Lucile Richardot accompagnée par l’ensemble Correspondances © Royaumont
Lucile Richardot accompagnée par l’ensemble Correspondances © Royaumont

Perpetual Night à Royaumont : à la lueur du répertoire anglais

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Samedi 22 septembre, le festival de Royaumont offrait une soirée dédiée au répertoire anglais du XVIIème siècle, si méconnu. La voix de Lucile Richardot, teintée de mélancolie et accompagnée par l’ensemble Correspondances, nous a emportés avec volupté.

Quel meilleur prélude au concert Perpetual Night que le parcours qui mène le visiteur de l’entrée de l’abbaye au réfectoire des moines tout en longeant le plan d’eau endormi. A Royaumont, la nuit semble toute puissante.

Ô puissant Morphée, que tes charmes Plongent tout l’univers dans les bras du sommeil”, tiré de la chanson de William Webb Powerful Morpheus semble décrire l’air des lieux.

Lucile Richardot accompagnée par l’ensemble Correspondances
Lucile Richardot accompagnée par l’ensemble Correspondances © Royaumont

Sébastien Daucé et son ensemble Correspondances, sur scène avec l’alto Lucile Richardot, proposent ce soir une mise en scène légèrement différente de la version prévue. En effet, l’acoustique du réfectoire ne pouvant répondre correctement aux attentes de la mise en espace, les artistes resteront sur scène.

Care-charming sleep de Robert Johnson constitue la première oeuvre d’un programme entièrement empreint de mélancolie et dont la mise en scène sert le chant. Tout au long du concert, les gants rouges de la chanteuse Lucile Richardot captent le regard et font partie intégrante du spectacle, tel un prolongement kinesthésique du chant.

“Dans cette sélection d’oeuvres, on retrouve les ingrédients de l’opéra anglais, des pièces au caractère théâtral” confiait Sébastien Daucé en mars au sujet de son album éponyme “Perpetual Night”. Pour monter ce programme le chef a exhumé des manuscrits des bibliothèques de Londres et Oxford, sélectionnant des oeuvres méconnues situées entre Download et Purcell.

La douceur de la première oeuvre du récital contraste avec la tristesse plus marquée de Whiles I this standing lake de William Lawes :

Cesse, Hylas, cesse tes cris ! Ainsi gémissais-tu au moment de partir,
Ainsi soupirais-tu pour moi seul, Lorsque, dédaigné, tu tombas.

 

Lucile Richardot
Lucile Richardot © Royaumont

Plus tard, la harpe d’Angélique Mauillon introduira avec tendresse Powerful Morpheus de William Webb. Cette pièce traduit avec intensité les charmes de la nuit et les pouvoirs de Morphée :  “Par tes suaves mélodies, Berce chaque mortel jusqu’à ce qu’il s’endorme”… et de l’amour : “Car les amants, au sein de voluptés secrètes, Désirent que la nuit dure éternellement”.

Les deux autres protagonistes de la soirée, les chanteurs René Ramos Premier et Maxime Saïu, font une entrée remarquée avec Music, the master of thy art is dead de William Lawes, un trio vocal accompagné par la viole.

Comment ne pas être aussi touché par Loving above himself de John Blow, en particulier lors de ces instants enchanteurs où la voix de Lucile Richardot ne fait plus qu’une avec les violes… On notera aussi les délicates ornementations vocales dans Give me my lute de John Banister.

Par ses regards, son timbre riche et maîtrisé, sa présence – qui laisse tout de même toute sa place à l’épanouissement de la musique – Lucile Richardot semble bien avoir conquis le coeur du public.

Autre oeuvre du même compositeur, Amintas, où la complainte d’un amant au coeur brisé est cette fois-ci incarnée par le murmure des chanteurs et des musiciens.

Finalement, au fil de ce récital, on a pu découvrir la richesse de la musique anglaise du XVIIème siècle, ses formes, son inventivité, sa sensibilité, influencée par les échanges artistiques entre la France et l’Angleterre, ainsi que par les mouvements politiques des souverains. Un répertoire portant en filigrane les prémices des semi-opéras…

 


Cette soirée s’inscrivait dans le cadre de la journée “Angleterre intime et mélancolique” où l’on a pu entendre le talentueux jeune ensemble Cosmos dans un programme “Of grief and divine” (De la douleur et du divin), musique anglaise sacrée du XVIIe siècle.

 

Sa passion pour la musique classique provient de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass. Attiré très tôt par le journalisme, il écrit ses premiers textes pour le quotidien régional Sud-Ouest Dordogne. En 2016, il rejoint l’équipe de Classicagenda en tant que rédacteur, et publie des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts ou albums. Il sera également invité au micro de la RTS pour parler du renouveau de la critique à l'ère digitale. Parallèlement, il mène une activité dans le domaine de la communication numérique.

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