Florent Albrecht
Florent Albrecht © Bernard Martinez

Une nouvelle version des Nocturnes de John Field, par Florent Albrecht

2 minutes de lecture

Pour son premier enregistrement, le pianiste Florent Albrecht met habilement en lumière les Nocturnes de John Field sur un pianoforte de 1826.

 

Florent Albrecht a relevé brillamment le défi d’enregistrer les Nocturnes du compositeur et pianiste irlandais John Field (1782-1837), artiste singulier qui s’installa en Russie en 1803. Reconnu pour la “vocalité” de son jeu au pianoforte, il apparaît comme l’inventeur du Nocturne, avant Chopin, qui relégua au second plan les pièces de l’Irlandais…

Le livret apporte des informations contextuelles intéressantes. On y apprend que Field n’était pas un bourreau de travail, «créant sans effort, imaginant sans travail, perfectionnant sans peine, et publiant avec indifférence…», précise Franz Liszt, qui livra la première édition de ces Nocturnes. Pour combler certaines lacunes de la version lisztienne – Albrecht remet notamment en question l’usage d’une pédale harmonique-, le pianofortiste s’est rapproché de la British Library pour lever des doutes portant sur “tel ou tel phrasé, tel accord manquant ou erroné, telle note sonnant avec étrangeté”.

Ses recherches le menèrent aussi à la Bibliothèque de Saint-Pétersbourg où le claviériste exhuma un Nocturne inédit, infirmant l’usage de la pédale harmonique. En fait, la pédale forte “figure un medium expressif qui floute le son sur des phrases entières”, indique Albrecht.

Issu d’un parcours atypique, le claviériste Florent Albrecht fit une carrière dans l’industrie du luxe, avant d’intégrer le Conservatoire de Genève. Parmi ses professeurs, on compte Laurent Cabasso, Pierre Goy ou Kenneth Weiss. Il est fondateur de l’Ensemble de L’Encyclopédie à Genève qui s’attache à effectuer un travail d’interprétation historiquement informée sur le répertoire de l’époque des Lumières.

Le pianoforte de 1826 utilisé pour ces Nocturnes est signé du facteur Carlo de Meglio, restauré en 2004 dans les règles de l’art par Ugo Casiglia, et propriété de Florent Albrecht. Avec six octaves, cet authentique instrument semble apte à traduire tous les caractères contenus dans les NocturnesLe musicien le fait sonner avec évidence et éloquence, et offre une lecture limpide au service de l’émotion, tout en s’éloignant du prisme chopinien. Chaque Nocturne est un monde en soi, une voie qui mène vers l’univers singulier de John Field, et invite l’auditeur à une douce rêverie au gré de lignes bel cantistes.   

Par sa qualité, cet enregistrement se classera aisément aux côtés de ceux livrés par Bart van Oort, Miceal O’ Rourke, ou encore John O’Conor.

Florent Albrecht, lors de l'enregistrement des Nocturnes
Florent Albrecht, lors de l’enregistrement des Nocturnes

Le mot de l’interprète, Florent Albrecht

“On avait prévu quatre jours d’enregistrement pour tous ces nocturnes, sachant que tout cela devait tenir en trois. Je suis allé au Château De Montgeroult une semaine avant, et c’était le silence complet, la beauté et l’inspiration.
Quand nous avons commencé l’enregistrement, après le premier confinement, l’aérodrome a rouvert… Il y a eu de plus en plus d’avions dans le ciel… Surtout que la vue du Vexin et du château encourageait les avions à passer au-dessus.

Quand nous avons commencé l’enregistrement, après le premier confinement, l’aérodrome a rouvert…

À la fin, le dernier et quatrième jour, il ne nous restait que 3 nocturnes sur 16 à enregistrer, et nous avons commencé à 9h et terminé à 23h ! Je me souviens encore d’Émile Jobin qui est resté dans la salle d’enregistrement allongé sur le tapis pour être sûr que l’enregistrement se termine… C’est très rigolo parce que nous étions tellement stressés et fatigués, et cette musique demande tellement de concentration et de calme … Finalement ça ne s’est pas entendu !”

 

Nocturnes, de Florent Albrecht, a paru chez Hortus.


Retrouvez le programme Bel(s) Canto(s), inspiré des Nocturnes de John Field, avec Marie Perbost, Chantal Santon-Jeffery, sopranos, et Florent Albrecht, pianoforte, au Théâtre des Bouffes du Nord le 17 janvier 2022 à 20h30.

Sa passion pour la musique classique provient de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass. Attiré très tôt par le journalisme, il écrit ses premiers textes pour le quotidien régional Sud-Ouest Dordogne. En 2016, il rejoint l’équipe de Classicagenda en tant que rédacteur, et publie des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts ou albums. Il sera également invité au micro de la RTS pour parler du renouveau de la critique à l'ère digitale. Parallèlement, il mène une activité dans le domaine de la communication numérique.

Derniers articles de Sorties autorisées