Festival de Pâques à Deauville
Festival de Pâques à Deauville © Claude Doaré

Effervescence chambriste au Festival de Pâques de Deauville

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Le 23ème Festival de Pâques de Deauville ouvrait les festivités les 20 et 21 avril avec deux concerts à géométrie variable, mettant en valeur les qualités de chambriste des chanteurs et instrumentistes. A travers la programmation d’un répertoire audacieux, les jeunes virtuoses ont conquis la salle Elie de Brignac.

C’est avec le jeune quatuor vocal L’Archipel, fondé par la mezzo-soprano Adèle Charvet en 2018, que débute ce week-end dédié à la musique de chambre. La jeune chanteuse a étudié le répertoire du Lied avec David Selig et Anne Le Bozec. Aux côtés du pianiste Florian Caroubi, son travail est récompensé plusieurs fois : Concours International Nadia et Lili Boulanger et Concours International’s-Hertogenbosch. Composé également de Mariamielle Lamagat, soprano, Mathys Lagier, ténor et Edwin Fardini, baryton, le quatuor traduit avec clarté le caractère romantique des différents Spanische Liebeslieder pour quatuor vocal et piano à quatre mains opus 138 de Robert Schumann, composés sur des poèmes espagnols. On notera la remarquable prestance et l’autorité du baryton Edwin Fardini lors de son solo (Flutenreicher Ebro), un timbre de voix impressionnant emplissant totalement la salle. Le duo féminin s’illustre dans Bedekt mich mit Blumen, les deux voix proposant un équilibre délicat traversé d’un fulgurant élan passionnel. Le quatuor donnera sa pleine mesure avec l’ultime et très habité Dunkler Lichtglanz blinder Blick où chaque chanteur semble investi au plus haut point.

 

Ismaël Margain et Guillaume Bellom, un duo accompagnateur remarquable

Il faut également relever l’ardeur du duo Ismaël Margain et Guillaume Bellom (deux pièces pour piano seul leur sont aussi réservées), tous deux habitués du Festival de Pâques à Deauville et ayant profité des conseils de Nicholas Angelich – lequel se produira le 27 avril aux côtés de Pierre Fouchenneret et Yan Levionnois. Un sens de l’accompagnement et des nuances que l’on retrouve dans les ondoyantes Chansons à quatre voix pour quatuor vocal et piano à quatre mains opus 39 de Florent Schmitt. Une partition défendue avec éloquence par les quatre chanteurs mais moins marquante que le reste du programme. Mariamielle Lamagat et Adèle Charvet se retrouveront lors du mélancolique Abschiedlied der Zugvögel (Chant d’adieu aux oiseaux) extrait des Sechs Duette pour voix et piano opus 63 de Félix Mendelssohn, accompagnées par Guillaume Bellom. Soprano et mezzo-soprano font ensuite sensation dans le Ich und du duo de Peter Cornelius (élève de Franz Liszt), transcendant la ductilité et les élans passionnés de ce lied composé sur un texte de Hebbel.

Festival de Pâques à Deauville
Festival de Pâques à Deauville © Claude Doaré

Brahms à l’honneur

La suite du concert portera sur des oeuvres de Johannes Brahms, et tout d’abord trois duos dont Die Schwestern extrait des Vier duette op.61, qui nous emmène sur un terrain guilleret et facétieux tandis que Die Meere (des Drei Duette op.20), réussit à nous emporter telle une berceuse sur des rivages lointains. On n’oublie pas non plus le rôle essentiel de l’accompagnement – toujours impeccable et rigoureux – d’Ismaël Margain.

Les deux pianistes sont de nouveau ensemble dans 5 extraits des Sechzehn Walzer pour piano à quatre mains op. 39 mêlant diverses inspirations. A ce sujet le musicologue Claude Rostand rappelait que Brahms composa ces courtes pièces afin de compiler « tous les types de valse qu’il connaît de par ses expériences de brasseries, tous les styles, de la pesante valse des bords de la mer du Nord, jusqu’à la valse légère et mousseuse de Strauss, en passant par les Ländler des montagnards tyroliens et bavarois ». Une agréable récréation instrumentale à l’orée de la dernière série de Lieder.

