Pelléas et Mélisande
Pelléas et Mélisande © Festival d'Aix-en-Provence

Pelléas et Mélisande : Katie Mitchell envoûte Aix-en-Provence

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La production était très attendue au Festival lyrique d’Aix-en-Provence. La britannique Katie Mitchell, en résidence depuis 2012, a parfaitement relevé le défi en proposant une version lumineuse et onirique du Pelléas et Mélisande de Debussy et nous plonge avec raffinement dans un monde à la croisée du réalisme et du fantasmatique non abstrait.

C’est un Pelléas et Mélisande de toute beauté que nous avons pu entendre au Grand Théâtre de Provence. Hormis la délicate partition et la fulgurance vocale sur lesquelles nous reviendrons un peu plus loin, notons d’entrée de jeu la sublime scénographie de Lizzie Clachan qui contribue à notre plongée merveilleuse dans l’onirisme de Debussy. Nous pouvons passer en un instant de la chambre d’hôtel où Mélisande s’endort à une forêt enchantée menant également à la fontaine des aveugles, lieu des amours naissants avec Pelléas. Le décor permet de jouer sur différentes hauteurs et nous entraîne dans un décuplement de petites pièces. Nous ne savons jamais à l’avance où vont apparaître les protagonistes, surgissant des limbes d’un songe, d’un désir, d’une pulsion.

L’œuvre fascinante est soulignée avec brio par la direction musicale sans faille du chef finlandais Esa-Pekka Salonen, au sommet de son art. Après son Elektra en 2013, il revient à Aix pour une prodigieuse direction du Philharmonia Orchestra, tout en nuances. La partition nous apparaît d’une limpidité désarmante, avec la précision et le raffinement que nous ne pouvions espérer davantage. La distribution, de haute qualité, contribue également à la réussite sans appel de ce que propose Katie Mitchell. Bien qu’ayant un rôle très secondaire, Thomas Dear est un médecin fort remarqué tandis que Chloé Briot incarne Yniold, de manière pas aussi enfantine que nous pourrions penser mais tout en émotions. Quant au trio principal, il est évidemment à la hauteur de nos attentes. Laurent Naouri, très investi, est un surprenant Golaud, teinté d’une humanité que nous voyons trop peu dans cette œuvre et beaucoup plus sensible que dans le livret original. Il est saisissant par moment tandis que Stéphane Degout étonne en Pelléas. Le baryton ne cesse de nous impressionner. Cependant, c’est Barbara Hannigan qui s’en sort admirablement bien. Son approche de Mélisande la jette dans un reflet d’une Alice au pays des merveilles égarée dans son propre songe. Avec douceur et détermination, elle nous offre une splendide incarnation et interprétation vocale de ce personnage ambigu et mystérieux. A grand renfort d’oscillation entre puissance et tendresse, ses gestes lents comme suspendus, presques inquiétants par moment, ne font que souligner l’infinie beauté de l’œuvre.

Aucune fausse note pour Katie Mitchell qui réussit à perfectionner et sublimer le drame de Debussy par une approche juste, fidèle et pertinente. Tel un rêve éveillé, elle ouvre le champ des possibles avec délicatesse et profondeur en s’appuyant sur un écrin scénique sublime qui décuple l’onirisme et l’imagination. Nous plongeons avec délectation dans un songe totalement maîtrisé dont nous ne voulons rien oublier au réveil, en sortant du Grand Théâtre de Provence, avec la sensation d’avoir idéalisé un rêve parfait.

Professeur des écoles le jour, je cours les salles de Paris et d'ailleurs le soir afin de combiner ma passion pour le spectacle vivant et l'écriture, tout en trouvant très souvent refuge dans la musique classique. Tombée dans le théâtre dès mon plus jeune âge en parallèle de l'apprentissage du piano, c'est tout naturellement que je me suis tournée vers l'opéra. A travers mes chroniques, je souhaite partager mes émotions sans prétention mais toujours avec sensibilité.

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