Nicolas Buffe et Olivier Fredj ont mit en scène le Re Pastore de Mozart en version manga au Théâtre du Châtelet. Très curieux, nous sommes allés découvrir cette mise en scène insolite.
Parfois, même à l’opéra, des rencontres étonnantes peuvent avoir lieu.
C’est le cas de la nouvelle production de Il Re Pastore au Théâtre du Châtelet, où la musique de Mozart et les mélomanes parisiens se retrouvent à côtoyer Moebius, Leiji Matsumoto, Ulysse 31, Super Mario, Final Fantasy, Tron, Star Wars et même Charlie Hebdo !



Des icônes de dessins animés, bandes dessinées et jeux vidéos, qui ont marqué les trentenaires d’aujourd’hui, ont servi d’inspiration à Nicolas Buffe, qui a conçu visuellement cette production de l’opéra de Mozart. Poussé par l’envie d’assimiler cette prétendue sous-culture, qui le fascine manifestement, à l’univers de l’opéra, le plasticien est convaincu d’attirer ainsi un public de jeunes.



L’intrigue de cet opera seria se développe autour de la recherche du roi légitime du pays de Sidon par Alexandre le Grand. Aminta découvre être l’élu, mais renonce à ce rôle qui ne l’intéresse pas, au profit du noble Agénor et de Tamiri, fille de l’ancien roi. Il peut ainsi continuer sa vie de berger et épouser sa bien-aimée Élisa.



Si l’on pense que Mozart n’avait que 19 ans quand il composa Il Re Pastore, l’idée d’Olivier Fredj et Nicolas Buffe de le transposer au goût des jeunes du XXIe siècle, avec une distribution de jeunes chanteurs, est tout à fait cohérente. Aminta travaille donc dans une station de service spatiale et ressemble à Super Mario, Elisa est une humanoïde aux oreilles de lapin au look de cosplayer, Alessandro est un corsaire de l’espace à la chevelure blonde afro et à l’armure dorée, ses gardes sont des Power Rangers acrobates et Tamiri et Agenore chantent suspendus dans les airs.
La force et l’originalité de cette mise en scène se trouvent dans l’esthétique visuelle où les éléments virtuels (dessins et vidéos 2D et 3D) se mélangent et se superposent avec cohérence aux éléments physiquement présents sur scène (vaisseaux spatiaux, voitures, …).
La direction d’acteurs et la performance des acrobates, qui savent se faire discrets en animant les robots, virtuoses et même amusants (quand ils habillent et coiffent Alexandre), contribuent également à donner un rythme entraînant à cet opéra.



Soraya Mafi incarne de manière convaincante le modeste Aminta auquel les larges baskets rouges donnent un air un peu maladroit. Mais finalement il se révèle peut être le plus sage, en s’avouant comblé par son état de simple berger et nous émeut dans l’air L’amerò, sarò costante où il demande à Alessandro de le laisser épouser Elisa, une pétillante Raquel Camarinha qui, dès son entrée en scène sur un scooter rose, se montre légère et divertissante.
Cette jeune chanteuse à la voix brillante est versatile : elle sait à la fois s’élancer dans la virtuosité tout en se faisant chatouiller par des grandes mains robotiques, et montrer toute la profondeur de son personnage, avec l’air Barbaro! Oh dio mi vedi du deuxième acte.
L’Alessandro de Rainer Trost, à la voix puissante et ronde, mêle parfaitement autorité (Si spande al sole in faccia) et humour (Se vincendo vi rendo felici) en particulier dans ses interactions avec ses gardes. La voix séduisante de Marie-Sophie Pollak se prête parfaitement à une Tamiri sexy, aux habits moulants et aux talons aiguilles, et Krystian Adam réussit un Agenore touchant, tiraillé entre l’amour et le devoir (thème central du livret de Metastase).



L’Ensemble Matheus de Jean-Christophe Spinosi s’intègre parfaitement à ce plateau qu’il sait accompagner tout en rajoutant de l’élégance et de la poésie.
Si la légèreté et le divertissement marquent cette production, il y a également de la place pour le sérieux, quand Soraya Mafi, tenant en mains un Galaxie Hebdo, se rapproche du public et ôte son chapeau dans un touchant hommage aux victimes du 7 janvier…