Le baryton Tassis Christoyannis était à l’Opéra Comique pour un récital aux côtés du pianiste Jeff Cohen, dans un programme de mélodies nous amenant de la France à la Grèce
Un peu comme à la maison, Tassis Christoyannis revient sur le plateau de la salle Favart, après y avoir interprété Ali Baba de Lecocq en 2014, Duparquet dans Ciboulette de Hahn en 2015 et Spiridion dans la récente production du Timbre d’argent de Saint-Saëns.
Mais son engagement envers la musique française ne s’arrête pas à l’opéra-comique. Depuis quelques années le baryton grec a fait une série d’enregistrements de mélodies d’Edouard Lalo, Benjamin Godard et Camille Saint-Saëns pour le Palazzetto Bru Zane, centre de musique romantique française, en compagnie du pianiste Jeff Cohen.
C’est ce dernier qui partage avec lui la scène ce soir, pour le plaisir du public qui peut profiter de l’entente parfaite de ce duo d’exception.
La soirée commence en toute élégance avec deux mélodies de Fauré : Au bord de l’eau et Les berceaux. Dans cette dernière, Tassis Christoyannis nous surprend par sa capacité à nous émouvoir et à rassurer à la fois, comme si nous étions ces femmes en attente dont parle Sully Prud’homme dans son poème.
Un hommage à l’opéra-comique
Après ce début si poétique, Christoyannis s’adresse au public, charmeur et sympathique comme à son habitude. Il présente les œuvres du “roi de la mélodie” et les pièces à venir, en hommage à deux importants compositeurs ayant contribué à moderniser et à populariser l’opéra-comique : Jules Massenet et Camille Saint-Saëns.
Dans les 5 mélodies de Massenet la voix du baryton et celle du piano s’entrelacent avec finesse, se mettant en valeur l’une l’autre.
Si dans Enchantement on apprécie le piano doux et léger de Cohen, dans Je t’adore on remarque l’aisance de Christoyannis, qui se fait plaisir en laissant sa voix remplir la salle, dont il connaît parfaitement l’acoustique.
Parmi les mélodies de Saint-Saëns, c’est le splendide Pas d’armes du Roi Jean, qui retient notre attention : le pianiste donne une base solide à la voix du baryton qui, dans son français parfaitement intelligible, nous fait part du texte de Victor Hugo.
Le chanteur est extrêmement communicatif, tout son corps contribuant à l’interprétation, jusqu’aux yeux, dont on perçoit les pupilles pétillantes. Avec une grande souplesse d’articulation, il aborde la célèbre Danse macabre pendant que le piano agile de Jeff Cohen, se laisse emporter par le rythme, en entraînant le public avec lui.
Un bestiaire espiègle qui charme le public
Dans ce programme très cohérent et bien imaginé, on retrouve donc Le bestiaire de Guillaume Apollinaire mis en musique par Poulenc, placé en parallèle avec les Chansons de Monsieur Bleu (de Nino) composées par Rosenthal.
Chef d’orchestre et compositeur, Manuel Rosenthal, un des rares élèves de Maurice Ravel est auteur de plusieurs opéras-comiques dont Rayon des soieries et La Poule noire, mais il est surtout connu pour son ballet La Gaîté parisienne, constitué d’arrangements de pièces de Jacques Offenbach.
Pendant ce moment “animalier” (comme s’amuse à le définir Tassis Christoyannis), le duo joue sur les dynamiques et sur la subtilité et nous amène avec aise de la poésie à l’ironie. La souris d’Angleterre, ponctuée par les “Yes Madame, yes my dear” conquiert les auditeurs et les plonge dans cette histoire drôle et décalée qui se termine par un coup de poing sur le piano et un sursaut du chanteur : la souris est morte !
Départ vers la Méditerranée
“Et maintenant on passe aux choses sérieuses : on part vers la Grèce”, c’est ainsi que l’artiste grec introduit la troisième partie du récital. On décolle donc avec de la poésie française à l’esprit grec (Reynaldo Hahn), puis on reste dans l’air avec des mélodies grecques mises en musique par un français (Maurice Ravel) et on atterrit au soleil avec les mélodies de Constantinidis.
Le touchante et célèbre A Chloris de Hahn plonge d’un seul coup la salle dans un silence religieux, puis l’ambiance intimiste se transforme en envie de voyage et de découverte avec les 5 mélodies populaires grecques. Le piano souple et aérien, souligne la finesse et la richesse de l’écriture de Ravel et la voix se fait fluide comme un instrument à vent, dont on remarque aussi l’élégance, comme dans l’a cappella de Quel galant m’est comparable.
Tassis Christoyannis en explique les textes, partageant avec nous ces sérénades d’amour, à l’exotisme séduisant et aux allures entraînantes. La voix chaleureuse et caressante du baryton conquiert le public qui couvre le duo d’applaudissements et de bravo !
Trois bis nous sont enfin offerts, le touchant Si vous n’avez rien à me dire… ou Saint-Saëns sublime le texte de Victor Hugo, l’espiègle La cigale et la fourmi de Charles Trenet, tirée des Fables de La Fontaine et la Chanson napolitaine du Timbre d’argent, où le public accompagne le duo au rythme de battements de main.
En connaissant la personnalité de Christoyannis on s’attendait à un récital de grande qualité avec un brin de folie. On n’a pas été déçus !