avec l’acoustique du lieu constate-t-il. Sa composition intelligente et les qualités de ses sonorités en font un instrument soyeux, coloré, qui pourra harmonieusement se combiner avec les différentes formations instrumentales accueillies ici”.

Au-delà de ces caractéristiques, l’enjeu est plus général et ambitieux : “avec cette variété de timbres, nous souhaitons redonner des couleurs au continuo !” assure Quentin Blumenroeder.

Le site de Château de Versailles Spectacles

 


Composition

Tous les jeux sont coupés en basse et dessus.

Premier clavier : tirants à droite

Principal 8’ en étain – 1ère octave emprunt Bd. 8
Prestant 4’ en étain
Quinte 3’ en étain
Basson 8’ C à c’ en étain

Deuxième clavier : tirants à droite

Bourdon 8’ en plomb – 1ère octave en bois
Flûte 4’ en étain
Doublette 2’ en étain
Régale 16/8’ en étain

Accouplement II/I
Tirasse I et II

Sa passion pour la musique classique provient de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass. Attiré très tôt par le journalisme, il écrit ses premiers textes pour le quotidien régional Sud-Ouest Dordogne. En 2016, il rejoint l’équipe de Classicagenda en tant que rédacteur, et publie des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts ou albums. Il sera également invité au micro de la RTS pour parler du renouveau de la critique à l'ère digitale. Parallèlement, il mène une activité dans le domaine de la communication numérique.

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