Le Festival de Royaumont 2022 se déroule cette année du 2 septembre au 8 octobre. S’il ambitionne de célébrer toutes sortes de musiques, il a toutefois conservé une fidélité particulière à la musique ancienne à laquelle est souvent associé son nom. En témoigne ce concert du dimanche 25 septembre intitulé”Passion”.
Construit tel une tragédie lyrique, c’est-à-dire en 5 actes, le concert donné par l’ensemble Les Surprises entendait célébrer la Passion. Celle qui anime les héroïnes dessinées par les compositeurs du Grand Siècle : Jean-Baptiste Lully, mais aussi Henry Desmarets, André-Cardinal Destouches , Pascal Colasse, Marc-Antoine Charpentier…
Pour cela il fallait une interprète d’exception : on l’a trouvée en la personne de la soprano Véronique Gens qui incarne, à elle seule, ce qu’il y a de plus fort et de plus beau dans ce répertoire.

Tour à tour Eolie, Cérès, Armide, Cybèle, Arcabonne, Médée…, ou encore Proserpine, Véronique Gens a illuminé l’Abbaye de Royaumont.
Telle une Antigone dressée, silhouette vêtue de noir, toute en fureur, elle a incarné ces héroïnes avec … Passion.
Qu’il exprime le désespoir de la “Femme affligée” (Alceste de Lully), ou la fureur de Médée (Marc-Antoine Charpentier), son chant limpide témoigne des splendeurs du chant baroque français et du lyrisme puissant des textes qui l’inspirent……”Je vais évoquer des enfers la haine, la fureur, la discorde et l’envie : leur présence sera suivie de cent prodiges divers. Sortez de la nuit infernale, noires divinités, vos antres sont ouverts,….” (Junon dans Achille et Polyxène, opéra de Pascal Colasse).

Heureusement, pour tempérer ces tumultes et les tambours funèbres, il y a… la Nuit, extrait du Triomphe de l’Amour, opéra de Jean-Baptiste Lully……”Voici le favorable temps où tous les cœurs doivent être paisibles , le silence revient : fuyez , bruits éclatants”, et le fameux “Sommeil” qui jalonne tant de pièces lyriques et qui est si caractéristique de la musique française de cette période . Ces sommeils en musique où sont célébrés en poésie le repos et le rêve.
En fusion avec son interprète, l’ensemble Les Surprises a su faire preuve d’un engagement tonique quand il le fallait, et suave quand il était en présence de la Nuit…, à l’image du petit chœur de 6 chanteurs ( 4 hommes et 2 femmes) très impliqué lui aussi dans cette célébration des compositeurs du Grand Siècle…. A l’image, bien sûr, de son chef, Louis-Noël Bestion de Camboulas, dirigeant son ensemble de l’orgue et du clavecin.
En préambule, Véronique Gens a souhaité dédier le concert à la mémoire de Pascal Monteilhet, théorbiste et luthiste de renom et grande figure de la scène baroque, décédé brutalement en août dernier.
Le Festival de Royaumont se poursuivra jusqu’au samedi 8 octobre.