Renée Fleming
Renée Fleming © Decca/Andrew Eccles

Renée Fleming, inlassable messagère de beauté

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Cela fait déjà 30 ans que Renée Fleming fait entendre sa voix dans les salles de concert les plus prestigieuses au monde. Devenue une icône dans plusieurs rôles (la Maréchale, la Contesse, Rusalka, …), la soprano américaine a atteint une popularité dont seulement une poignée d’artistes lyriques peuvent se vanter.
Passionnée de musique contemporaine, elle a inspiré plusieurs compositeurs, dont Anders Hillborg, Brad Mehldau, André Previn, Wayne Shorter et Henri Dutilleux ; éclectique, elle vante plus d’une soixantaine d‘enregistrements dont un album rock ; sans prétention, elle a chanté à la remise du Nobel, à la Maison blanche, à Buckingham Palace pour le jubilé de Elizabeth II, tout comme au Super Bowl — où elle a été la première chanteuse lyrique à chanter l’hymne national, dans l’émission télé pour enfants Sesame Street et dans la bande orginale du Seigneur des Anneaux.

Nous sommes donc allés la retrouver au Carnegie Hall pour un programme 100% Strauss, avec  l’orchestre du Metropolitan Opera de New York, où elle avait fait son début il y a tout juste 25 ans.

[epq-quote align=”align-left”]Nous sommes entraînés dans l’aventure, bouleversés par la passion, apaisés par le lyrisme poignant et subtile des vents, et enfin saisis par un carnaval rocambolesque se terminant en silence éloquent[/epq-quote]

Quel plaisir de voir l’orchestre du MET en dehors de la fosse : on peut finalement profiter de tous les gestes, regarder l’interaction avec le chef et ainsi mieux apprécier le talent de cet ensemble préstigieux.
Entre fierté et nostalgie, on reconnaît à la harpe notre Emmanuel Ceysson, recémment passé de l’Opéra de Paris à celui de New York.

Cette soirée si attendue, commence par un Don Juan plein d’élan, qui capture l’attention du public dès la première note.
Une pointe de Wagner s’insinue dans l’écriture de Strauss, Tristan et Siegfried sont là : nous sommes entraînés dans l’aventure, bouleversés par la passion, apaisés par le lyrisme poignant et subtile des vents, et enfin saisis par un carnaval rocambolesque se terminant en silence éloquent.

L’elèvation spirituelle continue jusqu’à la fin, avec le Also sprach Zarathustra, qui nous amene dans les profondeurs du registre de l’orchestre en en explorant les couleurs les plus sombres. Contrebasses et violoncelles sont enfin protagonistes, et les violes créent un savant effet d’indetermination.
Le chef David Robertson conduit les musiciens de l’obscurité du pianissimo grave du Vor den Wissenshaft au brio du Tanzenlied, sublimé par le jeu précis et entraînant du violon solo de David Chan.

Enveloppée d’une elegante robe bleue, Renée Fleming fait enfin son entrée sur scène pour les Vier letzte lieder de Strauss. Si des deux premières chansons on retient surtout son expressivité et son allemand parfait (qu’elle avait perfectionné en étudiant à Frankfurt), c’est dans Beim Schlefengehen que l’on retrouve son chaleureux registre haut et son inconfondible legato moelleux.

Le timbre de Fleming a naturellement changé, devenant un peu plus opaque et moins puissant dans les graves, mais sa voix reste sucrée et délicate comme du miel fondu et ses aigus, dont on pourrait craindre le crispement, caressent nos oreilles et nous apaisent en douceur.

[epq-quote align=”align-left”]Sa voix reste sucrée et délicate comme du miel fondu et ses aigus […] caressent nos oreilles et nous apaisent en douceur[/epq-quote]

La soprano aborde ensuite une sélection de lieder composés par Strauss entre la fin du XIXème et le début du XXème pour sa femme Pauline, dont nous remarquerons le sombre Im abendrot, où l’artiste fait preuve de sincèrité interpretative s’accompagnant avec des gestes simples et éloquents ; et le touchant Ruhe meine Seele, où elle calibre chaque mot et le remplit de signifiant, avec grande générosité.

L’alchimie sur scène est impressionnante : Fleming ne joue pas la diva et reste attentive aux indications du chef, l’orchestre de son côté magnifie l’aspet mélodique de la partition et participe activement à ce magnifique dialogue avec le public.

Sous un tonnerre d’applaudissements la soprano quitte la salle, après nous avoir offert sa célèbre interpretation de Cäcilie, qui confirme la capacité de sa voix de nous toucher au plus profond et à nous émouvoir.

Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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