Dimanche 31 mars, la Chapelle royale du Château de Versailles a fait résonner les partitions de Marc-Antoine Charpentier en guise d’ouverture du Cycle de la Semaine Sainte. Te Deum, In Honorem, et l’impressionnante Messe à quatre choeurs constituaient le programme.
Artistes associés à l’Opéra et à la Chapelle du Château de Versailles, l’Ensemble Correspondances dirigé par Sébastien Daucé est devenu incontournable dans l’interprétation de la musique française du XVIIème siècle. Cette Messe à quatre choeurs composée de seize voix, héritage de la polychoralité italienne, propose une dispersion des choristes en quatre parts égales en divers espaces de l’église. Une composition qui témoigne du long séjour en Italie de Charpentier, et notamment à Rome.
Ici, deux choeurs sont situés sur la scène, face à nous, tandis que les deux autres sont installés dans la nef de chaque côté du public accompagnés d’une poignée de musiciens. L’effectif instrumental est complété de deux orgues positifs positionnés aux deux extrémités de la scène. Pour l’apprécier au mieux, l’idéal est de se situer au carrefour de ces quatre choeurs.
Dès le Kyrie l’effet est saisissant ! Les croisements entre les voix, les interventions des choeurs, ensemble ou en alternance, ou les tutti enveloppant totalement l’auditeur révèlent les trésors d’ingéniosité du compositeur (extraordinaires pour l’époque). Et notons que cela produit encore aujourd’hui un effet bluffant sur l’auditeur ! Dans le sensible et émouvant Christe qui suit, seuls les deux choeurs sur la scène centrale sont à l’oeuvre, avant la reprise du Kyrie par l’ensemble de l’effectif, d’une sincère profondeur.



Outre les choeurs et les instruments, cette messe laisse place à de beaux soli où chaque tessiture se voit attribuer un instant pour briller. De plus, en fonction des parties de la messe, seule une catégorie de voix entame le chant, on pense aux sopranos dans le Gloria, dont la fin atteint un apogée de virtuosité. L’interprétation précise et diaphane de l’ensemble Correspondances réussit à nous happer vers un étourdissant sommet musical.
Le Credo surprend par les inventivités dans le jeu de la polychoralité, tandis que le Sanctus, porté par un canon d’une belle précision, sera un temps fort de cette messe. De manière générale l’alternance entre tutti impressionnants et soli remarquables dessine le relief d’un ouvrage hors norme, rendu lisible grâce à l’attention portée à la scansion de la mesure et au texte.
En seconde partie, l’ensemble donne In Honorem avec le recours aux timbales et trompettes dans une disposition différente des musiciens et du choeur (femmes à gauche et hommes à droite, au fond) cette fois-ci concentrés sur la scène, les violons étant debout sur la gauche. Le premier orgue positif se situant au centre de l’espace et le second à droite. Hormis un léger décalage entre le soliste basse et l’orchestre sur Effundam indignationem meam, cette pièce sera un excellent prélude au majestueux Te Deum. Sur un rythme très allant, ce dernier évolue sans s’appesantir et nous permet de profiter des timbres vocaux des différents pupitres lors de solo, duos ou trios. Passées les huit premières mesures du prélude – rendues célèbres par les génériques de télévision – le Te Deum offert par Sébastien Daucé avance sans maniérisme ou excès de grandiloquence et en restitue l’éclat grâce à une direction précise. Une mention spéciale au choeur et à Violaine Le Chenadec, dessus, Antonin Rondepierre, taille, Renaud Bres et René Ramos Premier, basses, qui ont su défendre le texte avec brio.
Même si Marc-Antoine Charpentier n’a jamais été maître de chapelle à Versailles, ses oeuvres ont aujourd’hui trouvé toute leur dimension au coeur de ce monument emblématique !