Song and voices de Francesca Verunelli © Courtesy La Biennale di Venezia - Ph. Andrea Avezzù

Song and voices de Francesca Verunelli, une création dans l’ADN de C Barré

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Le 29 mars 2024, l’ensemble C Barré présente au Centre Pompidou avec l’Ircam, la création française de Song and voices de Francesca Verunelli, une immersion au seuil du geste instrumental, vocal et électronique.

Song and voices de Francesca Verunelli © Courtesy La Biennale di Venezia – Ph. Andrea Avezzù

Créée lors de la dernière Biennale de Venise, que Lucia Ronchetti avait consacrée, sous le titre Micro Music, au vaste champ du répertoire électronique et électroacoustique, Song and voices de Francesca Verunelli prolonge un recueil, Five Songs (Kafka’s sirens), inspiré par un récit de l’écrivain tchèque, Le Silence des sirènes, dans lequel la compositrice italienne explorait, pour ensemble amplifié et électronique, les paradoxes des confins du chant sans la voix. La pièce, écrite en 2015, devient la première partie d’une forme nouvelle de cantate en six séquences à la façon d’une généalogie en infrarouge de l’expression lyrique.

Song and voices de Francesca Verunelli © Courtesy La Biennale di Venezia – Ph. Andrea Avezzù

Voices et Unvoiced en développent les semences avant l’émergence du mot chanté, qui éclosent dans A valediction for her sister (a love song) dans une langue morte, mélange du grec avec les dialectes antiques du Salento, où le fantôme mélodique reflète l’hommage à la sœur disparue brutalement disparue – évoquée dans une poésie de la blancheur. Les deux derniers épisodes s’échappent ensuite de l’exigence de la signification de la parole. Vocali hybride les spectres instrumentaux avec ceux de la transformation de l’émission vocale. Andemironnai (a song of migration) réinvente un refrain traditionnel sarde archaïque en une sorte de plongée électro-archéologique, qui referme une traversée du bourgeonnement de la matière musicale où se glisse la pudeur d’un tombeau.

Song and voices de Francesca Verunelli © Courtesy La Biennale di Venezia – Ph. Andrea Avezzù

Scandée par une scénographie lumineuse, simple et efficace, réglée par Antonello Pocetti, cette odyssée miniature s’appuie sur l’identité sonore de l’ensemble C Barré, reconnaissable à son appui sur le trio de cordes pincées – mandoline, guitare et harpe – dont les textures sont travaillées au-delà des stéréotypes harmoniques pour constituer la colonne vertébrale d’une dynamique poétique marquée par un approfondissement, en particulier grâce à l’électronique, d’une certaine étrange familiarité. A rebours d’une tradition que l’on retrouve entre autres dans un certain corpus lyrique, subordonnant à l’épanouissement des potentialités des timbres et de la mélodie celui de la sensualité et de l’ivresse virtuoses, celles-ci se révèlent ici dans une condensation des figures thématiques et des moyens. L’illusion minimaliste recouvre un foisonnement du grain sonore, dans une élaboration que l’on peut affilier au courant spectral. L’effet hypnotique de la partition s’incarne dans une chair instrumentale augmentée, par l’électronique comme par les pupitres des Neue Vocalsolisten Stuttgart. Sébastien Boin et C Barré reprennent la pièce de Francesca Verunelli le 12 mai prochain à la Friche Belle de Mai à Marseille, dans le cadre du Festival Propagations du GMEM où l’ensemble est en résidence, avant d’espérer une gravure discographique, idéale pour approfondir ad libitum les chatoiements paradoxaux d’un univers musical aussi maîtrisé que singulier.

Gilles Charlassier

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