“La grandeur d’une nation
n’est pas dans le nombre de ses millionnaires,
mais dans la façon dont elle traite les plus faibles.”
Bernie Sanders
Marc Nammour, artiste en résidence à Royaumont jusqu’à 2018, nous amène en voyage dans le 99, le département fantôme de la France, celui de “toutes les couleurs, latitudes, confessions”.
Quitter son pays, quelle que soit la raison, n’est jamais facile.
On remplit des valises de vêtements, d’objets, de rêves. On dit au revoir, en cachant les larmes pour ne pas attrister ceux qui restent.
On se met en chemin et on avance sans regarder en arrière, on pense au futur qui nous attend, aux gens que l’on rencontrera, aux opportunités que l’on trouvera.
De temps en temps on ralentit, on regarde en arrière, on pense à ceux qu’on a laissés, on pense à la partie de nous que nous laisserons là-bas, car finalement, nous y serons toujours attachés.
On débarque donc dans le pays étranger, poussé par la volonté de réussir, l’envie de créer un nouveau chez soi, de tisser des liens, de se sentir à la maison. Malheureusement la réalité de l’immigration n’est pas si simple, même quand on parle la langue du pays qui nous accueille. En face de soi on retrouve des murs et pas uniquement ceux en béton des cités.
Dans 99, son nouveau spectacle musical créé cet été au Festival d’Avignon, Marc Nammour raconte ainsi son arrivée en France et s’interroge sur les questions de migration et d’identité.
Entre terrorisme islamique et déplacements de masse vers l’Europe, le sujet est particulièrement délicat, et le musicien franco-libanais se sent bien évidemment très interpellé.

L’artiste, en résidence à Royaumont jusqu’à 2018, nous amène en voyage dans le 99, le département fantôme, celui qui réunit “toutes les couleurs, les latitudes et les confessions”, en commençant par se présenter lui-même : lui, l’autre, le non-français, l’arabe, le musulman. Il parle de ce jeune libanais né sous les bombes, de son arrivée en France, du milieu scolaire, du béton de la cité, du ghetto, du racisme ambiant.
La musique suit ses paroles, elle nous fait voyager dans la chaleur du désert, nous fait marcher sous le soleil, entre mélancolie et tension, la flûte bansuri de Rishab Prasanna est soudaine et aigüe comme un cri. Les sons électroniques mixés par Lorenzo Bianchi Hoesch nous enveloppent à 360°, en contribuant à créer des paysages (extérieurs comme intérieurs) très réalistes.
Nammour souligne la difficulté d’intégration que vivent les étrangers en France, il montre avec beaucoup d’humanité l’autre côté de la médaille, cette réalité que l’on ignore ou que l’on fait semblant de croire qu’elle n’existe pas.
La force de son indignation est qu’elle ne tombe ni dans un victimisme stérile, ni dans le repli, mais cherche plutôt à élargir le contexte à la société entière et à ses contradictions.
Il trouve ainsi des points communs entre le département 99 et un autre 99, le pourcentage d’habitants de la planète dont le patrimoine est inférieur au restant 1 % (selon un rapport de l’Oxfam publié en janvier 2016).
Il va jusqu’à paraphraser le candidat aux primaires américaines Bernie Sanders, dont le programme politique était centré sur l’égalité et la justice sociale, s’intéressant à tous les citoyens : les travailleurs, les étudiants, les retraités, les pauvres, les afro-américains, les hispaniques, les asiatiques, les amérindiens.
Marc Nammour nous invite donc à nous reconnaître les uns les autres, à comprendre que le peuple, partout dans le monde, a les mêmes soucis et les mêmes besoins. Comme quoi, finalement c’est l’« étranger » qui vient nous rappeler ces valeurs d’égalité et de fraternité qui fondent notre République, et que nous nous devons de protéger à tout prix, contre l’ignorance et la barbarie.