À l’approche de Noël, Classicagenda a assisté à une représentation de l’Oratorio de Noël BWV 248 de Jean-Sébastien Bach, au Konzerthaus de Fribourg, avec le célèbre Freiburger Barockorchester.
La représentation du 23 décembre était supposée être le point culminant d’une tournée en Allemagne et aux Pays-Bas. Hélas, le confinement annoncé par le gouvernement néerlandais a entraîné l’annulation de plusieurs concerts et les nouvelles restrictions sanitaires allemandes ont contraint l’orchestre à jouer devant une salle à moitié pleine. Afin de ne refuser aucun auditeur, l’orchestre a divisé l’oratorio en deux, les trois premières cantates constituant le premier concert (auquel Classicagenda a assisté), et les trois dernières cantates le second.



Le chef d’orchestre invité, Peter Dijkstra, s’est imposé comme l’un des principaux interprètes des grandes œuvres chorales de Bach. Dans le chœur d’ouverture peu de chefs sont capables de retarder l’accent du triple mètre jusqu’à la deuxième mesure pour donner à la phrase une légèreté dansante : « Jauch-zet, froh-lock-et ! » (« Exultez, réjouissez-vous ! »). Sous sa direction, le Nederlands Kamerkoor chante avec nuances et une grande clarté de diction. Dijkstra a maintenu un équilibre entre les voix, mettant en valeur le contrepoint dans des mouvements tels que « Ehre sei Gott in der Höhe » (« Gloire à Dieu dans le firmament ») ou « Herrscher des Himmels, erhöre das Lallen » (« Souverain des cieux, écoute nos murmures »), ce dernier air soutenu par la brillance du trompettiste Jaroslav Rouček.



Dijkstra a également un sens clair de la structure, prenant soin de varier les retours des sections da capo. Dans les parties éclatantes avec chœur, il commence par un mezzo forte plutôt détendu, ce qui lui permet de renforcer le volume et l’énergie à la répétition, pour conclure le mouvement avec brio. Avec le même souci de structure, il commence la Sinfonia qui ouvre la deuxième cantate plus vigoureusement que d’autres chefs d’orchestre pour créer un contraste avec le pianissimo feutré de la conclusion de la Sinfonia.
Cette attention aux nuances est partagée par la soliste alto Wiebke Lehmkuhl, dont les notes douces et soutenues sont à couper le souffle, en particulier dans ses airs « Schlafe, mein Liebster, genieße der Ruh » (« Dors, mon chéri, jouis de ton repos ») dans la deuxième cantate et « Schließe, mein Herze, dies selige Wunder » (« Retiens, ô mon cœur, ce divin miracle ») dans la troisième cantate. Dans ce dernier air elle est rejointe par le violon solo Péter Barczi, dont le jeu expressif fut l’un des points forts du concert. Le ténor Hugo Hymas, interprétant l’Évangéliste, chante avec une diction claire et un timbre agile et léger, particulièrement dans l’air mélismatique « Frohe Hirten, eilt, ach eilet » de la troisième cantate, accompagné par le jeu sinueux de Daniela Lieb au traverso. Les autres solistes vocaux, la soprano Kateryna Kasper et la basse Konstantin Krimmel, sont également agréables, même si leurs voix se projetaient moins bien dans la vaste salle du Konzerthaus de Fribourg.