Ensemble Baroque Atlantique @ Philippe Roulaud

La Venise allemande de l’Ensemble Baroque Atlantique

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Conversation avec Guillaume Rebinguet Sudre, fondateur de l’Ensemble Baroque Atlantique.

L’Ensemble Baroque Atlantique, que vous avez fondé, est un ensemble à géométrie variable consacré à la musique italienne et allemande des XVIIe et XVIIIe siècles. Quelle est la genèse du projet ?

Après avoir fait beaucoup de recherches musicales et de pédagogie, j’ai souhaité fonder un ensemble. C’était en réalité un vieux rêve. Cela a pris corps en 2012 avec un projet consacré à Bach qui me tenait à cœur, et pour lequel j’ai reconstruit deux concertos, un inédit d’après la sonate pour orgue BWV 530 et l’autre d’après le concerto pour clavecins BVW 1064.
Pour Sinfonie et Concerti, j’ai réuni un collectif de musiciens que j’appréciais et avec qui j’avais envie de travailler, comme Diana Lee, Alix Boivert, Simon Pierre, Magali Boyer, Paul Rousseau et Jean-Luc Ho dont je partage la passion pour le clavecin, puisque je suis aussi facteur de clavecins. C’est une aventure qui m’a beaucoup appris musicalement et humainement.


Vous êtes violoniste et facteur de clavecins mais vous vous définissez également comme « artiste chercheur »…

J’ai eu la chance de travailler avec de grands musiciens comme Enrico Gatti, spécialiste de la musique italienne des XVIIe et XVIIIe siècles, et Hélène Schmitt, magnifique interprète du répertoire baroque allemand. J’ai beaucoup appris avec eux et leur goût a trouvé un fort écho dans ma personnalité.
J’ai fait beaucoup de recherches concernant la lutherie, je voulais étudier la cohérence entre les instruments et le répertoire pour lequel ils ont été conçus. Au delà de l’instrument lui même, c’est aussi la musique qui lui donne sens et vie. Bien entendu, la recherche musicologique est également primordiale. Elle a notamment guidé mon travail de réécriture pour Bach, m’aidant par exemple à saisir l’esprit stylistique de l’époque tout en gardant la spontanéité d’un créateur…


Comment est né le projet « Venezia tedesca » (« Venise allemande ») ?


Nous avons en effet profité de l’invitation au festival de Saintes pour créer ce programme dédié aux musiques italiennes et allemandes du XVIIe, explorant les relations et les influences réciproques des compositeurs qui se croisaient à Venise. Le langage italien a évidemment un grand ascendant sur les pièces allemandes. Il est aussi intéressant de noter qu’à Venise, le style musical n’était pas si joyeux et exubérant que ce que l’on a coutume de penser de nos jours…
En effet, si Venise était une ville politiquement indépendante, riche et productive dans le domaine artistique, elle est malgré tout en constante lutte contre la nature, et cela se répercute fatalement dans l’art : la peinture vénitienne du XVIIe siècle travaille le clair-obscur, projetant les émotions au premier plan. La musique, dans ses lignes mélodiques, semble mettre en avant le paradoxe d’une architecture à la fois rigide et flottante…


On retrouve dans le programme des compositeurs vénitiens et allemands, qui ont en commun le fait d’avoir vécu dans la Sérénissime. Comment les avez-vous choisis ?
L’idée été d’offrir un regard sur ces différentes esthétiques autant qu’un voyage dans un siècle de musique où les musiciens s’influencent réciproquement. On voit aussi clairement les formes musicales évoluer d’année en année et la sonate se structurer peu à peu en mouvements.
Parmi les compositeurs choisis, il y a Biagio Marini, dont la musique utilise les dissonances d’une manière singulière pour l’époque ; Johann Philipp Krieger, très sensible aux modes musicales d’Italie et de France dont on entend à la fois le caractère de danse et des passages théâtraux issus de l’opéra ; mais aussi Giovanni Legrenzi et son élève Tomaso Albinoni — on remarque dans leurs contrepoints des rythmes syncopés et des harmonies inédites. Les thèmes d’Albinoni étaient si originaux qu’ils furent même utilisés par Bach pour pour ses fugues et ses sonates servaient aux élèves du maître allemand pour l’étude de basse continue. On termine par Georg Friedrich Haendel, qui synthétise brillamment toutes les évolutions de cette époque.


Quels sont vos projets et ceux de votre ensemble ?


La redécouverte de ces répertoires m’a évidemment donné beaucoup d’idées. Par ailleurs, je vais bientôt recevoir un nouveau violon, copié d’après un instrument du grand luthier autrichien Jacobus Stainer daté de 1669, qui va sûrement m’inspirer de nouveaux programmes.
J’espère aussi que la démarche de l’ensemble intéressera et sera soutenue dans la durée. Nous sommes jeunes, nous avons plein d’idées, et nous rêverions à une certaine tranquillité nous permettant d’accomplir nos recherches et de consacrer le temps nécessaire à la création de nos projets.

 


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Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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