Sehgal / Peck / Pite / Forsythe : l’Opéra de Paris casse les codes
© Julien Benhamou / Opéra National de Paris

Sehgal / Peck / Pite / Forsythe : l’Opéra de Paris casse les codes

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Samedi 8 octobre, le Palais Garnier présentait le travail de quatre talentueux chorégraphes contemporains, dont deux créations de Crystal Pite et Tino Sehgal, invités pour la première fois à l’Opéra de Paris. Un rafraîchissement pour les yeux… et les oreilles !

 

Minimalisme
Pour ouvrir la soirée, le rideau se lève sur In creases – jeu de mots entre To increase (augmenter) et In crisis (en crise) – de Justin Peck, chorégraphe résident et danseur soliste du New York City Ballet. Entré au répertoire de l’Opéra en mars 2016, le ballet que le jeune artiste de 28 ans considère comme l’un de ses plus abstraits, prend place dans un décor minimaliste où seuls deux pianos se font face en arrière scène. Les premier et troisième mouvement de Four Movements for two pianos de Philip Glass, merveilleusement interprétés par Elena Bonnay et Vessela Pelovska, donnent vie à une chorégraphie énergique où les danseurs, en tenues académiques, oscillent entre pas classiques et modernes, dans un mouvement continu.

Blake works I
© Julien Benhamou / Opéra National de Paris

La voix de James Blake
Moins conventionnel, Blake works I de l’américain William Forsythe, créé en juillet 2016, nous entraîne dans l’univers hypnotisant de la musique électro britannique de James Blake, tiré de son dernier album The Colour In Anything. La voix du londonien, omniprésente et lancinante, a inspiré le chorégraphe et les danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris.

7 morceaux, 7 chorégraphies originales, obligeant le maître Forsythe à toujours plus d’inventivité, comme lorsqu’il puise dans les codes de la danse urbaine et du jazz. A l’instar d’un compositeur, Forsythe parle de Fugue, contrepoint et d’entraînement pour qualifier les principes directeurs de sa création, conçue « pour » et « avec » les danseurs. Même si l’on a pu éprouver une certaine lassitude à écouter la voix de James Blake aussi longtemps, cette séquence a donné lieu à de véritables moments de grâce. C’est « un ballet à propos de l’amour du ballet » comme le résume le chorégraphe, qui n’avait pas créé pour la compagnie depuis 1999.

 

Hymne à la nature

Sur une partition des Quatre saisons de Vivaldi remixée de manière analogique par Max Richter, la chorégraphe a réalisé ce qui ressemble à un hymne à la nature. Au fil des saisons, les 54 danseurs (rien que ça !) reproduisent les moindres phénomènes naturels, du « micro » au « macro », sur fond de projection de champs magnétiques, phénomènes naturels ou chutes de neige.

Le résultat est bluffant. Torses nus et marqués d’une traînée turquoise sur le cou, les danseurs exploitent totalement la scène du Palais Garnier, comme dans ces larges déplacements groupés où ils semblent irrépressiblement attirés vers des aimants. Le nombre de danseurs, combiné à la lumière de Tom Visser, nous donne parfois l’impression de faire face à une forêt humaine. Les danseurs du Ballet, poussés à la lisière de leurs capacités physiques, ont d’ailleurs été récompensés par une belle ovation du public. « Cette pièce est […] autant un moyen de surmonter l’immensité et la complexité du monde naturel que d’en louer l’existence » souligne Crystal Pite.


Quand Chagall rencontre Sehgal

Pour clôturer la soirée (et pour la débuter*), l’artiste Tino Sehgal avait décidé de surprendre les spectateurs, et ce fut réussi ! Sur une musique de Ari Benjamin Meyers jouée en live dans la fosse, le Palais Garnier s’est métamorphosé comme rarement : lumières du plafond Chagall en mode stroboscopes, loges éclairées par intermittence, rideaux de scène effectuant des chorégraphies, ouverture du rideau de fer du Grand foyer de la danse… Un spectacle à 360°.
Brisant le quatrième mur, des danseurs se sont ensuite glissés de la scène vers la salle pour emmener le public dans une transe enivrante. Et la fête a joué les prolongations jusque sur le parvis du Palais Garnier… dans une ambiance survoltée !

 


* Avant le spectacle Tino Sehgal proposait quatre pièces dans les espaces public du Palais Garnier

 

IN CREASES
Musique : Philip Glass (Four Movements for two pianos)
Chorégraphie / Costumes : Justin Peck
Lumières : Mark Stanley

THE SEASONS’ CANON
CRÉATION
Musique : Max Richter (Recomposed : Antonio Vivaldi The Four Seasons)
Chorégraphie : Crystal Pite
Décors: Jay Gower Taylor
Costumes: Nancy Bryant
Lumières: Tom Visser

BLAKE WORKS I
Musique :  James Blake
Chorégraphie / Scénographie / Costumes / Lumières : William Forsythe

(SANS TITRE) (2016)
CRÉATION
Musique : Ari Benjamin Meyers
Chorégraphie : Tino Sehgal

Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet.

Sa passion pour la musique classique provient de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass. Attiré très tôt par le journalisme, il écrit ses premiers textes pour le quotidien régional Sud-Ouest Dordogne. En 2016, il rejoint l’équipe de Classicagenda en tant que rédacteur, et publie des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts ou albums. Il sera également invité au micro de la RTS pour parler du renouveau de la critique à l'ère digitale. Parallèlement, il mène une activité dans le domaine de la communication numérique.

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