Incarnant aussi bien les rôles de princes par sa haute figure et son port altier, que des rôles sombres par la puissance de sa danse et de son engagement dramatique, Karl Paquette est l’une des étoiles qui ont marqué la dernière décennie de l’Opéra de Paris.
Il revient à la fois sur scène et à la production, dans « Mon Premier Lac des Cygnes », un spectacle qu’il a imaginé et porté avec succès l’an passé, un ballet familial, à retrouver à partir du 13 février prochain, pour une série de 20 représentations au théâtre Mogador.
Karl Paquette, ce spectacle a rencontré un très vif succès auprès du public l’an passé, vous y attendiez-vous ? Comment est né ce projet ?
J’ai eu la chance de côtoyer au fil de ma carrière les plus grands chorégraphes. En 25 ans à l’Opéra, on s’enrichit de toutes les versions possibles, tant au niveau de la chorégraphie que de la mise en scène.
Lorsque j’ai voulu faire découvrir à mes enfants l’Opéra ses spectacles qui sont des merveilles, je me suis aperçu que l’Opéra est quasiment inaccessible pour eux, pour différentes raisons, notamment celle des horaires et de la longueur des ballets… Mes propres enfants s’endormaient alors qu’ils venaient voir leur père sur scène !
Suite à cela, j’ai eu envie de proposer quelque chose à leur portée, en gardant une qualité qui puisse réjouir même les plus grands aficionados de la Danse. Nous savions que nous présentions un spectacle de grande qualité et original, mais vous savez, dans le spectacle, on n’est jamais sûr… en plus il y avait les grèves … Le succès rencontré nous a comblé et nous motive pour monter d’autres œuvres du répertoire.
Comment êtes-vous parvenu à concilier cette exigence de qualité artistique et ce besoin d’adapter le ballet d’origine pour ce spectacle ?
Je ne suis pas seul. Je me suis entouré d’une équipe remarquable et soudée ! Tout d’abord Fabrice Bourgeois pour la chorégraphie et la mise en scène. Fabrice est un ancien soliste de l’Opéra aujourd’hui maître de Ballet à l’Opéra et un des meilleurs chorégraphes qui m’ait été donné de voir. Il a un sens inné de la mise en scène, une profonde culture du ballet, un sens de la musique et des ensembles hors du commun que j’avais tout de suite remarqué lorsque j’ai eu la chance de danser son Don Quichotte à l’Opéra.
Ensuite il y a le costumier Xavier Ronze, responsable du pôle costumes de l’Opéra de Paris, qui a mis son savoir-faire exceptionnel dans tous nos costumes, l’artiste peintre Nolwenn Clairet a réalisé les décors et mon ami d’enfance Clément Hervieu-Léger, pensionnaire de la Comédie Française, metteur en scène et dramaturge a repris la trame de l’histoire et la narration pour permettre aux enfants de bien comprendre l’intrigue et ses subtilités. Quant à moi, je suis à la fois sur scène dans le rôle du maléfique Rothbart et j’ai un oeil sur un peu tous les aboutissants.
Quels sont les particularités de ce spectacle ?
C’est un spectacle conçu en deux parties de 40 minutes entrecoupées d’un entracte. La trame du ballet original et toutes les scènes essentielles ont été gardées et d’autres réécrites et adaptées sur la merveilleuse musique de Tchaïkovski afin de garder une bonne cohésion d’ensemble de l’œuvre. Nous avons ajouté une voix off qui présente l’intrigue afin de permettre une bonne compréhension de ce qui se joue sur scène.
Ce spectacle est vraiment familial, tout public. Nos plus jeunes spectateurs ont environ 3 ans, mais tous les enfants nous ont impressionné par leur concentration. Notre défi était de les captiver et une fois leur attention captée, c’est gagné, ce sont les meilleurs spectateurs ! Mais il n’y a pas que des jeunes enfants ! Nous avons même des couples de retraités qui viennent comme à un spectacle de soirée normal.

Vous avez dû reporter les représentations, cela n’a pas été trop compliqué ?
On a repris les répétitions au mois d’octobre, nous allions reprendre les derniers sessions de travail sur la scène de Mogador lorsque les mesures sanitaires sont tombées, juste avant les représentations … Nous avons donc reporté au 13 février. On remercie le théâtre Mogador de nous avoir permis de répéter sur place et que ce spectacle puisse se faire, avec TF1 et Playtwo à nos côtés… Ce théâtre mythique a définitivement contribué à la réussite du spectacle l’an passé. Nous avons connu un remplissage exceptionnel malgré les grèves… Cela nous encourage à persévérer : le public est là, nous savons que nous avons à nous retrouver !
La transmission aux jeunes générations est devenue une préoccupation centrale pour vous semble-t-il…
La transmission, la pédagogie… ça m’a toujours plu en fait; même quand j’étais danseur… peut-être parce que je suis fils de prof (rires). Quand je dansais à l’Opéra, c’était surtout par le travail sur des rôles avec de plus jeunes danseurs ; les voir évoluer et y contribuer, était une grande satisfaction. Ainsi, environ un an avant mes adieux, je dansais Basilio avec ma jeune partenaire d’alors Valentine Colosante – avec laquelle on avait beaucoup travaillé – lorsqu’elle a été nommée étoile, dans mes bras… Symboliquement c’était pour moi comme un passage de témoin et c’est l’un des mes plus beaux souvenirs de fin de carrière ! Aujourd’hui, plus encore, c’est la jeunesse qui me porte.
Vous enseignez depuis peu à l’école de l’Opéra de Paris…
Oui, depuis septembre, j’ai la classe de 6emedivision garçons à l’Ecole de l’Opéra, donc des enfants qui ont entre 10 et 12 ans. Je suis très heureux d’avoir cette classe, c’est un âge où les professeurs comptent. J’ai moi-même de très bons souvenirs de mes propres profs à cet âge, vous savez, de ceux qui inculquent la valeur de la matière, des choses bien faites… et puis j’ai moi-même des enfants du même âge, je sais l’importance des mots, des images, des anecdotes… il est important de montrer qu’il y a des joies immenses, leur faire aimer la matière, leur faire aimer ce qu’ils font, leur faire aimer la vie… Vous savez ces enfants font des sacrifices importants pour espérer faire ce métier, alors c’est essentiel de montrer qu’à côté des efforts, il y a de la joie !