Les Traversées Baroques et la compagnie Käfig
Danse hip-hop et musique baroque avec Les Traversées Baroques et la compagnie Käfig © Bertrand Pichène

Festival d’Ambronay : quand la danse hip-hop flirte avec la musique baroque 

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Le 18 septembre, le festival de musique baroque d’Ambronay s’exportait en terre lyonnaise pour y rencontrer la culture urbaine. Grâce à l’habileté du chorégraphe Mourad Merzouki, deux univers a priori inconciliables étaient intelligemment mis en scène.

 

“Crossover”, c’est le mot employé par le festival d’Ambronay pour nommer cette nuit « baroque hip-hop ». Un concept qui a de quoi faire fuir les ayatollahs de la musique classique ! Et à vrai dire, le mélange des genres n’est pas toujours très heureux artistiquement (ce qui ne sera pas le cas ce soir). D’autant plus lorsque le crossover semble clairement exploité dans un but commercial – on pense aux chanteurs stars du classique surfant sur la vague en espérant capitaliser l’écume du succès. Il y a quelques années, l’exemple du quatuor à cordes féminin Bond est significatif.
Mais ce type de crossover a-t-il vraiment rajeuni le public de la musique classique malgré son succès des ventes ? A Radio-France, les concerts Hip Hop Symphonique, consistant à jouer des arrangements de rap pour grand orchestre, amènent-ils réellement un nouveau public vers le répertoire classique ? On peut sérieusement en douter…

Le danseur hip-hop Jérôme Oussou
Le danseur hip-hop Jérôme Oussou au festival d’Ambronay © Bertrand Pichène

Cependant, il reste des propositions lumineuses et pertinentes à l’instar de la soirée que nous avons passée à Bron, dans la banlieue lyonnaise, autour et dans la salle Albert Camus. L’idée d’appliquer les gestes de la danse hip-hop à la pulsation entêtante de la musique baroque, qui garde tout de même son intégrité, fonctionne ici plutôt bien. Des formats courts de 20 min se sont succédé avant un concert-spectacle intitulé Traversées baroques, plus important, puis un Bal Renaissance pour initier le public à la danse.

L’audace de Mourad Merzouki

Tout d’abord, installé sur le parking de la salle, le spectacle Fugacités conçu par Franck-Emmanuel Comte, directeur de l’ensemble le Concert de l’Hostel Dieu, donne vie à une chorégraphie imaginée par l’inventif Mourad Merzouki (par ailleurs Directeur du Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-de-Marne et conseiller artistique de Pôle En Scènes à Bron) autour d’un clavecin, d’un violon et d’un violoncelle. Le chorégraphe n’en est pas à son coup d’essai. Ces dernières années, il multiplie les réussites avec des spectacles étonnants qui brisent les codes du hip-hop. On peut notamment citer Boxe boxe Brasil avec le quatuor Debussy. Dans la veine du précédent spectacle Folia, l’artiste combine avec audace les partitions de Vivaldi, Purcell ou encore Playford et le talent du danseur hip-hop Jérôme Oussou. Ce dernier est même rejoint par les musiciens dans une sorte de jeu de rôles artistique, et le public, convié à la fête.

Plus tard, avec Gal’hop, on a pu assister à une alchimie originale entre les musiciens de l’Orchestre de Chambre de Lyon, la compagnie Käfig et… un cheval. Souvent relégué au rôle de faire valoir face à des danseurs très mobiles, l’équidé semblait, par moment, un brin statique. Cela n’enlève rien à la prestation de la troupe mais aussi de la violoniste Axelle Tahiri qui a tout de même joué en selle sans craindre les caprices de la bête.

La gambiste Lucile Boulanger aux côtés de la danseuse Mathilde Devoghel
La gambiste Lucile Boulanger aux côtés de la danseuse Mathilde Devoghel © Bertrand Pichène

La fusion des genres trouvera des couleurs poétiques avec une création inédite de la gambiste Lucile Boulanger aux côtés des danseurs Mathilde Devoghel et Aymen Fikri. Danse contemporaine et smurf s’entrecroisent, fusionnent, et nous entraînent dans un trio lyrique à l’élasticité gestuelle et musicale hypnotique. Cette rencontre improbable semble naturelle et souligne l’universalité de la musique et de la danse qui paraît sans limite.

Un voyage dans le Siècle d’or espagnol

Enfin, en prélude au Bal Renaissance donné par l’ensemble Boréades en clôture, nous voici devant une configuration plus traditionnelle pour le spectacle Traversées baroques par l’ensemble éponyme. Prenant comme fil conducteur les musiques du Siècle d’or espagnol, ce spectacle offrait une spatialisation intéressante qui renouvelait l’écoute. En effet, chaque instrumentiste ou chanteur se voyait changer de place en fonction des oeuvres jouées. Cependant, on peut regretter la sonorisation de ce concert qui troublait parfois l’écoute en privilégiant tel ou tel chanteur ou instrument… Cette séquence de plus d’une heure, qui tranchait avec les formats courts qui précédaient, a vu aussi l’intervention des danseurs de la compagnie Käfig à travers une chorégraphie de Kader Belmoktar. Encore une fois, l’œcuménisme entre les genres a bel et bien fonctionné, donnant envie d’explorer aussi bien la scène hip-hop que le répertoire classique…

Espérons que le public aura la curiosité de se rendre au festival d’Ambronay pour prolonger l’ivresse baroque. L’événement se tient jusqu’au 3 octobre.

Sa passion pour la musique classique provient de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass. Attiré très tôt par le journalisme, il écrit ses premiers textes pour le quotidien régional Sud-Ouest Dordogne. En 2016, il rejoint l’équipe de Classicagenda en tant que rédacteur, et publie des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts ou albums. Il sera également invité au micro de la RTS pour parler du renouveau de la critique à l'ère digitale. Parallèlement, il mène une activité dans le domaine de la communication numérique.

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