La pianiste Claire Désert se produira au Printemps des Arts de Monte-Carlo le 13 avril lors de la Nuit du piano. Schumannienne dans l’âme, l’artiste évoque le programme de son récital où transparaît en filigrane la figure de Clara Schumann.
Vous allez jouer 2 pièces de Mauricio Kagel, (A deux mains, pour piano et Rosalie extrait de Rrrrrrr…, 8 pièces pour orgue) comment avez-vous abordé ce répertoire ?
En fait Marc Monnet, le directeur artistique du festival, souhaitait un fil rouge pour cette soirée avec Kagel et Schumann. La musique de Kagel est un peu nouvelle pour moi car il n’y a pas beaucoup de pièces pour clavier. On connaît mieux sa musique à la scène, avec toutes les interactions qu’il produit entre la scène, la musique et le théâtre musical. En fait, on a toujours un aspect un peu théâtralisé dans sa musique, même dans les pièces que je vais jouer d’ailleurs !
Schumann est l’autre compositeur inscrit au programme. C’est un peu le fil rouge de votre carrière ?
Oui, il y a assez peu de lien entre Kagel et Schumann, en tout cas je ne l’ai pas encore trouvé (rires). Je joue ce compositeur depuis le Conservatoire et c’est aussi mon premier disque et mon tout dernier qui est sorti au mois de septembre avec la Fantaisie, en do majeur, op.17.
Une Fantaisie dédiée à Clara Schumann et dont Liszt est le dédicataire…
Il y a effectivement Clara derrière chaque note. Un grand cri d’amour comme il l’a dit dans l’une de ses lettres, car c’était l’année où il ne pouvait plus la voir et était en procès avec son père. Certainement un moment extrêmement douloureux qu’il a exorcisé par cette Fantaisie. Mais au départ il s’agissait d’une commande pour l’érection d’un monument à Beethoven, à Bonn. En fait, toute la Fantaisie, en 3 mouvements, était un hommage à Beethoven.
Ensuite Schumann la dédiera à Liszt qui, plus tard, dédiera à Schumann sa Sonate en si. Mais c’est Clara, qui a d’ailleurs très peu joué cette Fantaisie, contrairement à Liszt, qui se trouve en filigrane de cette oeuvre. C’est une pièce emblématique de Schumann.
Vous jouerez la Novelette n°2, l’oeuvre la plus virtuose de ce cycle. On retrouve une nouvelle fois Clara entre les notes ?
Tout à fait. Sauf que cette pièce était consacrée à une autre Clara, pianiste, qui s’appelait Clara Novelo, d’où le nom de Novelette. Mais il a bien dit à Clara qu’en fait ces Novelettes lui étaient dédiées. La 1ère, la 2ème et la 8eme sont celles que l’on joue le plus souvent. Les 8 novelettes faisaient d’ailleurs l’objet de mon tout premier disque lorsque j’avais 22 ans avec l’opus 111 de Schumann.
Avez-vous adopté une vision différente sur cette oeuvre depuis votre premier enregistrement ?
J’aurais du mal à le dire car je ne réécoute jamais mes enregistrements ! J’espère que j’ai fait du chemin en plus de 25 ans ! (rires) Avec le temps j’ai joué de plus en plus de Schumann, notamment des oeuvres majeures, et j’imagine que mon regard s’est enrichi.
En fait j’ai rarement joué Les Novelettes parce que le cycle est très long et peut-être pas très digeste non plus. Mais il y a énormément de bijoux dans ces 8 pièces, je pense à la 6ème, à la 3ème, que l’on joue moins…



Et la pièce complétant le “triptyque” consacré à Schumann sera la Romance n°2, en fa dièse majeur, op.28. Pouvez-vous nous en parler ?
J’ai enregistré les Trois Romances avec la Fantaisie et les Scènes de la Forêt dans mon dernier disque. Et la 2ème, un peu comme une berceuse, est vraiment un pur chef d’oeuvre. Il s’agit d’une des pièces préférées de Schumann lui-même, dans une tonalité de Fa dièse majeur. D’une grande tendresse, elle offre une respiration dans le programme. On connaît moins les 2 autres Romances qui sont aussi très réussies.
Pour revenir à Kagel et à la musique contemporaine en général, est-ce un répertoire que vous aimeriez enregistrer ?
J’ai très peu enregistré de musique contemporaine, hormis un disque avec une oeuvre de Bruno Mantovani. Je suis quand même amenée à en jouer régulièrement, par choix. Cela demande beaucoup de temps de monter un tel répertoire car il y a aujourd’hui autant de langages qu’il y a de compositeurs. Il faut à la fois apprendre l’oeuvre et le langage, mais je trouve ça toujours très enrichissant surtout lorsque ce sont des artistes vivants. Le travail auprès d’eux est extrêmement porteur.
Avant le concert vous donnerez une masterclass, l’enseignement vous tient particulièrement à coeur ?
Oui j’enseigne au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse (CNSM) de Paris où j’ai repris la classe de Brigitte Engerer après son décès. C’est une part très importante de mon activité, très enrichissante. Travailler au CNSM avec des étudiants motivés, qui donnent autant qu’on leur donne c’est vraiment du velours. Cela me tient très à coeur et je ne pourrai plus arrêter !
Pour la masterclass, c’est un peu différent par rapport à Paris. Au CNSM, c’est un travail régulier sur 3 ou 5 ans, là c’est plutôt donner un éclairage sur un cours. Lorsque l’on fait une masterclass on lance des pistes sur des choses essentielles, d’un point de vue technique, et puis aussi concernant le texte, savoir lire une partition par exemple… On apporte une oreille et un regard extérieurs par rapport au professeur qui voit l’étudiant chaque semaine. On ouvre des portes !
Samedi 13 avril – 18h00 – Monaco – Musée Océanographique
Mauricio Kagel / A deux mains, pour piano
Robert Schumann / Romance n°2, en fa dièse majeur, op.28
Robert Schumann / Fantaisie, en do majeur, op.17
Robert Schumann / Novelette n°2, en ré majeur, op. 21
Mauricio Kagel / Rrrrrrr…, 8 pièces pour orgue (VII. Rosalie)
Les pianistes Aline Piboule et Beatrice Berrut partageront la scène avec Claire Désert lors de la Nuit du piano.