La rotonde de Longueville
La rotonde de Longueville © Franck Jaillard

Inventio pose ses valises au Musée vivant du chemin-de-fer de Longueville

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Samedi 10 septembre, à l’occasion du festival Inventio, le quintette Solstice jouait pour la première fois en public, dans ce lieu insolite de Seine-et-Marne. La soirée, sur le thème du voyage, conjuguait musique et littérature. Nous y avons assisté.

Inventio poursuit son itinérance à travers la Seine-et-Marne et au-delà. Dirigé par Léo Marillier, le festival fait escale au coeur de la rotonde du Musée vivant du chemin-de-fer de Longueville. Avec ses nombreuses locomotives et wagons, c’est un voyage au coeur du passé ferroviaire qui est ici offert aux visiteurs. La rotonde, où nous attendent les artistes, figure même à l’inventaire des Monuments Historiques. Au centre, un pont tournant de dix-huit voies, favorisait les changements de locomotives. 

La scène va se jouer devant l’une d’entre elles à l’aspect rutilant, témoin de la ligne Paris-Calais. Celle-ci illustre parfaitement le thème de la 7ème édition du festival : Notes de voyage.

Un quintette est né

Le Quintette Solstice, vous connaissez ? Probablement pas puisqu’il s’agit de leur premier concert ! Fondé par le trompettiste André Feydy, lauréat des 1er Prix de trompette et de musique de chambre du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, l’ensemble se produit ce soir dans des pièces de Jean-Philippe Rameau, André Feydy et Domenico Scarlatti. A leurs côtés, le comédien Jacques Bonnaffé lit avec gourmandise des textes de l’époque des Lumières et de ses contemporains.

Rameau, et si c’était mieux à vent ?

Le pari du Quintette Solstice réside dans l’interprétation de la Suite en La de Rameau, arrangée par André Feydy, extraite des Nouvelles suites de pièces de clavecin. Comment restituer  toute l’intégrité de l’oeuvre pour clavier malgré l’usage d’autres timbres ? Le grand écart entre cordes pincées et instruments à vent peut sembler hasardeux… Au contraire, c’est une Suite en La dotée de nouveaux contours à laquelle nous avons pu assister. La rondeur et la profondeur des cuivres, leur puissance, leur éclat, projettent une partition roborative. Chaque partie, attachée à un timbre particulier, résonne donc de manière singulière. Il est surprenant de (re)découvrir une partition audacieuse – usage des quarts de ton, inventivité, chocs harmoniques, ornements – à travers l’usage des cuivres.      

Le quintette Solstice et Jacques Bonnaffé
Le quintette Solstice et Jacques Bonnaffé © Franck Jaillard

6 pièces courtes pour cuivres intitulées Fragments pour Rameau, composées spécialement par André Feydy, venaient s’intercaler entre les œuvres de Rameau et les Trois sonates de Scarlatti, rendues également dans un nouveau souffle étonnant. Le compositeur fait dialoguer les instruments et n’hésite pas à puiser son inspiration dans les codes du répertoire baroque. Les placements sont à géométrie variable : la corniste Marie Collemarre, ou les trompettistes Luc Rousselle et André Feydy se placent parfois en hauteur, à l’intérieur de la locomotive, offrant ainsi une nouvelle sensation acoustique. Ces Fragments apportent des respirations où l’on perçoit parfois l’utilisation de la basse obstinée ou la notion de “bataille” comme le précise le compositeur dans la note de programme. Le jeu sur l’intensité du son introduit par ailleurs une part de mystère qui concourt à la réussite de cette œuvre.

Ce spectacle ne serait pas ce qu’il est sans les interventions du comédien Jacques Bonnaffé qui convoque Céline, Chateaubriand, Eluard, mais aussi ses auteurs contemporains fétiches tels que Jean-Pierre Verheggen ou Valérie Rouzeau, en passant par d’irrésistibles textes picards. L’artiste, fil rouge de la soirée, joue avec les mots tel un acrobate, voire un funambule : quelques trous de mémoire font dérailler le cours de la soirée… L’acteur retombe toutefois sur ses rails grâce à son talent d’improvisateur hors-pair. Les mots fusent avec gourmandise, les rythmes claquent, les syllabes dansent, et le public se laisse emporter par ces textes évoquant le voyage. En résonance parfaite avec le thème du festival.

 

Rendez-vous pour le concert de clôture avec un récital pour violon seul de Léo Marillier le 17 septembre.

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