L'organiste Loreto Aramendi à l'auditorium de Lyon
L'organiste Loreto Aramendi à l'auditorium de Lyon © Concours international Olivier Messiaen

Lyon : un concert au sommet avec le jury du Concours international Messiaen

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A l’occasion du Concours international d’orgue Olivier Messiaen, les six membres du jury ont présenté un concert remarquable vendredi 4 novembre 2022 à l’Auditorium de Lyon.

 

L’occasion était trop belle ! Réunir six organistes internationaux dans un programme étincelant avait de quoi séduire. Ce soir, rien de moins que Loreto Aramendi, Bernhard Haas, Nathan Laube, Loïc Mallié, Benoît Mernier et Pascale Rouet pour investir la console de l’orgue de salle de l’Auditorium.

Construit à l’origine par Aristide Cavaillé-Coll pour l’Exposition universelle de 1878 et la salle du Trocadéro à Paris, l’orgue fut installé ensuite au Palais de Chaillot par le facteur Victor Gonzalez avant de trouver sa place à l’Auditorium de Lyon en 1977. Il dispose aujourd’hui de 82 jeux et 6500 tuyaux. 

Toccata flamboyante

Le programme visait un répertoire varié, avec, bien évidemment, un clin d’œil au maître Olivier Messiaen. Loreto Aramendi, organiste titulaire du grand orgue de la basilique Santa Maria del Coro de Saint-Sébastien en Espagne, présentait en ouverture une Toccata en fa majeur de Buxtehude flamboyante, typique du fameux stylus fantasticus. Les variations de claviers et de registrations, ainsi que son choix d’interprétation nous ont séduit par leur caractère improvisé. Cette pièce contrastait avec les Funérailles de Franz Liszt, extrait des Harmonies poétiques et religieuses (dans un arrangement de Louis Robilliard, présent dans la salle). Au fil de l’œuvre s’enchaînent glas, marche funèbre, marche guerrière, et passage lagrimoso, mettant en lumière les infinies possibilités sonores de cet orgue de salle. Il suffisait aussi d’apprécier le trait de pédale final sur les anches pour s’en convaincre. Cependant, pour sonner correctement, cette pièce méritait un peu plus de profondeur, laquelle était atténuée par l’acoustique un peu sèche de l’auditorium. 

Loïc Mallié au Concert du jury à Lyon
Loïc Mallié au Concert du jury à Lyon © Concours international Olivier Messiaen

Loin de l’univers lisztien, le compositeur et professeur d’orgue au Conservatoire royal de Bruxelles Benoît Mernier proposait sa vision de l’hymne Pange lingua mise en perspective avec celle de Grigny, à l’image des versets chantés en plain-chant qui alternaient autrefois avec ceux joués à l’orgue. Cette œuvre crée un pont de 300 ans entre deux types de compositions, lesquelles s’enchaînent avec un naturel incroyable. Un défi musical restitué ce soir dans une majestueuse éloquence. 

Electrochoc

Comme pour nous tirer de l’apaisement de la pièce précédente, Pascale Rouet proposait l’exigeant Final de la Sonate n°I de Jean-Pierre Leguay en guise d’électrochoc. Une partition protéiforme majeure qui exploite toute la matière sonore du grand orgue à travers des épisodes très contrastés, jusqu’à éclater en bouquet final dans une énergie époustouflante.

L’organiste international Nathan Laube livrait ensuite sa transcription des Préludes de Liszt, une page orchestrale qui se prêtait parfaitement à la carrure de l’instrument. Laube traversera avec allant les pages du poème symphonique tout en multipliant les couleurs sonores. Quant à Bernhard Haas, professeur d’orgue à la Hochschule für Musik und Theater de Munich, son choix s’était porté sur Moment musical op. 69/4 de Max Reger puis sur Les mains de l’abîme d’Olivier Messiaen, extrait du Livre d’orgue. 

Après un redoutable Reger dont il fit ressortir toute l’épaisseur harmonique, Haas a rendu hommage à celui qui fut l’organiste de l’église de La Trinité à Paris. Le Livre d’orgue reste un ouvrage d’une grande exigence technique, et demande un certain effort à l’écoute pour qui n’est pas familier de l’œuvre de Messiaen. Les impétueuses masses sonores introductives sur le tutti sont comme des salves qui précèdent un mouvement central associant les graves de l’orgue et le registre aigu dans un élan plus énigmatique, avant de se refermer en une succession de puissants accords, le cri de l’abîme. Une prouesse ensorcelante.

Un martèlement d’accords impressionnant

Enfin, élève et héritier de l’orgue de Messiaen lorsqu’il était titulaire de La Trinité, Loïc Mallié déploya ensuite son art de l’improvisation sur un thème donné par le jury, avant de présenter Offrande et Alléluia final, extrait du Livre du Saint-Sacrement de Messiaen. Débutant avec une seule voix, sur le cornet, la pièce se mue en toccata virulente alternant avec une monodie brillante, avant de s’achever dans un martèlement d’accords des plus impressionnants. Une excellente conclusion à ce concert mémorable porté par d’éminents organistes. 

Alors que le silence s’installe dans la salle, comment ne pas rester étourdi par le souffle d’un tel programme ?

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