Skip Sempé © Marco Borggreve
Skip Sempé © Marco Borggreve

Skip Sempé fait danser Terpsichore 2017

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Nous avons rencontré Skip Sempé, claveciniste virtuose, chef d’orchestre, fondateur du Capriccio Stravagante et directeur artistique du festival Terpsichore, qui se déroulera du 15 septembre au 12 octobre à Paris. Il aborde la programmation de cet évènement consacré à la musique de chambre, l’importance de la pédagogie, sa vision de la musique contemporaine, et le fonctionnement de son ensemble, le Capriccio Stravagante.

 

La majorité des concerts du festival Terpsichore ont de nouveau lieu à la salle Erard, un lieu très rarement utilisé pour la musique. Que trouvez-vous de singulier à cet endroit au regard d’autres lieux parisiens ?

La salle a été construite en 1899 par Sébastien Erard lui-même, l’un des derniers facteurs de clavecin en France. A l’époque, il fabriquait aussi des pianos et des harpes et la salle était certainement le « showroom » de la maison Erard ! Le parquet de ce lieu joue aussi un rôle très important, car l’acoustique de cette salle reste identique, qu’elle soit pleine ou vide. Wanda Landowska s’est d’ailleurs probablement inspirée de cette conception pour construire sa salle de concert à Saint-Leu-la-Forêt. En dehors du festival Terpsichore, il n’y a effectivement pas d’autres activités de concert…

 

Cette année le festival coïncide avec les Journées du Patrimoine. Est-ce un hasard ?

Non pas du tout. On constate chaque année qu’un large public est prêt à attendre des heures pour accéder aux divers monuments parisiens ! Ce même public peut donc aussi être intéressé par un concert de musique classique.

Hubert Hazebroucq
Hubert Hazebroucq dansera lors du récital « La flûte d’Arlequin »

Terpsichore est la Muse de la Danse dans la mythologie grecque et le spectacle « La flûte d’Arlequin » ouvre le festival le 15 septembre. C’est la première fois que la danse entre au festival ?

Oui ! En fait, l’année dernière nous avions fait un récital « The Grand Tour » avec un acteur, Julien Campani, et Olivier Fortin accompagné de son Ensemble Masques. Cette année, le flûtiste Julien  Martin s’associera au danseur Hubert Hazebroucq pour jouer l’intégralité des Fantaisies de Telemann sur 3 instruments. Nous célébrons à cette occasion le 250ème anniversaire de la mort de ce compositeur ; le personnage d’Arlequin servira de fil rouge au spectacle qui se déroulera à la salle Erard.

 

On fête cette année le 450e anniversaire de naissance de Claudio Monteverdi, le 16 septembre vous proposez un programme autour des contemporains de ce compositeur. Pourquoi avoir abordé ce répertoire avec votre ensemble ?

Il s’agit d’un programme de musique italienne pour 3 violons. Il y a énormément de musique vocale à cette époque et un peu moins de musique instrumentale. Quelque part, on a affaire à la musique instrumentale que Monteverdi n’a jamais écrite ! Et en France, la musique à 3 violons était assez exotique, on la trouvait surtout en Italie, en Allemagne et en Angleterre. J’affectionne particulièrement ces pièces et je m’étais dit qu’un jour ou l’autre il faudrait les jouer ! Cette musique est peu donnée en concert mais a été enregistrée dans les années 70-80. Nos violonistes chambristes sont d’ailleurs très bons pour jouer ce répertoire.

 

La Compagnia del Madrigale et le Capriccio Stravagante s’associent dans un programme William Byrd le 28 septembre au Temple de Pentemont. Pouvez-vous nous parler de ce récital ?

Nous avons récemment donné un concert avec eux à Utrecht. Les récitals de La Compagnia del Madrigale sont très rares en France et chacun de leurs disques reçoit une distinction. Lors de cette soirée, nous jouerons une pièce originale : Cries of London de Richard Dering, pour 5 violes et 5 voix. Une pièce très drôle, jamais donnée en concert, et qui fait référence aux cris des vendeurs sur les marchés.

 

Vous organisez une masterclass publique « Byrd & Frescobaldi au clavecin ». La transmission vous tient particulièrement à cœur ?

Avec la disparition des trois personnes qui m’ont formé, Gustav Leonhardt, Frans Brüggen et Nikolaus Harnoncourt, j’ai développé une affection pour la transmission. Aujourd’hui il y a très peu de personnes au monde qui communiquent les règles et la finesse de cette tradition aux générations futures. Cet héritage n’est d’ailleurs pas enseigné dans les conservatoires français et européens. Je le regrette…

 

La musique contemporaine ne vous plaît pas vraiment. Que lui reprochez-vous au juste ?

Oui, je n’aime pas la musique contemporaine. Je suis allergique à la musique atonale ! Pour moi, c’est autre chose que de la musique. Sauf exception, mon goût s’arrête donc en 1949 avec la mort de Richard Strauss qui a vraiment poussé la musique aux limites de l’atonalité.
En fait, ce n’est pas mon rayon parce que j’ai toujours en tête la musique médiévale et renaissance. Ce répertoire est éclipsé par beaucoup de musiciens qui jouent du baroque, du classique, du romantique, du XXème siècle et du contemporain. Pour moi, il y a donc quelque chose qui meurt…

 

Contrairement à d’autres formations, votre ensemble n’est pas subventionné. Est-ce un choix ?

Oui, mais je ne me plains pas ! Les subventions en France sont souvent basées sur le nombre de fiches de paie que l’on édite par an… Par ailleurs, ni un beau site web, ni une demande à la DRAC – même très bien faite –  n’assure la qualité musicale. Durant 25 ans, on a donc subventionné de bons chefs mais aussi des mauvais…
Cependant , ne pas être aidé limite surtout le travail, car sans subvention on ne peut pas réduire le prix d’un concert pour un organisateur. Et le contribuable ne sait pas assez qu’une subvention sert aussi à réduire les coûts d’entrée aux concerts…
En ce qui nous concerne, notre label Paradiso est financé par des fonds privés, tout comme le festival Terpsichore, aidé par un seul mécène français.

 

Malgré toutes vos activités, avez-vous le temps d’aller écouter des concerts ?

En fait, je fais le déplacement uniquement pour des artistes que j’admire : l’ensemble Masques, Raphaël Pichon, Bertrand Cuiller, Philippe Herreweghe, et d’autres… Et si je suis dans la même ville que Jordi Savall, je vais le voir ! Je suis un très grand fan ! J’aime énormément ce qu’il fait musicalement, et humainement.

 


 

Le site du festival : www.terpsichoreparis.com

 

CD – William Byrd – Virginals & Consorts
Skip Sempé
Capriccio Stravagante

A l’occasion du festival, Skip Sempé réédite un album qui lui tient particulièrement à cœur. Ce cd remastérisé traduit avec virtuosité la  richesse de la musique instrumentale de la Renaissance.

Extrait du CD : Byrd – Fantasia a 6

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