Chaise Dieu 2023 "le Concert Spirituel" H.Niquet

Le 57ème Festival de musique de la Chaise-Dieu : Haendel, Mahler et un embrasement de l’abbatiale !

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Inauguré le jeudi 17 août à la Cathédrale Notre-Dame de l’Annonciation du Puy-en-Velay, le 57 ème Festival de la Chaise Dieu s’est poursuivi jusqu’au 27 août, principalement dans le cadre somptueux de l’Abbatiale Saint-Robert de la Chaise-Dieu, mais aussi dans différents lieux des départements de la Haute-Loire et de la Loire, notamment à Brioude, Ambert et Saint-Paulien.

 

Il faut gravir les marches une à une pour mériter la montée au ciel et atteindre, enfin, la Cathédrale Notre-Dame de l’Annonciation où se donnait le tout premier concert du 57 ème festival de la Chaise-Dieu.

Au programme, un seul compositeur, mais non des moindres : Georg Friedrich Haendel (1685-1759).

C’est le versant disons « officiel » dudit compositeur qui a été choisi par Hervé Niquet à la tête de son Concert spirituel, chœur et orchestre, pour ce concert de pré-rentrée, le compositeur des hymnes et autres anthems.

Il est vrai que la tentation était grande de commémorer, comme en un clin d’oeil musical, le récent couronnement de Charles III d’Angleterre.

Ce premier concert, le jeudi 17 août, intitulé (…”of course”!) : God save the King ! se présentait en deux parties : le Te Deum dit “de Dettingen” (HWV 283), puis les Coronation Anthems.

Le concert débutait par le Te Deum composé à l’occasion de la victoire des armées anglaises sur les armées françaises le 27 juin 1743, lors de la Guerre de Succession d’Autriche…

C’est une pièce fort longue de laquelle émergent, par moments, la pâte du compositeur et la beauté de certains ensembles, notamment des chœurs d’hommes, qui jalonnent l’oeuvre.

Cette musique d’une raideur toute britannique – et très politique – ne convainc guère et finit par distiller un certain ennui, en dépit de la qualité irréprochable de l’interprétation du “Concert Spirituel”.

Festival de la Chaise Dieu 2023 © Le Concert Spirituel Hervé Niquet

Toute autre, et pour notre bonheur, se présente la seconde partie de ce concert : les Coronation Anthems où on retrouve le génie de Haendel, la puissante architecture des thèmes et ses célèbres marches harmoniques.

Les cinq pièces qui composent ces Coronation Anthems sont d’ailleurs régulièrement données en concert, plus fréquemment séparément, avec une indéniable préférence pour la première d’entre elles,  Zadok the priest (HWV 258).

La pompe est ici joyeuse, la célébration  vibrante d’enthousiasme – certains passages évoquent clairement “le Messie”. Cette musique nous emporte et nous touche aussi ; notamment dans la seconde pièce des Coronation: My heart is inditing (HWV 261) “Mon cœur tout vibrant de nobles paroles…” où la cérémonie fait place à la tendresse.

Un dernier clin d’œil à la monarchie britannique nous est donné par l’inévitable – et très belle – interprétation du God save the King ! qui n’a pas toutefois soulevé la fibre solennelle et/ou patriotique du public, dans lequel figuraient pourtant plusieurs sujets de Sa Majesté !

La beauté des voix et des instruments sous la direction éclairée d’Hervé Niquet a été  totale, et se retrouve dans le dernier enregistrement du Concert Spirituel (chez ALPHA).

Festival de la Chaise Dieu 2023 © Mahler par l’ONDIF
(c) B.Pichène

L’intérêt incontestable du festival de la Chaise-Dieu réside aussi dans son approche plurielle de la musique classique.

En témoigne ce deuxième concert, le vendredi 18 août, — donné cette fois-ci à l’Abbatiale Saint-Robert de la Chaise-Dieu consacré à l’une des œuvres majeures de Gustav Malher (1860-1911), sa cinquième Symphonie, en do dièse mineur, créée en 1904.

Composée sur plusieurs étés du début du XXème siècle durant lesquels le compositeur avait pris l’habitude de faire une pause (!) de son activité de chef et de directeur de maison d’opéra, cette œuvre a été rendue célèbre par l’un de ses mouvements : le fameux Adagietto que Luchino Visconti a introduit dans son film légendaire Mort à Venise.

On distingue trois parties dans cette symphonie structurée en 5 mouvements. Les deux premiers mouvements constituent la première partie et les intitulés du compositeur sont parfaitement explicites : le premier est Trauermarsch : c’est donc une marche funèbre, le second Stürmisch bewegt et se traduit par “orageusement agité”.

C’est dire que  le tragique et la véhémence dominent dans les deux mouvements introductifs. Mais ce climat est soudainement aboli par le surgissement de l’Adagietto qui demeure dans une tonalité que l’on peut qualifier de funèbre : c’est la seconde partie de l’oeuvre.

Puis, troisième partie : place au sourire légèrement mélancolique du scherzo, et enfin, à la course à l’abîme du final.

L’interprétation de cette pièce a été confiée à l’Orchestre National d’Île-de-France, placé sous la direction de son directeur musical et chef principal américain Case Scaglione.(depuis la saison 2019/2020).

L’Adagietto a été proche de la perfection : tout en retenue, le chef a su éviter de surjouer cette plage bouleversante. L’orchestre a merveilleusement restitué cette pièce au caractère hypnotique.

En revanche, réserve sur la première partie avec cette nette impression que l’on est passé à côté de la profondeur tragique des deux premiers mouvements.

La magnificence du son, la rigueur et la perfection technique incontestables de l’ONDIF ont été toutefois impuissantes à nous faire partager le tragique qui parcourt toute l’oeuvre de Mahler, et qui, singulièrement, traverse les deux premiers mouvements de cette symphonie. Impression d’être passé à côté du sens, au profit du son. Ces mouvements ont beau être chacun à leur manière explosifs, ils n’en sont pas moins intérieurs.

Par bonheur, le scherzo dansant, plus heureux que grinçant, et le Rondo allegro final (les deux mouvements sont enchaînés) concluent puissamment cette œuvre majeure, et parachèvent de confirmer l’excellence de cet orchestre.

Comme un écho aux fracas mahlériens, un feu d’artifice embrase l’abbatiale sous les applaudissements nourris de la foule des mélomanes.

 


57ème FESTIVAL DE MUSIQUE DE LA CHAISE-DIEU

Jeudi 17 août, 21h

Cathédrale Notre Dame de l’Annonciation, le Puy-en-Velay

“GOD SAVE THE KING”!

G.F. HAENDEL

“DETTINGEN TE DEUM” HWV 283

“CORONATION ANTHEMS”

“Zadok the priest”

“My heart is inditing”

“Let thy hand be strengthened”

“The King shall rejoice”

“GOD SAVE THE KING!”

Le Concert Spirituel

François Saint-Yves, orgue positif

Hervé Niquet, Direction

Vendredi 18 août, 21h

Abbatiale Saint-Robert, la Chaise-Dieu

Symphonie no.5 en do dièse mineur

Orchestre National d’Ile de France

Case Scaglione, Direction

Les années au Barreau, où il a été notamment actif dans le domaine des droits de l'homme, ne l'ont pas écarté de la musique, sa vraie passion. Cette même passion le conduit depuis une quinzaine d'années à assurer l'animation de deux émissions entièrement dédiées à l’actualité de la vie musicale sur Fréquence Protestante.

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