L'équipe du Paris Clavecin Festival © DR
L'équipe du Paris Clavecin Festival © DR

Premier Paris Clavecin Festival : rencontre avec ses créateurs

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Héléna Delmas-Pastor, Jean-Lin Frossard-Thomé, Damien Naud et Violette Viannay, terminent un master d’Administration et Gestion de la Musique dispensé à l’Université Paris-Sorbonne. Le Paris Clavecin Festival, qui se tiendra à la Sorbonne et au Musée de la Musique de la Cité de la Musique – Philharmonie de Paris, les 23, 24 et 25 juin prochains, est né dans leur contexte universitaire et tend à mettre à l’honneur cet instrument qui, selon eux, est encore peu ou mal connu aujourd’hui.

 

Le Paris Clavecin Festival va se dérouler en grande partie à la Sorbonne, dont l’équipe organisatrice est issue. Pourriez-vous nous parler de votre équipe et de la place de cette université au sein de l’événement ?

Violette – En effet, le lieu du festival est en étroite corrélation avec notre équipe et l’origine de ce projet ! Nous sommes tous les quatre étudiants à la Sorbonne et nous finissons actuellement un master professionnel d’Administration et Gestion de la Musique inscrit dans les parcours de l’UFR de Musique et Musicologie de notre Université. Un des cours dispensés dans cette formation, intitulé “Gestion de projets en musique vivante”, devait nous permettre, dans un contexte de professionnalisation, de réaliser un projet afin d’aborder toutes les étapes de production de ce type d’événements et de toucher aux spécificités économiques, juridiques et sociales du secteur. Nous disposions d’un an et demi pour lancer ce projet que nous avions, dès le début, à cœur de concrétiser. Pour saisir cette opportunité offerte par notre formation, nous souhaitions tous monter un projet dont le format existait déjà sur le marché de la musique vivante, ce qui nous permettait de mettre en avant les compétences acquises au cours de ces années d’études, que ce soit en administration, en gestion, en production ou en communication.

Héléna –  Le format du festival nous paraissait relativement réalisable en matière de temps. Partant de là, nous avons opté pour un instrument soliste, le clavecin, qui permettait de rassembler des artistes de qualité. Dans un premier temps, il s’agissait pour nous, de trouver un lieu qui disposait d’un cadre et d’une acoustique propices à la valorisation de cet instrument. Notre université et l’Académie de Paris disposent de plusieurs très beaux amphithéâtres, certains d’entre eux sont même classés. De nombreux interprètes étaient déjà passés sur la scène de l’amphithéâtre Richelieu, salle qui accueillera certains des artistes de notre festival. Nous nous sommes donc rapprochés du Service Culturel de l’Université, afin d’évaluer le potentiel réalisable de ce projet dans les murs de la Sorbonne. En parallèle, il s’agissait de repérer des organismes internes qui pouvaient nous apporter un soutien financier, car nous avions conscience, dès le départ, que ce projet très ambitieux serait relativement coûteux.

Damien – Coûteux, parce qu’il était question, dès l’origine du projet, de mettre en avant des artistes de renom, tel que Pierre Hantaï, qui a tout de suite été associé à notre projet. Pour sortir des formats classiques, nous avons souhaité donner un axe scientifique à notre projet en mettant en avant, la recherche musicologique sur les répertoires de musique ancienne et plus spécifiquement du clavecin. Là encore, nous nous sommes tournés vers l’université et plus précisément, vers le Collegium Musicæ, instance qui regroupe plusieurs organismes de recherche en musicologie au sein de Sorbonne Universités. De là sont nés des partenariats avec l’Institut de Recherche en Musicologie (IReMus), le Musée de la Musique de la Cité de la Musique – Philharmonie de Paris, qui accueillera également, l’une des artistes du festival, Lillian Gordis, pour un concert-commenté, et enfin, le Pôle Supérieur de Paris Boulogne-Billancourt. Ce sont les raisons pour laquelle la Sorbonne occupe une place relativement importante dans ce festival.

Et pour quelles raisons avez-vous choisi de mettre en avant cet instrument ?

