Philippe Jordan
Philippe Jordan © Johannes Ifkovits

Un voyage sur le Rhin avec Philippe Jordan

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Le mardi 1er novembre, le chef d’orchestre suisse Philippe Jordan a dirigé l’Orchestre philharmonique de Munich en tournée à l’Elbphilharmonie de Hambourg. Classicagenda était présent pour rendre compte à ses lecteurs de son passionnant programme de Schumann et de Wagner conçu autour du thème du Rhin.

Les fleuves ont leur lot d’hommages musicaux, qu’il s’agisse du Beau Danube bleu de Johann Strauss à La Moldau de Smetana. Mais aucun fleuve n’en a reçu autant que le puissant et majestueux Rhin, en particulier dans le domaine symphonique. Le programme de Philippe Jordan ouvrait avec la Symphonie n° 3, la « Rhénane », op. 97 de Robert Schumann, composée en 1850 après un voyage en Rhénanie. Il s’agit de la plus wagnérienne des quatre symphonies de Schumann, en particulier dans le mystérieux quatrième mouvement comportant des chorals solennels pour trois trombones, inspirés par l’émerveillement de Schumann devant la cathédrale de Cologne. L’interprétation de Jordan a fait ressortir la grandeur de l’œuvre, sans négliger les éléments plus légers et enjoués, notamment dans le mouvement final.

Camilla Nylund
Camilla Nylund © annas-foto.de

La deuxième partie du concert comprenait trois extraits du Crépuscule des dieux de Wagner : « Le voyage de Siegfried sur le Rhin », « La Marche funèbre de Siegfried », et « L’Immolation de Brünnhilde », ce dernier extrait avec la soprano finlandaise Camilla Nylund. Le plus grand défi pour Jordan dans cette musique était de maintenir un équilibre sonore satisfaisant entre les musiciens de l’orchestre. En raison de l’acoustique résonnante de l’Elbphilharmonie, les cuivres peuvent facilement noyer le reste de l’orchestre ; ce défi fut relevé. Par ailleurs, la soprano — qui dans une production lyrique a l’avantage de chanter devant la scène, avec l’énorme orchestre dans la fosse — devait lors de ce concert chanter au fond de l’orchestre, à côté des quatre harpes, ce qui était sans aucun doute la solution la moins problématique. Elle a insufflé à la scène dramatique d’une Brünnhilde finalement résignée une noblesse qui contrastait avec l’incandescence de l’orchestre que Jordan a suscitée.

Philippe Jordan, Camilla Nylund et l’Orchestre philharmonique de Munich à l’Elbphilharmonie de Hambourg © Daniel Dittus

L’Orchestre philharmonique de Munich n’a plus de directeur musical depuis qu’en mars dernier sa direction a congédié Valery Gergiev pour avoir refusé de dénoncer publiquement l’invasion de l’Ukraine par Poutine. Les sept années sous Gergiev ont élevé l’orchestre au niveau des meilleurs ensembles européens. Parmi les musiciens de la nouvelle génération, les excellents cornistes solos, Bertrand Chatenet et Matias Piñeira, se sont distingués, respectivement dans Schumann et Wagner. Ce concert sous la baguette de Jordan nous rend impatients de découvrir le prochain chapitre dans l’histoire de cet orchestre qui a le vent en poupe.

Jacqueline Letzter et Robert Adelson, historienne de la littérature et musicologue, sont les auteurs de nombreux livres, dont Ecrire l'opéra au féminin (Symétrie, 2017), Autographes musicaux du XIXe siècle: L’album niçois du Comte de Cessole (Acadèmia Nissarda, 2020) et Erard: a Passion for the Piano (Oxford University Press, 2021). Ils contribuent à des chroniques de concerts dans le midi de la France.

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