© Johannes Brahms Gesellschaft Hamburg
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Le musée Brahms de Hambourg : une introduction à la vie et à l’œuvre du compositeur

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C’est à l’écart du centre de Hambourg, après s’être éloigné des quartiers commerçants proches de l’Alster (bassin du nom de la rivière, situé au cœur de la ville) que l’on découvre, en s’enfonçant dans les ruelles qui serpentent jusqu’au quartier de Neustadt, une autre facette de la ville, plus discrète.

Le musée Johannes Brahms est installé depuis 1971 au n° 39 de la St Peter Strasse, non loin de l’emplacement de la maison natale du compositeur qui fut détruite lors des bombardements de 1943. Cette rue paisible est proche de l’église luthérienne de St. Michaelis, dans laquelle Johannes Brahms fut baptisé le 26 mai 1833 et qui programme, chaque année en novembre, son Requiem allemand (Ein deutsches Requiem).

Arrivés au musée, vous croiserez, avec un peu de chance, une dame d’un certain âge, passionnée de Brahms et qui vous racontera, en allemand ou en anglais, le parcours du compositeur comme elle le ferait d’une histoire de famille…

La maison, voisine du musée Telemann, est une construction coquette en briques rouges qui date de 1751, typique des maisons de marchands de Hambourg. En franchissant le seuil, loin du bruit et de l’agitation de la ville, vous êtes invités à découvrir le parcours du compositeur dans le cadre douillet d’un intérieur hambourgeois, sur deux étages. Au rez-de-chaussée, consacré à la jeunesse de Brahms, les murs recouverts de panneaux de bois contribuent à l’atmosphère chaleureuse de l’endroit. Pour peu que vous arriviez au bon moment, vous aurez la chance d’entendre un enregistrement de Brahms qui vous accompagnera tout au long du parcours. Vous effectuerez alors votre visite dans un véritable cocon musical ! Un escalier en colimaçon vous conduira au premier étage, où vous découvrirez la bibliothèque du compositeur. Le piano de Brahms vous y attend…

Une jeunesse à Hambourg

Né le 7 mai 1833 dans une famille modeste, Johannes Brahms reçoit d’abord l’enseignement musical de son père (Johann Jacob Brahms, 1806-1872, corniste puis contrebassiste d’orchestre) puis, dès l’âge de 7 ans, s’oriente vers le piano, son instrument de prédilection, qu’il étudie auprès d’Otto F.W. Cossel. Trois ans plus tard, lors d’un premier concert, Brahms est remarqué par un agent artistique américain qui souhaite emmener le jeune prodige aux Etats-Unis. Otto Cossel, qui s’y oppose, demande alors à son propre professeur, Eduard Marxsen, de poursuivre la formation (piano et composition) du jeune Brahms.

Dès 1848, Brahms donne son premier concert de piano en solo et, alors qu’il a déjà une première expérience de la direction de chœur, se lance dans la composition de Lieder : il en écrira environ deux cents au cours de ses quarante années de composition. L’année suivante, il donne son deuxième concert.

 

1853, une année décisive dans la vie de Brahms

Fin 1852, Johannes Brahms fait la connaissance du violoniste hongrois Eduard Reményi (1828-1898) lors d’un passage à Hambourg. L’année qui suit, il entreprend avec le violoniste, de cinq ans son aîné, une tournée qui les conduira à Winsen, Lüneburg, Uelzen, Celle. Cette rencontre avec Reményi, qui a déjà voyagé en Europe, notamment à Londres, Paris et Vienne, ainsi qu’aux Etats-Unis, sera déterminante pour Brahms, lui offrant de nouvelles perspectives. Par son intermédiaire, Brahms fait la connaissance à Hanovre du célèbre violoniste, compositeur et chef d’orchestre Joseph Joachim (1831-1907) : c’est le début d’une solide amitié qui durera toute leur vie (la contralto Amalie Joachim, épouse du violoniste, sera plus tard l’une des interprètes favorites de Brahms dans le lied et l’oratorio). Successivement Konzertmeister de la Chapelle royale de Weimar sous la direction de Franz Liszt puis de celle de Hanovre de 1853 à 1866, Joachim fondera ensuite l’Ecole royale de musique de Berlin (Königliche Hochschule für Musik), qu’il dirigera jusqu’à sa mort.

Elève de Felix Mendelssohn, proche de Robert et Clara Schumann, Joachim introduit en 1853 Reményi et Brahms auprès de Franz Liszt à Weimar. Liszt espère voir en Brahms un représentant de la Nouvelle Ecole allemande (Neudeutsche Schule) et de sa musique à programme, vision que Brahms – qui décide d’interrompre brusquement son séjour à Weimar – ne partagera pas. Son chemin se sépare alors de celui de Reményi.