Jean-Lin – Cela faisait un moment déjà qu’on entendait parler d’une “jeune génération de clavecinistes”, qui commençait à être mise en avant sur certaines scènes parisiennes. Cette génération venait de remporter successivement des prix de concours. Il existe des festivals de musique ancienne qui se focalisent sur un instrument en particulier comme la biennale de la viole de gambe. Alors pourquoi pas un festival de clavecin ?

Damien – Et puis il faut quand même rappeler qu’à côté de sa fonction de “continuo”, le clavecin est également un instrument soliste. Son répertoire est très riche et cet instrument a su traverser les siècles et continue d’exister aujourd’hui. Il n’y a qu’à regarder le nombre d’ensembles de musique ancienne qui se sont constitués ces dernières années. Le clavecin continue toujours de fasciner le public et de nombreuses partitions restent à explorer. De plus, les musicologues continuent de travailler sur les manuscrits et ils n’ont pas fini de nous révéler tous les secrets que cachent les partitions.

Violette – Par ailleurs, en plus de cette “jeune génération de clavecinistes” et la richesse musicologique dont cet instrument dispose, on a tous en tête des noms d’interprètes piliers tels que Gustav Leonhardt, Scott Ross, Pierre Hantaï, etc. Quand on dit “clavecin”, on pense également au concours international de Bruges – Musica Antiqua –  et ses derniers primés que sont Jean Rondeau ou Justin Taylor.  Ces observations démontrent, à juste titre, que cet instrument a une légitimité dans le domaine de la musique vivante.

Justin Taylor, qui participera au Paris Clavecin Festival © Jean-Baptiste Millot
Justin Taylor, qui participera au Paris Clavecin Festival © Jean-Baptiste Millot

Quels sont les enjeux liés au clavecin aujourd’hui ? Et quelle est votre ambition par rapport à cet instrument ?

Jean-Lin – Comme expliqué précédemment, le clavecin n’est pas uniquement un instrument d’accompagnement. Et on ne peut pas dire qu’il y ait beaucoup de récitals. Il souffre, aujourd’hui encore, d’une image encore un peu désuète. Trop longtemps concurrencé par le piano roi, il a été totalement éclipsé durant la période 1830-1950. Après un regain d’intérêt chez des compositeurs contemporains comme Ligeti et la redécouverte du répertoire baroque, on voit aujourd’hui une nouvelle génération de clavecinistes qui portent l’instrument sur les scènes internationales mais également à la télévision. Cela montre non seulement que le clavecin est indispensable pour le jeu du répertoire baroque, mais qu’il tient aussi pleinement sa place dans l’offre des concerts de musique de chambre. Face à ce constat, il nous semblait indispensable de proposer une manifestation d’envergure dédiée à cet instrument.

Damien – Effectivement, on peut dire qu’aujourd’hui le clavecin souffre d’une image négative et que le piano lui fait de l’ombre. Combien de fois peut-on entendre le public de concerts confondre les deux instruments… L’idéal serait que le clavecin ne soit plus associé à quelque chose de “ringard” et pour un “public âgé”. C’est un instrument tellement attachant, intime, et qui dispose d’une grande palette expressive. C’est également un instrument aussi beau à écouter qu’à voir.

Héléna – D’ailleurs, nous vous invitons à venir écouter la conférence des musicologues Thomas Vernet et Florence Gétreau, le vendredi 23 juin après-midi à l’amphithéâtre Guizot de la Sorbonne, qui présenteront les décors de singerie sur les clavecins.

 

Le grand claveciniste Pierre Hantaï sera le parrain de cette première édition et y donnera une master class. A qui s’adressera-t-elle et comment se déroulera-t-elle ?

Jean-Lin – Cette master class est adressée à des clavecinistes en fin de formation. Elle se tiendra à l’amphithéâtre Richelieu, le samedi 24 juin au matin. Le programme de ces jeunes musiciens est libre et cette master class correspond à notre volet pédagogique. Elle est accessible gratuitement à chacun parce qu’il nous a semblé important d’offrir la possibilité au public d’assister à cette transmission de technique et de savoir.

