Le pianiste Maxence Pilchen était de retour à la salle Gaveau mardi 4 juin dans un récital Mozart, Soler, Chopin et Liszt. Un programme livré sans esbroufe oscillant entre intériorité et virtuosité.
Nous avions assisté à un remarquable récital du pianiste en cette même salle en 2016, intitulé Beethoven et le romantisme. La Sonate n°21 op.53 « Waldstein », admirablement conduite, les 17 Variations Sérieuses op.54 de Mendelssohn ou la Grande Polonaise Brillante précédée d’un Andante Spianato op.22 de Chopin, avaient été fortement applaudies. Les 24 Préludes op.28 du compositeur polonais, son répertoire de prédilection, ont d’ailleurs fait l’objet de son premier disque très inspiré et aux couleurs inédites, paru chez Paraty en 2015. Ses maîtres ? Bernard Ringeissen, Janusz Olejniczack, et Byron Janis, avec qui le jeune pianiste se produisit en 2015. Ajoutons à cela la présence régulière de Maxence Pilchen au Festival Chopin de Nohant.
Chopin, il en sera donc de nouveau question ce soir, dans la Ballade op.52 et la Polonaise op.53 mais avant cela le voyage débutera avec des pièces moins ambitieuses telle que la charmante Sonate KV330 de Mozart. À la fausse simplicité des deux premiers mouvements, exécutés ici avec sobriété (peut-être un peu trop !) et équilibre – notons par ailleurs l’attention portée aux moindres détails de la partition – succède un brillant Allegretto au phrasé captivant.
Ce sera ensuite un clin d’oeil ibérique avec la Sonate R15 d’Antonio Soler, une œuvre inventive que le pianiste a su rendre tout à fait grisante.

Puis le pianiste s’attaque aux “choses sérieuses” ! Il faut dire que l’on attendait surtout le musicien dans son répertoire fétiche et notamment dans la Ballade op.52 de Chopin. Une nouvelle fois, Pilchen ne déçoit pas.
Les mesures introductives nous plongent dans l’atmosphère apaisée de cet opus. Suivra le souffle de la mélancolie et de la passion décuplé par la puissance expressive de l’oeuvre. Le pianiste accorde une égale attention aux passages sereins, propices à une intimité musicale, et aux vents impétueux des sentiments dévorant tout sur leur passage. Même impression dans la redoutable Polonaise op.53 où Maxence Pilchen déjoue gammes, arpèges ou octaves pour dégager l’essence du texte, sans surjouer les effets. L’ostinato dans le trio central, impeccable de rigueur, laissera plus tard la place au retour triomphant du premier thème. Une conclusion effervescente.
La méditative Bénédiction de Dieu dans la solitude S. 173/3 de Liszt extraite des Harmonies poétiques et religieuses constitue la suite du programme. Le pianiste instaure un climat contemplatif où éloquence, recueillement et poésie ne font qu’un. Par l’utilisation de couleurs variées comme autant de reflets de l’âme, Maxence Pilchen entretient cette atmosphère éthérée jusqu’à l’évanescence finale.
Enfin, enchaînement diabolique avec la première Méphisto Valse de Franz Liszt d’une étourdissante maîtrise, virtuose, à l’instar de son Chopin. Une prestation une nouvelle fois saluée chaleureusement par le public, et à juste titre : le pianiste, déjà doté d’une grande maturité, réussit à livrer le sens profond de ces chefs-d’oeuvre tout en éclipsant la présence de l’interprète.