Les 15 pièces des Neue liebeslieder waltzes op 65 de Brahms concluent cette soirée chambriste. Quand il ne se produit pas en quatuor, chaque chanteur est ici sollicité séparément ou en duo. Les jeunes artistes offrent une lecture intimiste et pleine de charme jusqu’au quatuor final évanescent.

 

Un septuor brillant

Le lendemain Haydn, Mozart et Beethoven cohabitaient lors d’un récital instrumental en coproduction avec la fondation Singer-Polignac, véritable “incubateur” de talents. Le pianofortiste Justin Taylor compte d’ailleurs parmi les jeunes artistes en résidence. C’est en compagnie du violoniste Julien Chauvin et du violoncelliste Victor Julien-Laferrière qu’il se produit ce soir dans le Trio n°26 Hob XV : 13 de Haydn. Piano forte et violon se partagent avec éloquence langueur et optimisme du double thème avant de se lancer dans un Allegro spiritoso altier où le trio déploie sa vigueur avec brillance.

Le festival de Pâques à Deauville
Le festival de Pâques à Deauville © Claude Doaré

Le Quatuor pour pianoforte et cordes n°2 K.493 de Mozart qui verra la venue de l’altiste Pierre-Eric Nimylowycz n’aura pas retenu toute notre attention. Hormis des problèmes de justesse dans le premier mouvement et une nonchalance un peu trop marquée dans le Larghetto, la pièce se termine cependant dans un Allegretto concertant où Justin Taylor dialogue avec les cordes en toute virtuosité.

Nouveau changement de configuration ! C’est en septuor que se referme le concert. Le Septuor pour vents (à droite sur scène) et cordes (à gauche) opus 20 de Beethoven. Julien Chauvin entraîne ses compères sur les reliefs d’une partition de style classique en six mouvements. Le timbre chaleureux de la clarinette de Toni Salar-Verdú infuse l’Adagio cantabile, tandis que Victor Julien-Laferrière et son violoncelle se font remarquer dans un Scherzo enlevé. Le Presto final vient conclure en beauté un Septuor que l’on peut considérer comme la pièce maîtresse du concert tant son exécution laisse le soin d’apprécier les qualités de chaque instrumentiste, indéniablement à l’écoute les uns des autres.

Durant ces deux concerts liminaires, les évidentes qualités de chambristes de ces jeunes talents se sont imposées au public deauvillais. Grâce à son directeur artistique Yves Petit de Voize et à son équipe passionnée, le Festival de Pâques n’hésite pas à prendre le large en explorant un répertoire moins “mainstream”. Nous l’avons remarqué lors de la soirée avec l’ensemble vocal “L’Archipel”, qui aurait mérité un plus large public.

En transformant deux fois par an cet amphithéâtre – par ailleurs première place de vente de pur-sang en France ! – en salle de concert chambriste, le festival y apporte son supplément d’âme et continue à régaler un public fidèle en associant étoiles montantes et valeurs sûres.

Le festival fera vibrer la salle Elie de Brignac jusqu’au 4 mai, avant un Août musical qui s’annonce tout aussi passionnant !

 


Le concert d’ouverture sur France Musique

 

Sa passion pour la musique classique provient de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass. Attiré très tôt par le journalisme, il écrit ses premiers textes pour le quotidien régional Sud-Ouest Dordogne. En 2016, il rejoint l’équipe de Classicagenda en tant que rédacteur, et publie des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts ou albums. Il sera également invité au micro de la RTS pour parler du renouveau de la critique à l'ère digitale. Parallèlement, il mène une activité dans le domaine de la communication numérique.

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