Il est des rendez-vous musicaux à ne manquer sous aucun prétexte. L’interprétation des célèbres Variations Goldberg, monument de la littérature pour clavier de Jean-Sebastien Bach, en fait assurément partie. A la salle Cortot, Benjamin Alard nous a livré sa vision de l’oeuvre au clavecin : entre sensibilité et virtuosité.
Composée dans la dernière décennie de sa vie, cet Aria avec différentes variations pour clavecin à deux claviers, son titre originel, est un condensé du génie de Bach. Les Variations, dernier chapitre des quatre Clavier-Übung (Benjamin Alard a d’ailleurs enregistré les deux premiers opus chez Alpha) étaient considérés par Bach comme “des exercices à l’intention des amateurs pour la récréation de leur esprit”… En fait, ces pages requièrent surtout une grande virtuosité : jeu sur 2 claviers (recommandé par le compositeur), croisement des mains, ornementation exigeante, rapidité d’exécution…
Pourquoi le titre Variations Goldberg ? Une hypothèse de Johann Nikolaus Forkel, biographe de Bach, avance que le comte Keyserling aurait demandait à Bach de lui écrire cette oeuvre afin qu’un certain Johann Gottlieb Goldberg, jeune claveciniste et élève du maitre, lui joue ces variations pour dissiper ses insomnies. En remerciement, le comte aurait offert à Bach une coupe en or contenant cent Louis d’or. Des allégations cependant peu prises au sérieux aujourd’hui…
Une chose est certaine, lors de ce récital, nul assoupissement possible dans l’auditoire ! Le chef d’oeuvre contrapuntique du cantor de Leipzig est joué ce soir sur un clavecin à deux claviers installé au centre de la scène. L’acoustique du lieu permet de capter les moindres subtilités de l’instrument et la proximité du public avec ce dernier reste un atout indéniable.
Benjamin Alard, premier prix du Concours international de clavecin de Bruges, en 2004, nous captive en laissant son empreinte sur chacune des 30 variations. Après l’Aria initiale, servant de matériau à l’ensemble de l’oeuvre, l’artiste fait preuve d’un toucher délicat et racé dans les variations dansantes (2,4,7), donne un caractère altier à d’autres (10,16), garde un tempo inflexible dans les passages les plus virtuoses (14,20) !
De manière générale, on retient la qualité des phrasés, la délicatesse des ornementations, exécutées avec naturel, sans superflu. On est également subjugué par la profondeur des mouvements lents, interprétés de manière sensible (9, 13, 21). Le claveciniste – aussi organiste co-titulaire de l’église Saint-Louis-en-l’Île à Paris – fait subtilement respirer la partition avec une agogique pertinente.
L’Aria initale referme les Variations Goldberg, comme un retour à la source de l’inspiration ou peut-être un point de départ d’une nouvelle composition…
En bis, le jeune claveciniste nous offre la Sarabande en fa mineur de Bach, en hommage au musicien Gordon Murray, récemment décédé. L’assistance est sous le charme. Sous les doigts de Benjamin Alard (qui rejouera ce programme le 1er juin au musée des Beaux-Arts de Montréal), le génie de Bach a une nouvelle fois fait mouche !
Mercredi 29 mars 2017, salle Cortot.
Benjamin Alard, clavecin