Jean-Luc Ho et ses copies de clavecins Ruckers
Jean-Luc Ho et ses copies de clavecins Ruckers © Julien Bordas

Jean-Luc Ho et la folie des clavecins Ruckers

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Le claveciniste et organiste Jean-Luc Ho donnera un récital intitulé RuckersMania à La Scala de Paris, le 13 novembre. L’artiste jouera des instruments issus de sa collection personnelle, copies de modèles historiques qui, à l’époque, faisaient l’objet d’un véritable culte. Nous l’avons rencontré chez lui, aux côtés de ses clavecins d’exception.

 

Vous allez jouer des copies de clavecins Ruckers, qu’ont-ils de particulier ?

Vers 1580, les ateliers anversois Ruckers ont mis au point un modèle de clavecin qui a fait date. Leurs instruments étaient très prisés et très chers, à l’image des Stradivarius pour les violonistes. On traversait l’Europe pour les acheter. La preuve, avec Frescobaldi qui a fait le voyage d’Italie jusqu’à Anvers pour rapporter un Ruckers !

Il s’agissait alors d’une vraie économie et ces modèles étaient réalisés avec une grande efficacité. Les ateliers Ruckers adaptaient même la facture de leurs clavecins en fonction du pays de vente. 

Les Ruckers ont provoqué un choc en moi, un peu comme celui de la découverte de la Chapelle Sixtine.

Le claveciniste Kenneth Gilbert fut à l’origine de la première reconstitution très fidèle de ces instruments. Les Ruckers ont provoqué un choc en moi, un peu comme celui de la découverte de la Chapelle Sixtine. Le son est clair, droit, vif et lumineux. L’énergie requise pour les jouer donne l’impression de fabriquer le son.

J’apprends avec ces instruments, ils forment l’oreille et la main, nous donnent un geste, c’est très pragmatique. Mais aussi très subjectif car chaque musicien aura sa propre interprétation…

Parlez-nous de vos instruments, qui seront joués sur la scène de la Piccola Scala.

Les clavecins utilisés lors du concert sont des reconstitutions de leur état d’origine fin XVIème et début XVIIème. Les instruments historiques ont quant à eux subi des transformations à la fin du XVIIème ou au XVIIIème.

Je jouerai différents modèles, d’abord le clavecin transpositeur d’Emile Jobin et Tiziano Kraemer (2022). Il s’agit d’une reconstitution du clavecin Ioannes Ruckers 1612 conservé au musée de l’hôtel Berny à Amiens. La peinture qui orne le couvercle est une copie de la première allégorie d’Amsterdam en tant que ville marchande. 

Ensuite, le clavecin Hubert Bédard & David Ley (1975), une reconstitution du clavecin Andreas I Ruckers 1644 conservé au Vleeshuis Museum à Anvers et restauré en 2022 par Julien Bailly.

Nous aurons aussi un Virginal-Muselaar Jean Tournay 1973 et Emile Jobin 2013, d’après Ruckers. Et enfin, un Ottavino Mathijs de la Rive Box, 2020 et Amadeo Castille 2022, d’après Hans Ruckers 1581 et conservé au Metropolitan Museum de New-York. Cette épinette à l’octave est constituée de 45 notes et fut produite en grand nombre.

Clavecin Emile Jobin & Tiziano Kraemer, 2022.
Clavecin Emile Jobin et Tiziano Kraemer, 2022. Reconstitution du clavecin Ioannes Ruckers 1612 conservé au musée de l’hôtel Berny à Amiens.

Vous enseignez l’accord et les tempéraments au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, qu’apportent ces cours aux élèves musiciens ?

J’aide les étudiants à comprendre l’instrument, l’écouter, le choisir, pour lui donner le meilleur son possible.  

Accorder donne un relief, une couleur, qui ajoute des nuances, donne un jeu parlant. C’est une connexion à un instrument que l’on va visiter de fond en comble. Donner un tempérament, c’est construire l’arrière scène, le décor.  

Un claveciniste doit savoir accorder son instrument. Je leur montre comment l’utiliser sur scène, lieu où ils doivent créer leur histoire, trouver leur propre voie. C’est un acte musical, et le musicien est le mieux placé pour le faire.  

Pouvez-vous évoquer le programme du concert du 13 novembre ?

Il s‘agira d’un voyage dans toute l’Europe, là où les Ruckers furent joués. Je proposerai des oeuvres de De Macque, Byrd, Frescobaldi, Cabanilles et D’Anglebert et Sweelinck, dont je prépare l’œuvre intégrale.

 


Connaissez-vous la Piccola Scala ? Ce petit amphithéâtre logé au coeur de La Scala propose des récitals en toute intimité, un endroit idéal pour la musique baroque. 

Chaque 13 du mois au 13 boulevard de Strasbourg, La Scala vous donne donc rendez-vous avec le meilleur du baroque. Un récital de viole de gambe par Lucile Boulanger sera donné le 13 décembre, ce sera au tour de Lucile Richardot le 13 février 2023, et Robin Pharo le 13 avril.

 

Plus d’infos et réservation.

Sa passion pour la musique classique provient de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass. Attiré très tôt par le journalisme, il écrit ses premiers textes pour le quotidien régional Sud-Ouest Dordogne. En 2016, il rejoint l’équipe de Classicagenda en tant que rédacteur, et publie des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts ou albums. Il sera également invité au micro de la RTS pour parler du renouveau de la critique à l'ère digitale. Parallèlement, il mène une activité dans le domaine de la communication numérique.

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