Retourné à Hanovre auprès de Joseph Joachim dont il reçoit les conseils, Brahms poursuit sa route dans les villes du Rhin, se familiarisant de plus en plus avec l’œuvre de Robert Schumann dont il partage l’approche musicale. Par l’intermédiaire de Joseph Joachim, Brahms se décide à lui rendre visite à Düsseldorf, Schumann a alors 43 ans. Enthousiasmé par Brahms qui selon lui « possède un naturel qui réunit romantisme (Sturm und Drang) et jeunesse », Schumann publie un article élogieux dans la revue Neue Zeitschrift für Musik sous le titre « Nouvelles voies » (« Neue Bahnen ») alors que Brahms n’a encore publié aucune œuvre. Schumann y qualifiera notamment les premières sonates de Brahms de « symphonies déguisées » conseillant très tôt au jeune prodige la composition pour orchestre. Hanté par l’héritage de Beethoven, Brahms, connu pour son perfectionnisme, n’abordera la symphonie que bien plus tard…

Schumann présente rapidement Brahms à son élève Albert Dietrich. Les trois musiciens composent ensemble cette même année la Sonate pour violon « Frei Aber Einsam » (d’après la devise romantique « libre mais seul »), dont les initiales correspondent aux notes fa (F), la (A), mi (E) et qui sera dédiée à Joseph Joachim.

Cette même année 1853, Johannes Brahms publie chez Breitkopf & Härtel (Leipzig) ses premières œuvres (sonate op.1 pour piano et Lieder op.3).

Le 27 février 1854, Robert Schumann est hospitalisé après une première tentative de suicide. Brahms se rend alors auprès de sa femme Clara – dont il restera proche toute sa vie – et de ses enfants, auxquels il dédiera ses quatorze Volkskinderlieder (« chants populaires pour enfants ») en 1858.

Clara Schumann, pianiste qui contribua à faire connaître les œuvres de Brahms, sera sans doute avec Elisabeth von Herzogenberg (élève de Brahms) la femme dont, dans une vie de célibat, Brahms sera le plus proche, soumettant régulièrement ses œuvres à son regard critique.

En novembre 1855, Brahms se produit pour la première fois en tant que soliste d’orchestre dans un concerto pour piano de Beethoven à Brême et Hambourg.

 

Les années 1857 à 1862 : du premier engagement à Detmold… à Vienne

Brahms est nommé en 1857 professeur de piano à Detmold à la cour de Leopold III dont il dirigera également le chœur jusqu’en 1859. Cette même année, il prend la direction d’un chœur de femmes (Hamburger Frauenchor), fonction qu’il occupera jusqu’en 1861. L’expérience de la musique chorale (débutée dès 1847 et qui se poursuivra également à Vienne) constituera dans la vie de Brahms un solide appui dans la composition de ses œuvres vocales.

Entre cette première résidence à Detmold (1857) et son voyage à Vienne (1862), Brahms composera de nombreuses œuvres instrumentales (dont les deux Sérénades op. 11 et 15, le Concerto pour piano n°1 en ré mineur op 15) et vocales. Ses œuvres vocales comporteront une grande diversité de formes (chant soliste, duos, quatuors…) à l’exception toutefois de deux d’entre elles : la musique d’oratorio (le Requiem allemand ne sera en effet terminé dans sa première version qu’en 1868) et l’opéra.

En 1859, Brahms interprète son premier concerto pour piano sous la direction de Joseph Joachim lors de sa création à Hanovre. L’œuvre recevra un accueil mitigé à Leipzig lors de sa seconde représentation et remportera la même année un franc succès à Hambourg.

En 1861, Brahms compose ses Variations et Fugue sur un thème de Haendel pour l’anniversaire de Clara Schumann.

 

1862 : le premier voyage à Vienne

En 1862, Brahms entreprend son premier voyage à Vienne, qui est alors la capitale européenne de la musique. Il entend s’y faire connaître en tant que pianiste et compositeur. A l’image de 1853, cette année 1862 marquera pour lui un important tournant dans sa vie et sa carrière. Le 16 novembre 1862, il fait sa première apparition publique puis donne son premier concert en soliste le 20 novembre dans l’ancien bâtiment de la Société des Amis de la musique de Vienne (un nouvel édifice, plus grand – actuel Wiener Konzerthaus – sera construit quelques années plus tard, entre 1867 et 1869).

Loin de Hambourg, qui lui refusera le poste de directeur musical de l’Orchestre philharmonique au profit du baryton et chef d’orchestre Julius Stockhausen (1826-1906), Brahms prendra, à Vienne, la direction de l’Académie de chant (Singakademie) jusqu’en 1864.

 

1868 : un Requiem allemand op. 45

En 1865, Brahms perd sa mère, alors âgée de 76 ans. Certains y verront un lien, mais pas le seul – le titre de l’œuvre ayant été, selon certains, inspiré d’un projet de Robert Schumann décédé en juillet 1856 – au thème du Requiem allemand composé à la mémoire des morts, en grande partie durant l’année 1866 lors de séjours en Suisse (Winterthur et Zurich) et à Baden-Baden. Très représentatif de Brahms, Un Requiem allemand est resté l’œuvre vocale la plus populaire du compositeur.

