Les vendredi 3 et samedi 4 novembre 2017 se déroulait au Musée Guimet un week-end musical aux saveurs asiatiques. Le Festival Berlioz était en effet l’invité du Musée national des arts asiatiques de Paris- Guimet.
Berlioz chez Guimet ?… Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est bien de cela dont il a été question.
Informés que devaient se donner au Musée national des Arts Asiatiques – Guimet plusieurs concerts mêlant entre autres des pastorales en musique “de Debussy à Sour-Dâs”, des” rencontres musicales avec des musiciens chinois à Londres et à Paris au XIX ème siècle”…etc…, nous nous sommes interrogés sur les motifs de ce rapprochement inédit…, passé un premier moment d’étonnement.
Bruno Messina, l’énergique et inventif Directeur artistique du Festival Berlioz de la Côte Saint André-Isère, initiateur avec Thierry Jopeck, Directeur du Musée Guimet, de cette série de concerts (et le soutien de la Société des Amis du Musée Guimet), nous a éclairé sur cette surprenante rencontre. Il nous a confié avoir été inspiré par les écrits d’Hector Berlioz relatant sa découverte des pavillons exotiques de l’Exposition Universelle de Londres en 1851 pour nous proposer ce concert en tous points inédit.
Si les trois premiers concerts de ce mini-festival Berlioz en quelque sorte ” hors les murs” étaient pour l’essentiel consacrés aux musiques de l’autre bout du monde, le concert de clôture, le samedi 4 novembre en soirée, avait pour thème “L’Asie entendue à Paris au temps d’Émile Guimet“, en écho au voyage d’Émile Guimet en Asie en 1876 ; Émile Guimet (1836-1918), initiateur et fondateur de ce Musée exceptionnel par l’ampleur et la richesse de ses collections.
Était séduisante l’idée d’une confrontation, ou plutôt d’une mise en miroirs de musiques savantes d’Asie et d’Occident. Plusieurs compositeurs occidentaux figurant en particulier au programme de ce concert ont, en effet, au XIX ème siècle, rêvé l’Asie, chacun à sa manière. Pour mener à bien un tel projet, des interprètes adéquats étaient nécessaires, ce qui était le cas de l’Orchestre Les Siècles, par ailleurs partenaire régulier du Festival Berlioz de la Côte Saint André-Isère.
Formation novatrice qui a le don de s’impliquer dans les programmes les plus divers avec à chaque fois la même envie communicante, Les Siècles ont aussi le souci constant d’être au plus près des textes et, notamment, de disposer d’instruments historiques appropriés à chaque répertoire.
A sa tête François-Xavier Roth, chef talentueux et créatif, passionné par les relectures dépoussiérées -“authentiques”- d’œuvres connues du répertoire, ainsi que par les découvertes – et redécouvertes – d’œuvres oubliées ou délaissées, à l’instar de certaines de celles qui jalonnèrent cette soirée.
C’est en trombe, avec Camille Saint-Saëns et son ouverture de l’opéra La Princesse Jaune, que le concert a débuté. Ouverture pleine de charme et de panache extraite de cet opéra comique délicieux créé en 1872. Un vrai bonheur de retrouver une musique si peu jouée, pleine de rutilance exotique, en forme d’hommage au Japon.
Puis les Quatre Poèmes Hindous de Maurice Delage, interprétés avec grâce par la jeune soprano coréenne Dongmin Lee, la soliste lyrique de la soirée. Maurice Delage (1879-1961) – un des rares élèves de Maurice Ravel – fut un compositeur impressionné par la musique qu’il découvrit en Extrême Orient lors de ses voyages au bout du monde, et dont le bref catalogue des œuvres atteste aussi de l’influence de Debussy.
Ce concert se poursuivait par une interprétation très convaincante de la même soprano d’une belle mélodie d’André Messager Le Jour sous le soleil béni, mélodie extraite de “Madame Chrysanthème”(1893), “comédie lyrique”, ainsi que le définit son compositeur.
Il fallait un “clou” à cette soirée franco-asiatique donnée dans la fastueuse Cour Khmère sous le regard énigmatique mais heureux des bouddhas entourant les musiciens – qui jouaient debout quand ils le pouvaient : ce fut l’extrait d’une oeuvre de l’inspirateur de ce concert, Émile Guimet lui-même, dont on découvre qu’il était compositeur parallèlement à sa passion pour l’Asie.
Ce “clou” c’est l’ouverture de son opéra Taï-Tsoung qui ne fut donné qu’une seule fois (!) en avril 1894 à Marseille, lors de sa création; composition méritant mieux qu’un haussement d’épaules ou un applaudissement convenu. Le grand opéra français n’est pas loin !
Les Troyens a été finalement le lien proposé avec Hector Berlioz, sous la forme d’une suite de pièces extraites du grand oeuvre de notre compositeur, quelques “Entrées” et “Défilés”enchaînés , les Siècles sont dans leur jardin et brillent de mille feux…
Le Ravel de Ma Mère l’Oye avec Laideronnette Impératrice des Pagodes clôturait ce concert, ainsi que des extraits de l’opéra de Léo Delibes Lakmé…, ultime clin d’œil à l’Asie.
A l’issue du concert, François-Xavier Roth s’est inquiété – assurément à tort… – d’avoir pu troublé le sommeil les Bouddhas qui séjournent en ce lieu habité.
Concert du 4 novembre 2017 20h30
“GUIMET invite BERLIOZ”
“L’Asie entendue à Paris au temps d’Émile Guimet”
Dongmin Lee, soprano
Orchestre Les Siècles
Direction François-Xavier Roth
Cour Khmère
Musée National des Arts Asiatiques- Guimet
6, Place d’Iéna – 75116 Paris