 

Au Paris Clavecin Festival, de jeunes talents et des artistes confirmés se côtoieront. Comment avez-vous choisi les musiciens invités et quels compositeurs figureront au programme ?

Héléna – Pierre Hantaï nous a apporté son aide dans l’élaboration d’une programmation riche et attrayante en mettant en avant, Justin Taylor, et un ensemble de musique de chambre, l’Ensemble Stylus Phantasticus qui rassemble la violiste Frederike Heutmann, le claveciniste Dirk Börner et le violoniste Pablo Valetti. Lillian Gordis est aussi étudiante à la Sorbonne et c’est dans ce contexte que nous avons souhaité l’intégrer. Pour ce qui est du choix des oeuvres, nous avons laissé les artistes construire leur programme, afin de proposer quelque chose d’authentique au public.

Violette – Lillian Gordis a concocté un concert-commenté intitulé « Un clavecin mal et bien tempéré : une histoire sociale » que vous pourrez découvrir au Musée de la Musique le dimanche 25 juin au matin. Justin Taylor nous a proposé un programme autour de pièces de Rameau, d’Antoine et Jean-Baptiste Forqueray. L’Ensemble Stylus Phantasticus interprétera des oeuvres de Buxtehude, Krieger et Schmelzer. Quant à Pierre Hantaï, son programme s’articulera autour de pièces de Bach, Couperin, Purcell et Rameau.

 

Quels objectifs vous êtes-vous fixés pour cette première édition prometteuse ?

Héléna – Rendre cet instrument accessible au plus grand nombre !
Jean-Lin – Redorer son image et notamment auprès du jeune public !
Damien –  Redécouvrir ses spécificités par les activités diverses que l’on propose !
Violette – Valoriser son répertoire et l’histoire qui lui est due !

 

Et quelle est votre vision pour les prochaines années ?

Héléna – Il faut admettre que le secteur du spectacle vivant n’est pas très propice au développement de ce type d’activités. Dans un premier temps, nous verrons si cette première édition est reçue avec succès.
Jean-Lin – Si nous arrivons à répondre aux objectifs que nous nous sommes fixés, pourquoi pas refaire une deuxième édition ?
Damien – Cela serait important, ne serait-ce que pour la valorisation du patrimoine musical…
Violette – … et de la recherche ! Si cette première édition répond à nos ambitions et aux attentes du public, nous serons ravis de pérenniser le Paris Clavecin Festival.

 


Édition parrainée par Pierre Hantaï et réalisée avec le soutien de Sorbonne Universités, du Collegium Musicæ, de l’Institut de Recherche en Musicologie – IReMus -, de l’UFR de Musique et Musicologie, du Service Culturel et de la commission FSDIE de l’Université Paris-Sorbonne, de Sorbonne Music Managers, du fonds mecenARP et de la Cité de la Musique – Philharmonie de Paris.

Vendredi 23 juin 2017

14h00 > 17h00 : Conférences musicologiques – Sorbonne, Amphithéâtre Guizot
– Chloé Dos Reis – Du clavecin dans nos oreilles : réceptions et perceptions
– Florence Gétreau & Thomas Vernet : les décors de singeries
– Jeanne Jourquin – Les parodies de pièces de clavecin
19h30 : Récital, Pierre Hantaï – Sorbonne, Amphithéâtre Richelieu

Samedi 24 juin 2017

09h30 > 12h30 : Master class publique, Pierre Hantaï – Sorbonne, Amphithéâtre Richelieu
17h00 : Récital, Justin Taylor – Sorbonne, Amphithéâtre Richelieu
20h00 : Concert, Ensemble Stylus Phantasticus – Sorbonne, Amphithéâtre Richelieu

Dimanche 25 juin 2017

11h00 : Concert-commenté, Lillian Gordis – Musée de la Musique, Cité de la Musique – Philharmonie de Paris

Réservations et informations pratiques sur http://www.parisclavecinfestival.com

Soutenez le Paris Clavecin Festival sur Commeon : https://www.commeon.com/fr/projet/paris-clavecin-festival-1#OR

Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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