Avant le concert “Immatériel” le 9 décembre au Café de la Danse à Paris, nous avons rencontré le compositeur et pianiste Olivier Calmel. Il nous parle notamment de l’histoire (improbable) de l’album “Immatériel”, du langage commun entre les musiciens de Double Celli, et de “Jazz de chambre”… Rencontre.
Comment est née l’ensemble Double Celli et l’idée de l’enregistrement de l’album “Immatériel” ?
Double Celli est avant tout une histoire de hasard, ce beau hasard par qui tout arrive. Celui qui, un curieux jour d’avril, a créé les conditions d’une rencontre exceptionnelle entre deux violoncellistes venus d’univers très éloignés, d’un pianiste et d’un percussionniste. Il n’était pas évident d’imaginer de prime abord ce qui pourrait émerger de ce duo improbable composé d’un grand concertiste classique et d’un rythmicien improvisateur. Il n’était pas plus évident d’envisager le quatuor à corde avec deux violoncelles, un violon et un alto, si rares dans les musiques improvisées ! Et pourtant c’est bien ce qu’il advint après deux directs sur Fip Classic Bazar et Tapage Nocturne (France Musique) ainsi que quelques concerts, et l’émotion créée ce jour-là ne s’est jamais démentie. Double Celli c’est enfin et surtout une histoire de prise de risque, de désir de déplacer les zones de confort de chacun pour trouver dans le collectif des réponses à nos désirs de partage et d’ouverture.
Notre premier album “Immatériel” a été créé dans des conditions que j’affectionne : celles de la famille, du partage et de l’engagement. Nous avons notamment enregistré dans un studio que je connais par cœur pour y avoir réalisé des dizaines de projet : le studio Sequenza à Montreuil avec le formidable Thomas Vingtrinier comme ingénieur du son, partenaire, oreille attentive et bienveillante.
Certains musiciens qui collaborent avec vous sont issus d’univers très différents, comment avez-vous réussi à travailler ensemble ?
Il est certain que Xavier Phillips et Clément Petit ont des techniques, un artisanat et des environnements professionnels très différents. Il est tout aussi certain que nous avons tous des cultures et des approches assez différentes. Pour autant, dès la première rencontre, dès la première note jouée, il y a eu une sorte d’évidence que nous avions des choses à nous conter, à nous faire découvrir mutuellement.
Lorsque Xavier nous transmet une part de son savoir de concertiste et de chambriste, nous sommes pleinement conscients de l’extraordinaire chance que nous avons d’être musicien et de pouvoir jouer avec lui. Nous avons tout autant conscience de ce bonheur lorsque Johan nous transmet sa connaissance des musiques du monde, sa conception du rythme, de la mouvance de tous les éléments constitutifs de la musique. Et c’est le cas pour chacun d’entre nous : chacun apporte une pierre absolument essentielle à l’édifice. Le langage commun existe : il est avant tout émotionnel.
Pour qualifier cette musique vous parlez de “Jazz de chambre”, pouvez-vous nous en dire plus ?
Il y a pour nous une part fondamentale et incontestable de “jazz” dans cette musique : par l’apport de l’improvisation, des formes, de l’aspect à la fois modal et polytonal, par le choix du phrasé et des idiomes qui ont forgé cette culture si large que nous classons dans “jazz”. Il est tout aussi évident qu’il s’agit de musique de chambre : la formation quatuor à cordes et piano, les passages stylistiquement hérités de la musique française de la deuxième partie du 20ème siècle, les choix de phrasés et de respirations, la souplesse dans les tempi, tout cela relève bien de qualités développées chez les chambristes.
Quelle est la part allouée à l’improvisation dans cette création ?
Elle est absolument essentielle ! Et toujours en mouvement. En concert, il reste la possibilité d’un échappatoire. Même si nous prévoyons beaucoup d’éléments, il est rare que nous nous y tenions véritablement ! Et j’ai pu expérimenter à quel point cette formation est tous terrains !
Quelles ont été vos principales sources d’inspiration pour composer “Immatériel” ?
J’ai une écriture picturale me semble-t-il, je suis très sensible aux paysages et aux couleurs. Il y a une recherche de simplicité et une volonté de synthèse, de cohérence. Le plus important pour moi est la conscience aiguë de l’artisanat d’une part, et l’intuition absolue que je suis la même personne, le même compositeur. Que j’écrive pour Double Celli ou pour un orchestre, pour un duo de clarinettes ou pour un brassband, pour accordéon et contrebasse ou pour quatuor de cors et orchestre : je suis exactement le même musicien, et c’est bien là l’essentiel.
L’artisanat se développe, s’adapte évidemment, mais au fond nous restons la personne que nous sommes : rien de plus mais surtout rien de moins ! Ce que je peux dire avec certitude : Double Celli “Immatériel” est à l’orée de l’ensemble de mes influences, artisanats et désirs !
DOUBLE CELLI “IMMATÉRIEL” est distribué par le réseau Harmonia Mundi et les plateformes numériques, comme Qobuz.
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