Eva Zaïcik et Le Consort
Eva Zaïcik et Le Consort © Le Consort

Cantates dramatiques avec Eva Zaïcik et Le Consort

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Le jeudi 20 octobre, les Moments Musicaux des Alpes Maritimes ont inauguré leur saison de musique ancienne à la Cathédrale Sainte-Réparate à Nice par un concert de la mezzo-soprano Eva Zaïcik et l’ensemble Le Consort.

 

Le programme présentait la musique du disque que l’ensemble a enregistré pour Alpha en 2019.  Intitulé Venez chère ombre, ce disque est l’une des meilleures compilations récentes de cantates françaises. Celles-ci sont des œuvres profanes, assez courtes, consistant généralement en quelques airs sur un thème mythologique ou galant. Comme l’a expliqué au public le claveciniste et directeur de l’ensemble Justin Taylor, la cantate était une des meilleures manières de distiller l’essence de l’opéra pour un public de salons aristocratiques, car ce genre ne nécessitait que peu de musiciens et aucun décor ni costumes. La cantate française fut extrêmement populaire en son temps — quelque 1500 cantates furent composées — mais le genre fut éphémère, disparaissant vers 1740.

Ce répertoire est difficile à interpréter de manière convaincante et l’on peut imaginer qu’entre les mains d’interprètes de moindre qualité, la soirée aurait été fastidieuse. Or, les interprètes du Consort ont insufflé à cette musique une grande passion, créant de magnifiques moments concentrés d’intensité dramatique.

Le talent artistique et le professionnalisme du Consort sont remarquables. N’est-il pas rare d’entendre un ensemble baroque qui n’accorde pas leurs instruments une seule fois en public pendant les 90 minutes du programme ? La violoniste Sophie de Bardonnèche a entraîné le second violon Roxana Rastegar, la gambiste Louise Pierrard et le claveciniste Justin Taylor dans un jeu complice dans lequel les musiciens répondaient au chant d’Eva Zaïcik dans ses moindres détails. Les quatre instrumentistes ont présenté quelques-unes des plus belles découvertes de la soirée : trois sonates en trio de l’injustement méconnu Jean-François Dandrieu (1682-1738) contenant des adagios langoureux et des gigues vives dans un style fugato. L’opus 1 n° 4 était particulièrement réussi, avec son dernier mouvement pianissimo, entièrement en pizzicati.

Eva Zaïcik
Eva Zaïcik © Eva Zaïcik

Eva Zaïcik a livré une performance somptueuse, avec une large palette de couleurs. Son registre grave était particulièrement beau dans les airs « J’attendrai la mort » dans Andromède de Louis-Antoine Lefebvre (vers 1700-1763) et « Dieux des mers » dans Léandre et Héro de Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749). Son effet de morendo sur l’ultime mot « repos » dans la cantate La Bergère de Montéclair était impressionnant. Elle a récompensé le public heureux et enthousiaste par un bis éclatant : l’air de la colère « Se lento ancora il fulmine » de l’opéra Argippo de Vivaldi.

Jacqueline Letzter et Robert Adelson, historienne de la littérature et musicologue, sont les auteurs de nombreux livres, dont Ecrire l'opéra au féminin (Symétrie, 2017), Autographes musicaux du XIXe siècle: L’album niçois du Comte de Cessole (Acadèmia Nissarda, 2020) et Erard: a Passion for the Piano (Oxford University Press, 2021). Ils contribuent à des chroniques de concerts dans le midi de la France.

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