Composé entre 1857 et 1868, le Requiem allemand sera donné pour la première fois, et avec succès, le Vendredi Saint de cette même année dans la cathédrale de Brême sous la direction du compositeur. Brahms confiera la partie soliste au baryton Julius Stockhausen. Un cinquième mouvement sera composé ultérieurement (mai 1868) à la mémoire de sa mère et l’œuvre complète sera jouée, pour la première fois, à Leipzig, en février 1869, sous la direction de Carl Reinecke. Suivront des représentations à Bâle, Zurich, Karlsruhe, Münster, Cologne, Hambourg, Dessau… dans ce qui, pour la carrière de Brahms, fut une véritable percée.

Cette même année 1868, Brahms compose, à l’automne, ses Danses hongroises. Il travaille également à la composition des Liebeslieder-Walzer qui paraîtront en 1869. L’été 1869 il achève à Baden-Baden son unique cycle de Lieder (15) : Die Romanzen aus Ludwig Tiecks Schöner Magelone op. 33.

 

L’éloignement définitif de Hambourg

Brahms perd son père, dont il était très proche, en 1871, ce qui l’éloignera définitivement de sa ville natale de Hambourg. En 1872, il est nommé directeur artistique de la Société des amis de la musique (Gesellschaft der Musikfreunde) à Vienne, où il emménage dans ce qui sera sa dernière demeure. Brahms occupera cette fonction jusqu’en 1875.

En 1874, il entame une tournée de concerts en tant que chef d’orchestre pour faire connaître ses œuvres. Elle le conduira notamment au Gewandhaus de Leipzig, à Munich, Cologne… Malgré ce programme intensif de concerts, Brahms parvient, cette année-là, à composer des œuvres chorales, en grande partie lors d’un séjour à Zurich.

A la mi-septembre, Brahms rentre à Vienne où il prend, pour la troisième saison consécutive, la direction musicale de la Gesellschaft der Musikfreunde. Déçu de l’accueil réservé à sa programmation, il se retirera en fin de saison tout en restant membre honoraire de la Gesellschaft, témoignage de la reconnaissance qui lui est faite au sein de la vie musicale viennoise.

 

Vers la musique symphonique

A l’hiver 1875/76, Brahms entame une nouvelle tournée de concerts : il présente principalement ses propres compositions. Cette tournée l’amène notamment aux Pays-Bas, où il se fait de nouveaux amis et donne Ein deutsches Requiem ainsi que son premier concerto pour piano à Amsterdam.

L’été 1876, lors d’un séjour sur l’ile de Rügen, Brahms travaille à l’œuvre qui, de loin, lui demanda le plus de temps dans l’élaboration (1862-1876) : sa Symphonie n°1 en ut mineur qu’il terminera à Baden-Baden à l’âge de 43 ans. Elle sera créée le 4 novembre de la même année à Karlsruhe, avec beaucoup de succès, sous la direction d’Otto Dessoff. Le chef d’orchestre Hans von Bülow la caractérisera de « dixième symphonie de Beethoven ».

Lors d’un séjour estival à Pörtschach (Autriche), Brahms composera son Concerto pour violon op. 77 dédié à son ami virtuose Joseph Joachim. L’œuvre sera créée au Gewandhaus de Leipzig en décembre 1878 sous la direction de Brahms, où elle remportera un beau succès.

La Symphonie n°2 en ré majeur sera composée en 1877 et créée le 30 décembre à Vienne.

Brahms composera son deuxième concerto pour piano à Pressbaum près de Vienne en 1881. La création se tiendra à Budapest en novembre de la même année, avec Brahms au piano. Il le dédiera l’année suivante lors d’un concert à Hambourg à son professeur de piano Eduard Marxen.

Suivront la Symphonie n°3 en 1883 (créée à Vienne) et la Symphonie n°4 en 1885 (créée à Meiningen).

Brahms fera l’objet de plusieurs distinctions les années suivantes, dont celle de Chevalier de l’Ordre du Mérite et Citoyen d’Honneur de la ville libre et hanséatique de Hambourg en 1889, à l’initiative de son ami Hans von Bülow.

Il composera des œuvres de musique de chambre, en particulier pour ensembles de clarinettes, inspiré par le jeu de Richard Mühfeld, premier clarinettiste de la Chapelle de Cour de Meininger, et pour piano (Fantaisies et Intermezzi) jusqu’en 1894.

En 1892, Johann Strauss, ami de Brahms, lui dédie sa valse op. 443 Seid umschlungen Millionen.

Brahms achève la composition des Vier ernste Gesänge  le 7 mai 1896, trois semaines avant la mort de Clara Schumann.

Il décèdera le 3 avril 1897 et sera enterré le 6, à Vienne. Le drapeau des navires alors amarrés au port de Hambourg seront ce jour-là en berne.

 

Nous choisissons de terminer la visite par l’écoute de deux enregistrements de Brahms

Les Liebeslieder Walzer op. 52 interprétés par Edith Mathis, Dietrich Fischer-Dieskau et Peter Schreier

 

Les symphonies 1 à 4 dirigées par Riccardo Chailly

 

 

Passionnée de musique classique et de voyages, j'aime écrire au fil de l'inspiration et des rencontres. La musique se vit pour moi avant tout comme un voyage au coeur des émotions que je cherche ensuite à retransmettre par l'écriture.

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